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Magie et sensualité des timbres

Paris
Salle Pleyel
02/22/2012 -  et 23* février 2012
Ludwig van Beethoven : Die Geschöpfe des Prometheus, opus 43: Ouverture – Concerto pour piano n° 2, opus 19
Maurice Ravel : Daphnis et Chloé

Maria João Pires (piano)
Chœur de l’Orchestre de Paris, Lionel Sow (direction), Orchestre de Paris, Riccardo Chailly (direction)


R. Chailly


Après une mémorable intégrale des Symphonies de Beethoven avec son Gewandhaus de Leipzig en octobre dernier, Riccardo Chailly revient à Pleyel, cette fois-ci avec l’Orchestre de Paris. S’il ne l’a précédemment dirigé qu’en mai 1982 et janvier 1985, il semble vouloir rattraper le temps perdu en offrant à une semaine d’intervalle deux programmes donnés chacun à deux reprises. Le second sera consacré à George Gershwin (avec le pianiste Stefano Bollani), tandis que le premier devait être intégralement dédié à celui auprès duquel le compositeur américain avait demandé à prendre des leçons, Maurice Ravel – en vain, car ce dernier, avec son humour coutumier, botta en touche en faisant valoir que c’était plutôt son cadet, au vu de leurs revenus respectifs, qui avait des conseils à lui prodiguer.


Mais alors même que la soliste, Maria João Pires, reste inchangée, c’est finalement Beethoven qui est substitué à Ravel pour la première partie de ce programme. On ne retrouve cependant pas tout à fait la manière dont le chef italien, à l’automne dernier, avait renouvelé l’approche de cette musique: à la fois vigoureuse et très travaillée, l’Ouverture du ballet Les Créatures de Prométhée (1800) respire ainsi la grande tradition, avec une introduction lente dont le caractère solennel et majestueux est souligné de manière presque trop appuyée, puis une partie rapide abordée sans grand élan. Dans le Deuxième Concerto pour piano (1795), Chailly a également tendance à mettre en jeu des moyens surdimensionnés pour ces pages de jeunesse qui s’inscrivent encore dans la descendance mozartienne. Même s’il est un peu dommage de retrouver la pianiste portugaise dans cette œuvre qu’elle a déjà interprétée en janvier 2010 en conclusion du cycle Beethoven de l’Orchestre symphonique de Londres avec John Eliot Gardiner, une telle musicalité ne peut être que bienvenue: à bientôt 68 ans, Pires atteint sans la moindre faiblesse technique et sans effort apparent un parfait équilibre entre engagement et subtilité, souplesse et poésie, verve et art du chant, qui culmine en bis dans le Largo du Concerto en fa mineur de Bach, en remerciement de très longs et nombreux rappels du public.


Ouverture/concerto/symphonie, la succession traditionnelle est presque respectée, puisque la seconde partie est entièrement dévolue à la «symphonie chorégraphique» de Ravel. La présente saison est particulièrement faste pour Daphnis et Chloé (1912), comme s’il s’agissait de célébrer ainsi son centenaire: alors qu’on doit généralement se contenter de la Seconde Suite (sans les chœurs), c’est la troisième fois que le ballet intégral (avec chœurs) est à l’affiche. Après Ludovic Morlot en novembre et Yannick Nézet-Séguin en janvier, Riccardo Chailly frappe très fort, jouant avec une maîtrise confondante (et dans une mise en place irréprochable) de deux ressorts complémentaires afin de mettre en valeur un Orchestre de Paris d’une qualité superlative – à commencer bien sûr par la flûte de Vicens Prats – et une partition qui, privée de sa dimension visuelle et gestuelle, peut receler de dangereux tunnels: une séduction sonore de tous les instants et un sens dramatique aigu. Tenu fermement mais sans raideur, le propos ne dévie jamais de sa trajectoire mais se déploie avec fluidité, malgré des tempi parfois assez inattendus (une «Danse guerrière» mesurée mais pas moins violente, un «Lever du jour» vif et diaphane), tout en laissant opérer la magie et la sensualité des timbres. De ce point de vue, on se souviendra sans doute encore longtemps de l’intensité de la «Danse suppliante de Chloé» et, plus encore, de la sorcellerie véritablement miraculeuse des textures impalpables et de l’atmosphère mystérieuse du «Nocturne».


Une petite particularité, toutefois: se méfierait-on du Chœur de l’Orchestre de Paris? Car c’est une solution inhabituelle qui est retenue pour le grand interlude choral entre les deux premiers tableaux: à la partie traditionnellement a cappella se superpose en effet la version alternative pour orchestre écrite par Ravel «pour les exécutions sans chœurs».



Simon Corley

 

 

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