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Quand Farnace déchante...

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
01/10/2012 -  et 8 (Locarno), 10 (Oldenburg), 17 (Ambronay) septembre, 11 décembre (Lausanne) 2011, 18, 20, 22, 24, 26 mai (Strasbourg), 2 (Amsterdam), 8, 10 juin (Mulhouse)
Antonio Vivaldi : Farnace, RV 711-G

Max Emanuel Cencic (Farnace), Ruxandra Donose (Tamiri), Blandine Staskiewicz (Gilade), Daniel Behle (Pompeo), Mary-Ellen Nesi (Berenice), Hilke Andersen (Selinda), Emiliano Gonzalez Toro (Aquilio)
I Barocchisti, Andrea Marchiol (direction)


M.-H. Nesi (© Kostas Mitropoulos)


L’année 2012 au Théâtre des Champs-Elysées commençait en fanfare avec ce très attendu Farnace d’Antonio Vivaldi (1678-1741), produit en version de concert. Très attendu non seulement parce qu’il fait suite à une parution discographique récente qui a été saluée de manière quasiment unanime mais également parce qu’il s’agit de la dernière édition de ce dramma per musica (dite «de Ferrare»), qui en a connu au moins sept, et parce qu’il met en vedette Max Emanuel Cencic, coqueluche des scènes baroques qui, du point de vue médiatique, se pose en véritable concurrent de notre Philippe Jaroussky national. Le public du théâtre (complet bien évidemment) s’attendait donc à un miracle : en fin de compte, quelle déception!


Pourtant la partition de Vivaldi mérite d’être connue, se jouant encore une fois d’un livret complexe et dont on peut dire que la fin est même quelque peu bâclée. Vaincu par les troupes de Pompée, Farnace demande à son épouse Tamiri de tuer leur fils et de se suicider afin d’éviter à avoir à subir le déshonneur d’une capture. De son côté, Bérénice, qui n’est autre que la mère de Tamiri, et qui voue une haine farouche à Farnace, lance ses troupes à l’encontre de celui-ci afin de le tuer. Quant à Selinda, sœur de Farnace qui a été faite prisonnière, elle joue de ses charmes pour monter l’un contre l’autre Aquilio, préfet romain, et Gilade, officier des troupes de Bérénice, afin de faire remonter Farnace sur le trône du Pont. Alors que les caractères s’aiguisent, que chacun montre son vrai visage (notamment Bérénice qui hait presque autant sa fille que son gendre), le livret donne une issue heureuse à l’ensemble puisque, après près de trois heures de conflits, tout finit pour le mieux dans le meilleur des mondes. Gilade et Aquilio se retournent contre leurs maîtres respectifs; Farnace pardonne à Pompée mais souhaite tuer Bérénice, son geste étant finalement arrêté par le consul romain! Déchue, la reine Bérénice finit par pardonner à Farnace et consent à ce qu’il reprenne son trône et vive heureux avec Tamiri. Quant à Selinda et Gilade, eux aussi peuvent enfin vivre leur amour au milieu de la liesse générale.


La représentation donnée ce soir fut donc très décevante pour plusieurs raisons dont la principale vient de l’interprétation musicale elle-même. Est-ce l’absence de Diego Fasolis, initialement prévu pour diriger ce concert et qui, au dernier moment, a été remplacé par Andrea Marchiol? Est-ce le fait d’avoir déjà pas mal rodé ce programme (outre les inévitables séances d’enregistrement, l’œuvre a déjà été donnée à trois reprises au mois de septembre, à Lausanne en décembre, en attendant, dans quelques mois, Strasbourg, Amsterdam et Mulhouse) qui a instillé une sorte d’approche routinière? Toujours est-il que l’ensemble I Barocchisti (privé des deux trompettes et des timbales alors qu’elles figurent dans la partition et dans l’enregistrement discographique) sonne petit et, trop fréquemment, faux. Les cordes (huit violons, deux altos, deux violoncelles et un violone) frappent par leur verdeur et multiplient les problèmes de justesse, que ce soit au premier (dans l’air de Tamiri «Or di Roma forti eroi» à la scène 13) ou au deuxième acte (dans le célèbre air de Farnace à la scène 6, «Perdona, o figlio amato»). Les cors, mis au premier plan dans l’accompagnement de l’air «Alle minacce di fiera belva» (acte II, scène 2), sont également à la peine. Heureusement que les deux hautboïstes relèvent l’ensemble même si l’on aurait préféré que le chef les laisse davantage s’épanouir et prendre leur temps (dans l’air de Pompée «Roma invitta, ma clemente», acte II, scène 12).


