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La tradition des maîtres allemands

Zurich
Opernhaus
01/22/2012 -  et 28 janvier, 3, 5, 11, 14*, 18 février 2012
Richard Wagner: Die Meistersinger von Nürnberg
Juliane Banse (Eva), Wiebke Lehmkuhl (Magdalene), Michael Volle (Hans Sachs), Roberto Saccà (Walther von Stolzing), Matti Salminen (Veit Pogner), Martin Gantner (Sixtus Beckmesser), Peter Sonn (David), Kresimir Strazanac (Konrad Nachtigall), Martin Zysset (Kunz Vogelsang), Cheyne Davidson (Fritz Kothner), Peter Straka (Balthasar Zorn), Andreas Winkler (Ulrich Eisslinger), Boguslaw Bidzinski (Augustin Moser), Giuseppe Scorsin (Hermann Ortel), Pavel Daniluk (Hans Schwarz), Reinhard Mayr (Hans Foltz), Andreas Hörl (Le veilleur de nuit)
Chor und Orchester der Oper Zürich, Daniele Gatti (direction)
Harry Kupfer (mise en scène)


M. Gantner , M. Volle (© Suzanne Schwiertz)


Cette saison est la dernière que dirige son « intendant » Alexandre Pereira, qui, après vingt ans à la tête de l’Opéra de Zurich, va prendre la direction du Festival de Salzbourg. Andreas Homoki, l’ancien directeur du Komisches Oper, va lui succéder et sera rejoint par Fabio Luisi, qui remplacera Danielle Gatti comme directeur musical à partir de la saison prochaine.


Andreas Homoki est probablement connu de nombreux mélomanes pour avoir signé une des plus belles mises en scène de La Femme sans ombre, reprise entre autres au Théâtre du Chatelet en 1994. Lors d’un déjeuner organisé ce jour même par le Harvard Club de Zurich, il a présenté ses conceptions et ses objectifs. Il a en particulier expliqué l’apport d’un Walter Felsentstein, directeur historique du Komische Oper, qui, à force de travail et d’exigence, réussissait à créer des ensembles où la lisibilité des œuvres était obtenue au prix d’un travail en profondeur, permettant à tout public, habitués comme néophytes, de comprendre ce qui se passait sur scène. Il a ainsi laissé entendre qu’il allait augmenter le nombre de répétitions et diminuer les nouvelles productions (de douze à neuf) ainsi que le nombre total de représentations, condition indispensable pour obtenir le niveau théâtral qu’il recherche.


En ce sens, cette représentation des Maîtres Chanteurs est une production dans l’esprit de ce que recherche Homoki. La mise en scène en est confiée à Harry Kupfer, dont Homoki a été l’assistant et lui-même élève de Felsenstein. Durant les cinq heures que dure l’œuvre, chacun – solistes, apprentis, chœur, figurants, … – se déplace avec un naturel confondant sur scène. Chaque personnage, chaque situation est caractérisée avec le plus grand soin et avec une intelligence confondante. Les relations entre personnages sont particulièrement bien caractérisées. Lors de l’entrevue du deuxième acte entre Eva et Sachs, on réalise que l’espace d’une seconde, Sachs est à deux doigts de se laisser tenter par le charme de cette jeune fille en dépit de leur différence d’âge. Plus tard, après l’arrivée de Beckmesser, la scène pleine de vie permet une action qui est un modèle de « comic timing ».


Kupfer situe l’action dans l’Allemagne de l’après-guerre. Les costumes sont modernes et l’église du premier acte ainsi que dans le fond l’ombre de Nuremberg ont dû subir bien des dégâts. Les célébrations du Festwiese et le discours nationaliste de Sachs prennent un caractère humaniste dénué de toute controverse dont le message est qu’il faut reconstruire son pays en s’inspirant l’art de son pays et de ses maîtres.


Le plateau est à une exception près de très haut niveau. Comment reconnaît-on Sachs des autres Maîtres ? Non pas au fait qu’il soit le plus mal chaussé, mais parce que grâce à Michael Volle, il est de loin... le meilleur chanteur. L’ancien Beckmesser de Bayreuth a le format vocal et l’autorité pour aborder avec succès le rôle du baryton le plus humain que Wagner ait jamais écrit. Voici sans aucun doute le Sachs de sa génération. Son Walther, Roberto Saccà, n’a peut-être pas un timbre très coloré mais sa technique est très solide et lui permet, mieux encore que Volle, de tenir toute une aussi longue soirée sans fatigue excessive. Matti Salminen n’a peut-être plus complètement la profondeur de ton d’un des plus grands Rois Marke de sa génération mais son phrasé et son attention au texte restent des modèles du genre. Ne pourrait-il passer un peu de temps à aider Andreas Hörl, un veilleur de nuit au format vocal « énorme » mais manquant singulièrement de caractérisation? Le David plein de santé de Peter Sonn est un plaisir à entendre et sa Magdalene, Wiebke Lehmkuhl, une vraie mezzo wagnérienne. Le Beckmesser de Martin Gantner est quant à lui un modèle du genre.


La salle de l’Opéra de Zurich est idéale pour du Mozart ou du Rossini mais n’est pas une salle wagnérienne classique. L’effectif est moindre que celui que l’on peut entendre à Vienne, Berlin ou Bayreuth et on ne décompte dans la fosse « que » quatre contrebasses. Le désavantage d’un tel effectif est que certains passages comme l’introduction à la dernière scène manquent de puissance sonore et que les interventions des bois peuvent entraîner des déséquilibres classiques, bien connus des chefs qui ne peuvent compenser en doublant certaines parties. Le côté positif cependant est de ne pas challenger exagérément les chanteurs qui avec une œuvre aussi monumentale ont tant à faire. La direction de Daniele Gatti est de toute beauté. Le chef italien, qui est familier de Bayreuth, aborde ici ses premiers Maitres Chanteurs. Il trouve le sens de la ligne musicale tout en sachant maintenir la pulsation rythmique et sachant soutenir ses chanteurs. Les passages techniquement délicats comme la double fugue à la fin du deuxième acte sont délivrés avec beaucoup d’assurance.


La grande de faiblesse de cette distribution est l’Eva de Juliane Banse. A-t-elle chanté des rôles trop lourds ou souffre-t-elle de la rudesse de l’hiver très froid qui vient de frapper la Suisse ? Le fait est que la soprano allemande semble avoir perdu considérablement ses moyens. Les couleurs ont disparu et elle chante terriblement faux, gâchant, le mot n’est pas trop fort, le sublime quintette du troisième acte dont elle chante la première phrase.


Dans de telles conditions, est ce qu’il n’aurait pas fallu la remplacer et est-ce qu’il ne faut pas voir finalement en sa présence la preuve que le travail approfondi sur scène tel que le demandent un Homoki ou un Kupfer rend toute substitution impossible ?



Antoine Leboyer

 

 

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