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Commémorations et réminiscences : Wagner à l’alambic

Dijon
Auditorium
02/08/2012 -  et 3 (Antwerpen), 4 (Bruxelles), 9 (Brugge) février 2012
Claude Debussy : Prélude à l’après-midi d’un faune – Images – LaMer
Maurice Ravel : Shéhérazade

Karina Gauvin (soprano)
Anima Eterna Brugge, Jos van Immerseel (direction musicale)


K. Gauvin


C’est un double anniversaire que célèbre ce soir l’ensemble Anima Eterna Brugge, sous la baguette de son directeur musical, Jos van Immerseel. Celui des vingt-cinq ans de la formation flamande, depuis deux saisons ensemble associé» de l’Opéra de Dijon, coïncide en effet avec l’ouverture des commémorations de l’année Debussy, né il y a tout juste un siècle et demi. Le présent programme – moins les mélodies de Ravel – sera gravé dans un enregistrement qui paraîtra en septembre chez Zig-Zag Territoires. Composé des pages orchestrales les plus connues de Debussy, le spicilège ne se distingue pas par l’originalité de son contenu, mais plutôt par celle de son approche interprétative, permettant ainsi de mesurer le travail réalisé sur les couleurs et les timbres particuliers des instruments d’époque. Et il convient de rappeler que Jos van Immerseel compte parmi les plus fervents et rigoureux apôtres de la recherche des sonorités originelles, et, partant, de leur beauté inimitable.


La soirée s’ouvre sur le Prélude à l’après-midi d’un faune, voile diaphane amené avec une retenue languide. Dans la douce frondaison des cordes luisent des échos assourdis de Tristan ou de Parsifal. Si elle peut surprendre au premier abord, la parenté signale l’imprégnation inconsciente de Wagner dans la musique française du tournant du siècle. Nullement épigone, la partition de Debussy en extrait le dramatisme immanent et ressort de cet alambic comme éthéré. Par une battue lente et détaillée, Immerseel rend palpable une telle atemporalité. Sa coquetterie récurrente consistant à placer les deux harpes à l’avant de la scène accentue la netteté de la transparence ainsi égrenée.


Les Images exhalent une égale fantasmatique teintée de mystère, attendue certes dans les «Rondes de printemps» où pointe déjà Le Sacre de Stravinski – le rôle rythmique confié à la flûte entre autres – et les Gigues», mais également dans le folklore imaginaire d’«Ibéria». L’Espagne de Debussy semble naturaliste, et pourtant, le compositeur, qui n’a presque jamais foulé le sol ibérique, ne fait nullement œuvre ethnographique – à la différence d’un Manuel de Falla qui puisera dans le fonds populaire. C’est vers cet ailleurs sonore que nous emmène le chef flamand.


Cet hommage à Debussy trouve dans les mélodies pour soprano et orchestre de Ravel à peu près contemporaines, un prolongement évident par la similaire recherche de couleurs et de textures d’un exotisme épuré. Signés Tristan Klingsor, les trois poèmes de Shéhérazade confirment par ailleurs le wagnérianisme sous-jacent – involontaire? – à l’ensemble du programme, baigné par la Cornouaille et le Graal. Parfois légèrement défavorisée par rapport à l’orchestre dans le magnifique «Asie», Karina Gauvin démontre tout au long du recueil une intelligence et une sensibilité remarquables. La voix charnue, corsée, presque capiteuse, fait chatoyer «La Flûte enchantée» et «L’Indifférent» d’enivrantes fragrances, sans jamais altérer une diction admirable. Cette égale attention au texte et à la couleur relie la Canadienne aux Régine Crespin et autres icônes de la mélodie française.


La soirée se referme sur les esquisses symphoniques de La Mer, également revêtue d’une austère impersonnalité. Moins soucieux de picturalité que d’atmosphère, les Anima Eterna déploient une matière veloutée, ample, enveloppante comme l’élément marin, exempt de toute urgence dramatique. On oserait parler de symbolisme objectif plutôt que d’impressionnisme, tant il s’agit de rendre sensible l’archétype de l’océan, plutôt que les sensations subjectives que l’on peut éprouver face à lui. En bis, Jos van Immerseel reprend les dernières mesures du «Dialogue du vent et de la mer» juste entendu auparavant, qui résonnent affranchies de la tension du concert – ainsi que cela semble être le cas à chaque performance, si l’on en juge par notre expérience. C’est la récréation du professeur.


Le site d’Anima Eterna
Le site de Karina Gauvin



Gilles Charlassier

 

 

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