Car, en définitive, le premier responsable de cette méforme est bien la direction relativement étale d’Andrea Marchiol. Ne s’investissant pas dans les passages dynamiques, instillant un faible lyrisme alors même que celui-ci serait requis, il mène avec une application un peu vaine un ensemble avec lequel le courant serait évidemment mieux passé s’il avait été entre les mains de son chef titulaire. En outre, on regrettera son sens pour les effets hors de propos (les accents donnés aux cors dans l’air précité d’Aquilio) ou, tout simplement, les effets faciles consistant notamment à ralentir de manière excessive la fin de chaque air, ces manies confinant en plus d’une occasion au mauvais goût (l’air de Bérénice au deuxième acte, «Al tribunal d’amore»).


Même si les récitatifs sont particulièrement nombreux dans Farnace, les impairs des musiciens ne pouvaient qu’influencer la prestation des chanteurs qui s’avéra globalement de facture très moyenne. A commencer, aussi étonnant que cela puisse peut-être paraître, par Max Emanuel Cencic. Le seul air qu’il chante au premier acte, «Ricordati che sei» (scène 1), plante immédiatement le décor: une évidente virtuosité dans le chant mais quelques aigus un peu trop poussés et une volonté manifeste de faire des vocalises pour se mettre en valeur... Cencic s’avère d’ailleurs bien meilleur lorsqu’il chante dans le registre médium que dans les aigus (l’air «Perdona, o figlio amato» au deuxième acte est particulièrement révélateur) et, n’hésitons pas à le dire, aurait été plus à l’aise s’il avait été épaulé par un orchestre plus en verve (tel fut le cas dans l’air «Gemo in punto e fremo»). Côté masculin, Emiliano Gonzalez Toro incarne un bel Aquilio (très beau duo avec Selinda dans l’air «Io sento nel petto» à la fin du deuxième acte) tandis que Daniel Behle est parfois un peu juste dans le rôle de Pompée.


Parmi les protagonistes féminins, et même si «à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire», Mary-Ellen Nesi domine sans peine l’ensemble du plateau dans le rôle de Bérénice. Incarnant un personnage cruel (mère assassine et reine vindicative), elle fait montre d’une aisance évidente, sa voix bénéficiant en outre d’une très belle projection. La douceur de son chant s’intègre ainsi idéalement dans les trilles des cordes lorsqu’il le faut (l’air «Al tribunal d’amore» à la scène 3 de l’acte II), la chanteuse grecque sachant également être impitoyable dans ses intonations véhémentes («Amorosa e men irata», scène 13 de l’acte II). Pour le rôle de Selinda, qui n’est autre que la sœur de Farnace, l’enregistrement de Fasolis avait fait appel à Ann Hallenberg: Hilke Andersen ne nous en voudra pas de dire qu’elle n’a pas eu la même présence scénique que sa consœur, peinant parfois à imposer son chant parmi les autres personnages. Si l’impression laissée par le premier acte est assez fugace, elle gagne néanmoins en assurance au fur et à mesure de l’opéra, livrant tout de même au public quelques très beaux airs («Lascia di sospirar» à l’acte II et «Ti vantasti moi guerriero» à l’acte III). Dans le rôle de Gilade, Blandine Staskiewicz ne départ pas l’ensemble; sa voix agile de mezzo s’adapte parfaitement à la douceur souhaitée par Vivaldi (l’air superbe «Scherza l’aura lusinghiera» à la scène 4 de l’acte III), quitte à manquer parfois un peu trop de chair (l’air «Nell’intimo del petto» à la scène 7 de l’acte I). Déjà présente dans l’enregistrement, Ruxandra Donose reprend ici le rôle de Tamiri: le vibrato, trop présent dans l’air «Combattono quest’alma» (acte I, scène 2), s’estompe heureusement au fur et à mesure de l’œuvre, culminant dans un magnifique «Forse, o caro, in questi accenti» (acte III, scène 3), cette fois-ci idéalement accompagné par I Barocchisti.


Après une telle soirée, saluée pourtant par des applaudissements et des manifestations d’enthousiasme parfois frénétiques, on s’en retournait donc bien vite chez soi pour se réconcilier avec Farnace grâce au disque, que ce soit la version 1738 dirigée par Fasolis ou, peut-être mieux encore, la version 1731 revisitée par Jordi Savall. Comme quoi, encore une fois, une superbe affiche et une grande attente ne font pas fatalement un bon concert.


Le site de Max Emanuel Cencic
Le site de Mary-Ellen Nesi
Le site de Ruxandra Donose
Le site de Hilke Andersen
Le site de Daniel Behle
Le site d’Emiliano Gonzalez Toro



Sébastien Gauthier

 

 

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