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A la guerre comme à la guerre

Lausanne
Salle Métropole
12/26/2011 -  et 28*, 30, 31 décembre 2011, 2 janvier 2012
Jacques Offenbach: La Grande-Duchesse de Gérolstein
Béatrice Uria Monzon (La Grande-Duchesse), Laurence Guillod (Wanda), Sébastien Guèze (Fritz), Stuart Patterson (Le baron Puck), Frédéric Longbois (Le prince Paul), Jean-Philippe Lafont (Le général Boum), Marcin Habela (Le baron Grog), Jean-Pierre Gos (Népomuc), Carole Meyer (Iza), Céline Mellon (Amélie), Lauranne Jaquier (Charlotte), Céline Soudain (Olga)
Chœur de l'Opéra de Lausanne, Véronique Carrot (chef de chœur), Sinfonietta de Lausanne, Cyril Diederich (direction musicale)
Omar Porras (mise en scène), Marie Robert (assistante à la mise en scène), Amélie Kiritzé-Topor (décors), Virginie Gervaise (costumes), Véronique Soulier (masques, maquillages et coiffures), Laurent Boulanger (accessoires et effets spéciaux), Mathias Roche (lumières), József Trefeli (chorégraphie)


(© Marc Vanappelghem)


La Grande-Duchesse de Gérolstein est très certainement l'un des réquisitoires les plus violents contre la guerre de tout le répertoire lyrique. On en connaît l'intrigue: pour écarter la grande-duchesse des affaires de l'Etat, le général en chef des armées ne trouve rien de mieux que d'organiser une guerre contre un hypothétique ennemi. Passant ses troupes en revue, la souveraine s'entiche d'un simple soldat, qu'elle fait général sur-le-champ. Mais le néo-gradé a déjà promis son cœur à une autre, au grand dam de la duchesse, qui le dégrade alors au rang de simple soldat. La boucle est bouclée. A la création de l'ouvrage en 1867, la critique ne s'y est pas trompée: «C'est la charge la plus bouffonne qui puisse se rêver de la gloriole militaire, de ses plumets, de ses galons et de toutes ses fanfreluches.»


Après sa superbe Périchole en 2009, transposée dans le monde des fleurs, Omar Porras va encore plus loin et ose s'affranchir des codes de l'opérette pour mener une véritable réflexion: il situe l'action dans un théâtre détruit par la guerre, dans lequel les occupants s'improvisent comédiens pour oublier la faim et le froid. Ils décident de monter... La Grande-Duchesse de Gérolstein en farfouillant dans les décors et les costumes qui jonchent le plateau. Le metteur en scène colombien n'a pas son pareil pour créer un univers à nul autre pareil, éminemment personnel, entre réalité et poésie. Magnifique de subtilité, le spectacle oscille entre humour et dérision, entre francs éclats de rire et ironie féroce. L'absurdité de la guerre est montrée dans toute sa splendeur, avec son cortège d'horreurs, notamment un défilé de blessés en civière qui vire à l'absurde. Omar Porras non seulement apporte un éclairage nouveau au concept souvent rabâché de théâtre dans le théâtre, mais dirige également les protagonistes de main de maître, chaque regard, chaque geste étant réglés avec la plus grande précision.


Il faut dire qu'il est aidé par une équipe de chanteurs-acteurs talentueux. Après sa surprenante Adalgisa en début de saison, Béatrice Uria Monzon revient à Lausanne pour endosser les habits de la Grande-Duchesse, une prise de rôle. Avouons d'emblée une légère déception: on ne la sent pas très à l'aise dans le célèbre «Ah, que j'aime les militaires!», et elle ne peut réprimer des toussotements pendant le «Dites-lui» du deuxième acte, signe qu'elle n'est peut-être pas au mieux de sa forme. Mais la chanteuse fait montre d'une expérience et d'un abattage qui effacent bien vite ses difficultés vocales: vêtue de noir, une cravache à la main, elle joue la femme autoritaire, à la virilité assumée, presque un dictateur, avant de devenir femme fatale puis femme amoureuse. Le contraste n'en est que plus saisissant avec le Prince Paul façon grande folle de Frédéric Longbois, d'une rare truculence. Le grand nigaud qu'est le Fritz aux oreilles décollées de Sébastien Guèze séduit par sa prestance et son assurance vocale tout autant que par sa candeur juvénile. La Wanda de Laurence Guillod est la révélation de la soirée, belle voix claire et fraîche. Le Général Boum de Jean-Philippe Lafont parle assurément plus qu'il ne chante mais son personnage de militaire roublard qui en fait des tonnes est une merveille. Le reste de la distribution est à l'avenant, avec notamment un Népomuc désopilant (Jean-Pierre Gos) transformé en femme, qui joue le rôle de la concierge du théâtre. On ne manquera pas non plus de citer la belle prestation du chœur. Sous la baguette expérimentée de Cyril Diederich, qui, non content de diriger les musiciens, participe aussi à l'intrigue, le tempo se fait parfois martial. A la guerre comme à la guerre...



Claudio Poloni

 

 

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