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Un Trovatore de tradition Venezia Gran Teatro La Fenice 12/02/2011 - et 3, 4, 6*, 7, 9, 10, 11 décembre 2011 Giuseppe Verdi : Il trovatore
Franco Vassallo/Vitaly Bilyy* (Il Conte di Luna), María José Siri/Kristin Lewis* (Leonora), Veronica Simeoni/ Anna Maria Chiuri* (Azucena), Francesco Meli/Stuart Neill* (Manrico), Giorgio Giuseppini/Ugo Guagliardo* (Ferrando), Antonella Meridda/ Anna Maria Braconi* (Ines), Carlo Mattiazzo/Cosimo D’Adamo* (Ruiz), Salvatore Giacalone/Enzo Borghetti* (Un vecchio zingaro), Domenico Altobelli/Giovanni Deriu* (Un messo)
Coro e orchestra del Teatro La Fenice, Claudio Marino Moretti (direction des chœurs), Riccardo Frizza (direction musicale)
Lorenzo Mariani (mise en scène), William Orlandi (décors et costumes), Christian Pinaud (lumières)
En cette année 2011, l’Italie célébrait le cent cinquantième anniversaire de l’unité nationale, et la péninsule s’est pour l’occasion revêtue du diapason tricolore. Le directeur artistique de la Fenice, Fortunato Ortombina, a souhaité prendre part à cet élan de patriotisme, en faisant précéder chacune des représentations de ce jubilé – depuis mars – du Chant des Italiens – reconnu officiellement comme l’hymne national seulement au cours de la dernière décennie, quoique l’usage le consacrât comme tel depuis longtemps. C’est peut-être un semblable hommage à la tradition qui a présidé à la mise en scène d’Il trovatore commandée à Lorenzo Mariani, la dernière nouvelle production de l’année – en coproduction avec le Teatro Regio de Parme, où elle a été présentée en octobre 2010.
Une ronde et vaste lune s’étale en fond de scène, sur un carton-pâte évoquant un château, celui du Conte di Luna. Le globe céleste se teinte de rouge au deuxième acte, chez les gitans, puis, selon les situations, on passe de la chaste pâleur aux rougeoiements infernaux du monde des parias. L’opposition dramatique du spectacle se tient là, enveloppée dans l’écrin du rideau de scène vert foncé. Les costumes dessinés par William Orlandi évoquent dans leur pesanteur le XVe siècle du livret, dans des tissus riches, aux teintes nobles et soignées. Le hiératisme qui empreint la conception de la régie ne susciterait qu’une gêne modeste, s’il n’était le fruit d’une production nouvelle. La direction d’acteurs s’avère en effet bien minimale, et ne parvient guère à animer ce décorum suranné.
Il faut avouer qu’avec sa cape et sa corpulence empâtée, Stuart Neill n’a guère les atouts du jeune marginal séduisant, sans compter une expressivité faciale appuyée. On ne peut que le regretter car ce Manrico témoigne d’une robustesse admirable. Son «Di quella pira» exulte de fougue vengeresse, même si une plus grande souplesse améliorerait la brillance d’un contre-ut vaillant mais presqu’épais. Sa Leonora se révèle fort expressive, faisant ondoyer la ligne vocale avec sensibilité, soutenue par des moyens vocaux tout à fait idoines. En Azucena, Anna Maria Chiuri se montre admirable, évitant le recours excessif aux effets de poitrine qui affecte certaines interprètes et caricature ce rôle de matrone blessée. Au contraire, le médium n’altère nullement l’impact puissant des aigus. Quelques instabilités de couleurs et de registre pourraient être corrigées, mais ne sauraient ternir la valeur de l’incarnation du mezzo italien. Vitaly Bilyy compose un Conte di Luna remarquable, à l’émission d’une belle constance, et au timbre bien caractérisant, pour ce personnage à l’inflexibilité hautaine. Les comprimarii sont d’un intérêt plus secondaires. Ugo Guagliardo accuse un peu les intonations de son air dans la scène initiale. L’Inès d’Anna Maria Braconi souffre quant à elle, d’un peu de nasalité. Cosimo d’Adamo, en Ruiz, Enzo Borghetti, le vieux gitan, et le messager de Giovanni Deriu, s’acquittent de leur partie.
A la tête de l’Orchestre du Teatro La Fenice, Riccardo Frizza insuffle à la partition le dramatisme puissant qu’elle recèle, et fait chanter les interventions solistes de la formation avec une rondeur toute latine – et l’acoustique de la salle, aux dimensions intimistes, magnifie cette lisibilité des pupitres. Préparés par Claudio Marino Moretti, les chœurs de la maison se montrent un allié de choix, tant à la direction orchestrale que la distribution, second cast, mais nullement seconds couteaux. L’honneur de la musique est préservé.
Gilles Charlassier
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