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Sur l’autre rive Paris Salle Adyar 01/16/2012 - Johann Sebastian Bach: Fantaisie pour clavier en sol mineur, BWV 917 – Sonate en trio pour orgue n° 6, BWV 530 – Toccata dorienne pour orgue, BWV 538 – Fugue pour clavier en ré mineur, BWV 948 – Suite anglaise n° 6, BWV 811: Gavottes I et II et Gigue
Federico Maria Sardelli : Fuga postale a 4 – Empfindsames Quartett
Ludwig van Beethoven : Trio à cordes n° 3, opus 9 n° 1
Wolfgang Amadeus Mozart : Quatuors avec flûte n° 4, K. 298, et n° 1, K. 285
Michel Moraguès (flûte), Trio Ligeti: Anton Martynov (violon), Daniel Vagner (alto), Diana Ligeti (violoncelle)
A Paris, la musique habite rive droite, aussi bien là où elle s’apprend (les conservatoires national et régional, l’Ecole normale) que là où elle se joue (Pleyel, Champs-Elysées, Châtelet, Garnier, Bastille, Favart, Cité de la musique, Gaveau, Radio France, Bouffes du Nord, les principaux lieux de culte, même l’IRCAM ou la future Philharmonie): le déséquilibre est aussi ancien qu’incontestable, alors même que la rive gauche est traditionnellement associée aux intellectuels et aux artistes mais aussi à l’aristocratie. Il serait toutefois excessif de parler de désert musical: parmi les initiatives développées de ce côté-ci de la Seine, outre les Invalides, le musée d’Orsay, le Val-de-Grâce et quelques instituts étrangers, dans l’excellente acoustique de la salle Adyar pour sa troisième saison, l’association "Rive Gauche Musique", présidée par Nicolas Petrovitch Njegosh, l’arrière-petit-fils du dernier roi du Monténégro, propose d’ici le 15 mai sept concerts affichant des artistes aussi talentueux et divers que Karol Beffa, Frank Braley, Philippe Graffin et Gary Hoffman. Débutant avec près de 20 minutes de retard, la troisième soirée, sous le titre "Hommage à l’enfant de Salzbourg", accueille le trio formé en 1994 et reconstitué depuis 2010 autour de la violoncelliste roumaine Diana Ligeti, avec le violoniste russe Anton Martynov, ancien soliste des Musiciens du Louvre, qui présente brièvement les œuvres, et l’altiste Daniel Vagner, ancien membre du Quatuor Castagneri et désormais troisième solo au Philharmonique de Radio France.
Quitte à commencer par Bach et à rendre hommage à Mozart, les musiciens auraient pu choisir tout ou partie des six fugues du Clavier bien tempéré qu’il a arrangées pour trio à cordes, mais ils ont préféré des adaptations de différentes pièces pour clavier ou pour orgue du Cantor de Leipzig: une première série en sol, avec une très courte Fantaisie suivie des trois mouvements de la Sixième Sonate en trio, puis une seconde série en ré, avec la Toccata «dorienne» sans sa fugue (car écrite à quatre voix), remplacée par une autre fugue dans la même tonalité, et suivie par les deux derniers mouvements de la Sixième Suite anglaise. Une fois de plus, Bach résiste à tous les effectifs et à tous les styles d’interprétation: il offre ici les charmes de la musique baroque à l’ancienne, avec un son charnu et consistant, une approche expressive et des mouvements rapides bien vigoureux mais aussi des mouvements lents un peu étales et un alto irrégulier.
Federico Maria Sardelli (né en 1963), musicologue (spécialiste de Vivaldi), chef d’orchestre, caricaturiste et cartooniste, est aussi flûtiste et compositeur. Avec l’excellent Michel Moraguès, soliste de l’Orchestre national, c’est l’occasion de découvrir deux pastiches, d’esprit baroque puis classique: une Fuga postale a 4 (2009) en sol, où l’arrivée d’un cor de postillon se fait attendre jusque dans les toutes dernières mesures, puis un Empfindsames Quartett (2008) qui ne compte qu’un seul mouvement (en ré mineur). Comme la Symphonie «Classique» de Prokofiev ou les pochades de Peter Schickele (alias PDQ Bach), tout cela n’est que superficiellement ancien, car des tournures inattendues ne tardent pas à dévoiler le véritable âge de cette musique qui n’a pas d’autre prétention que de distraire.
Après un assez long entracte, point de Mozart encore à l’horizon, mais le Troisième Trio à cordes de Beethoven, Premier de l’Opus 9 (1798): quelques accrocs instrumentaux sont balayés par une exécution puissante et joyeuse, vigoureuse et enthousiaste, qui culmine dans le feu d’artifice du Presto final. Tout vient à point à qui sait attendre, grâce à deux des quatre Quatuors avec flûte de Mozart: le rare Quatrième (1786?) puis le Premier (1785), avec son Adagio avec cordes en pizzicato, où l’agilité, la finesse et le velouté de Michel Moraguès font merveille.
Le site de Rive Gauche Musique
Simon Corley
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