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Musiques interdites Paris Salle Cortot 02/01/2012 - et 3 février 2012 (Strasbourg) Arvo Pärt : Fratres
Berthold Goldschmidt : Mediterranean Songs (création française)
Paul Hindemith : Der Dämon (Suite de concert), opus 28
Ferdinand von Plettenberg (ténor)
1. Frauen-KammerOrchester von Österreich, Amaury du Closel (direction)
Fondé en 2003 par le chef d’orchestre et compositeur Amaury du Closel, qui en assure la direction artistique, le Forum «Voix étouffées» œuvre en faveur des musiciens bannis par le Troisième Reich. Siégeant désormais à Strasbourg, il a décidé d’étendre son champ d’action à toutes les musiques interdites en Europe au siècle dernier, au travers du Centre européen d’étude de la musique et du totalitarisme (CEMUT) tout récemment créé en son sein. Le festival «Voix étouffées», du 27 janvier au 7 février à Strasbourg, Paris et Ivry-sur-Seine, témoigne de cette nouvelle orientation: les brimés du communisme – Chostakovitch mais aussi Constantin Silvestri – rejoignent donc désormais les exilés ou victimes du nazisme – Toch, Ullmann, ... – et, sur l’affiche, le titre donné aux huit concerts et à la table ronde de cette édition, «Des orchestres pour la mémoire», voisine avec les mots «Musiques interdites», biffés d’un trait de plume comme ces régimes ont cru pouvoir le faire de ces auteurs «dégénérés» ou «formalistes».
Dans cet esprit, le passionnant programme donné salle Cortot et introduit par Alfred Grosser, président d’honneur du Forum, le jour de ses 87 ans, fait voisiner Pärt, Goldschmidt et Hindemith. C’est d’abord la plus récente des seize versions de Fratres (1977/2007) du compositeur estonien, pour ensemble de chambre (bois et cor par un, percussion et quintette à cordes): la pièce met un peu à mal la solidité du 1er Orchestre de chambre féminin d’Autriche, formation constituée en 1982 afin de protester contre le machisme des phalanges traditionnelles et de militer pour leur ouverture aux femmes musiciennes – sans sectarisme aucun, puisque le percussionniste, en l’espèce, est un homme.
Ayant quitté l’Allemagne en 1935, Berthold Goldschmidt (1903-1996), plus encore que d’autres ayant émigré comme lui en Angleterre (Panufnik), peina à y retrouver le succès qu’il avait auparavant connu dans son pays natal: s’il contribua à la reconstitution de la Dixième Symphonie de Mahler avec Deryck Cooke, sa Beatrice Cenci, bien que premier prix au concours d’opéra du Festival de Grande-Bretagne, fut ainsi refusée par Covent Garden. Il cessa de composer pendant près d’un quart de siècle, pour y revenir très tardivement, au début des années 1980, rasséréné par un regain de faveur dû notamment au succès rencontré par la publication par de certaines de ses œuvres dans la célèbre collection «Entaterte Musik». Les six Chants méditerranéens (1958), précisément, marquent cet adieu provisoire à l’écriture, sur des textes de Byron, James Stephens, Lawrence Durrell, Bernard Spencer, James Elroy Flecker et Shelley. L’action du Forum mérite bien évidemment d’être saluée, car c’est ici la création française de ce cycle de brèves mélodies pour ténor et orchestre. En même temps, il faut se contenter d’une version pour ensemble réduit (le précédent, augmenté d’une trompette et d’un piano) ainsi que d’un chanteur de bonne volonté, mais à l’anglais très approximatif, au timbre assez peu plaisant et à la justesse incertaine. Il reste donc à espérer que le public parisien puisse prochainement apprécier dans toutes leurs dimensions ces belles pages postmahlériennes, qui évoquent parfois aussi Weill («Les Centaures», «Les vieux navires»).
On ne peut pas dire que la «pantomime dansée» Le Démon (1922), si elle n’est certes pas inconnue au disque, soit la partition la plus couramment programmée de Hindemith, tant s’en faut. Elle mérite pourtant mieux que cela, Amaury du Closel et ses musiciennes rendant parfaitement justice, dans une «suite de concert» d’une demi-heure reprenant l’essentiel des danses de ces deux tableaux, à l’une des meilleures inspirations de cette période effervescente et provocatrice du compositeur allemand, dont la plume vive et acérée tire le meilleur parti d’un effectif chambriste (flûte, clarinette, cor, trompette, piano et quintette à cordes).
Le site du Forum «Voix étouffées»
Le site de Ferdinand von Plettenberg
Simon Corley
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