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Caprices espagnols

Paris
Salle Pleyel
01/28/2012 -  et 26 (Milano), 31 (Frankfurt) janvier 2012
Manuel de Falla : Noches en los jardines de Espana
Maurice Ravel : Rapsodie espagnole – Alborada del gracioso – Pavane pour une infante défunte – Boléro

Filarmonica della Scala, Daniel Barenboim (piano et direction)


D. Barenboim (© Silvia Lelli)


L’année de ses soixante-dix ans, Daniel Barenboim est à l’affiche de la salle Pleyel à quatre reprises avec deux orchestres différents: avant deux programmes en avril avec sa Staatskapelle de Berlin dans Mozart et Bruckner, il se présente également deux jours de suite avec le Philharmonique de la Scala. La même semaine que le Regio, voici donc la légendaire institution milanaise elle aussi à Paris, non pas, comme le théâtre turinois, pour un opéra en version de concert, mais dans son avatar symphonique: fondé en 1982 par Claudio Abbado, le Filarmonica fête ses trente ans, notamment par cette petite tournée franco-allemande avec Barenboim, premier chef invité de la maison milanaise depuis 2006, dont il est devenu le directeur musical en octobre dernier.


Dans une salle comble, le premier concert, à l’entracte curieusement positionné (mais durant lequel il peut être avantageusement procédé au changement de plateau), associe, autour de l’Espagne, deux compositeurs dans lesquels le chef et, plus encore, le pianiste ne se sont guère illustrés: ainsi, tout particulièrement de Manuel de Falla, qu’il n’a jamais joué du temps de son mandat à l’Orchestre de Paris (1975-1989), hormis, à ses tout débuts, l’orchestration par Berio des Sept Chansons populaires espagnoles. S’il est courant que le soliste puisse en même temps diriger dans Mozart – ce sera d’ailleurs le cas du second concert avec la Scala et des deux avec la Staatskapelle – ou Beethoven, la pratique est beaucoup plus inattendue dans les Nuits dans les jardins d’Espagne (1915). A cette fin, le piano n’en est pas moins disposé de façon habituelle, parallèlement à la scène, mais Barenboim se lève régulièrement pour encourager les musiciens, de plain-pied avec eux, puis revient à son clavier, grande partition sous les yeux. Davantage que d’inévitables et prévisibles décalages, ce qui gêne, dans cette interprétation, c’est une tendance à amplifier les détails et à épaissir le trait: le niveau de décibels et la rondeur dans lesquels se déploie le point culminant de la première partie («En el Generalife») tiennent plus de (Richard) Strauss que de Falla – preuve, à tout le moins, que l’orchestre, au sein duquel on a l’agréable surprise de retrouver Adrien Perruchon, premier timbalier solo du Philharmonique de Radio France, sait séduire mais que si son effectif est assez réduit (quarante cordes), il ne fait pas du tout pour autant de la musique de chambre.


La seconde partie, entièrement ravélienne, n’a toutefois pas de peine à demeurer en Espagne, tant la relation musicale entre les deux pays était alors étroite: un artiste les incarne avec éclat, le pianiste Ricardo Vines (1875-1942), faisant le lien entre Falla – il fut le dédicataire des Nuits, dont l’écriture, au demeurant, fut commencée à Paris – et Ravel, né un mois après lui, dont il a créé bon nombre de pièces. La Rapsodie espagnole (1907) donne d’emblée le ton: la palette interprétative se limite au grossissement de l’expression, à l’exagération des effets et à la carte postale. Sur son podium tapissé de rouge, barre d’appui comprise, Barenboim adopte des poses de torero, mais son approche fait l’impasse sur la plupart des dimensions de l’œuvre, qu’il s’agisse de son caractère évocateur plus que descriptif, de son atmosphère envoûtante, de son raffinement ou de sa modernité: quelle qu’ait été l’admiration du compositeur pour Rimski-Korsakov, elle ne saurait pourtant être assimilée à un succédané du Capriccio espagnol et le vacarme sur lequel s’achève la «Feria» finale parachève ce travail consternant.


L’Alborada del gracioso (1905/1919) continue hélas dans le même esprit, mais avec un bon solo de basson, comme celui de cor, ensuite, dans la Pavane pour une infante défunte (1899/1910). Le pire était à craindre dans cette page, mais si, sans surprise, elle ne manque pas d’opulence et évoque le goût sucré d’une pièce de genre fauréenne, ces dérives restent dans des limites tout à fait acceptables et témoignent en même temps d’une belle sonorité d’ensemble: parmi les formations symphoniques italiennes entendues ces dernières années à Paris (RAI de Turin, Mai musical florentin, Académie Sainte-Cécile), le Philharmonique de la Scala s’impose sans peine, même s’il est probable que cinq à dix orchestres français peuvent lui tenir tête. Dans Boléro (1928), évidemment le clou du spectacle, Barenboim glisse sa baguette dans le premier pupitre de violons, croise les bras et laisse l’orchestre commencer seul: ce n’est qu’après la première exposition complète des deux thèmes qu’il reprend progressivement la main pour soutenir la progression, encore que le tempo semble s’accélérer en cours de route. Certains soli sont bons (flûte), voire excellents (clarinette), d’autres non, mais le travail collectif reste impressionnant: considérablement renforcée – cinq trombones étaient-ils vraiment nécessaires? – la péroraison renoue cependant avec le tintamarre.




Avant de se lever pour l’incontournable ovation debout, le public a droit à une petite compensation de la brièveté de cette soirée, avec quatre brefs bis, tous tirés de la Première Suite de Carmen (1875): rien de plus logique que de prendre congé avec l’opéra de Bizet, acte fondateur de l’hispanité de la musique française, que Barenboim avait choisi pour l’ouverture de la saison à la Scala en décembre 2009. De bonne tenue, l’«Intermezzo» avec solo de flûte (précédant l’acte III) et «Les Dragons d’Alcala» (précédant l’acte II), où le chef se tourne vers la salle pour chantonner les trois dernières notes, sont encadrés par une «Aragonaise» (précédant l’acte IV) bien affectée et un Prélude tournant à la farce, façon concert du Nouvel An: il vient dans les rangs taper sur l’épaule des musiciens et discuter avec eux avant d’inviter le public à frapper en mesure dans ses mains. Ultime pirouette: il fait mine de s’esquiver à l’insu de l’orchestre, qui s’est retourné afin de saluer les spectateurs installés derrière la scène dans la tribune du chœur.


Le site de Daniel Barenboim
Le site de l’Orchestre philharmonique de la Scala de Milan



Simon Corley

 

 

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