About us / Contact

The Classical Music Network

Milano

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Déclaration d’amour

Milano
Teatro alla Scala
12/07/2011 -  et 10, 13, 16*, 20, 23, 28 décembre 2011, 4, 8, 12, 14 janvier 2012
Wolfgang Amadeus Mozart: Don Giovanni, K. 527
Peter Mattei/ Ildebrando D’Arcangelo* (Don Giovanni), Kwangchul Youn*/Alexander Tsymbalyuk (Il Commendatore), Anna Netrebko*/Tamar Iveri (Donna Anna), Giuseppe Filianoti*/John Osborn (Don Ottavio), Barbara Frittoli*/Maria Agresta (Donna Elvira), Bryn Terfel*/Ildebrando D’Arcangelo (Leporello), Anna Prohaska*/Ekaterina Sadovnikova (Zerlina), Stefan Kocán*/Kostas Smoriginas (Masetto)
Chœur de la Scala de Milan, Bruno Casoni (préparation), Orchestre de la Scala, Daniel Barenboim*/Karl-Heinz Steffens (direction musicale)
Robert Carsen (mise en scène), Michael Levine (décors), Brigitte Reiffenstuel (costumes), Robert Carsen, Peter Van Praet (lumières), Philippe Giraudeau (chorégraphie)


(© Marco Brescia & Rudy Amisano)


Il n'y a pas à dire, la Scala reste un théâtre mythique, qui fascine toujours autant. Le Don Giovanni qui vient d'ouvrir la saison milanaise 2011-2012 en apporte une preuve supplémentaire. Lorsque retentissent les premières notes et que le héros, du parterre, s'élance sur scène pour faire tomber, d'un geste brusque et insolent, l'immense rideau de velours rouge et laisser apparaître un miroir ondoyant qui reflète la salle et ses six rangées de loges et de balcons, un frisson d'émotion parcourt le public. Il en va de même lorsque les lumières s'allument pour l'affrontement entre le Commandeur, debout dans la loge royale, et Don Giovanni, agenouillé sur le devant du plateau. Robert Carsen a déjà réglé des reprises de ses productions à Milan, mais il signe avec le chef-d'œuvre de Mozart son premier spectacle conçu expressément pour la Scala, une sorte d'hommage au célèbre théâtre, presque une déclaration d'amour. Le décor est réduit à sa plus simple expression, avec un plateau le plus souvent nu, dévoilant toute sa profondeur, et des techniciens omniprésents, qui poussent des toiles de carton-pâte déclinant à l'infini le célèbre rideau, les colonnes et les loges. Pour la fête organisée par Don Giovanni, les personnages endossent des costumes écarlates faits du même tissu que les sièges. Du théâtre dans le théâtre donc. Le propos est encore plus évident au deuxième acte, lorsque le libertin assiste en spectateur aux agissements des autres personnages, même si c'est lui qui tire les ficelles, en véritable deus ex machina. A la fin du spectacle, après avoir plongé en enfer, il revient, nonchalant, une cigarette à la main, pour assister de ses propres yeux à la chute de ceux qui ont voulu sa perte. Cette production est intimement liée à la Scala, et il faut être dans la salle pour en profiter pleinement. De ce point de vue, la captation télévisée du 7 décembre sur Arte n'était guère satisfaisante. On comprend mieux aussi pourquoi la Staatsoper de Berlin, qui devait accueillir le spectacle en juin, a finalement opté pour la version du Festival de Salzbourg signée Claus Guth.


Daniel Barenboim - qui vient d'être nommé directeur musical de la Scala - a-t-il été sensible aux critiques? Le soir de la première, un spectateur mécontent a lancé un troppo lento sonore au maestro. Toujours est-il que sa lecture paraît moins compassée, plus vive et énergique que ce qu'en a montré la télévision le soir de la première. Bref, le chef s'est fait plus théâtral que symphonique. Il est vrai qu'il dispose d'une distribution de tout premier ordre, difficile à surpasser aujourd'hui. On citera en premier lieu la Donna Anna superlative d'Anna Netrebko. La soprano russe n'est peut-être pas la plus scrupuleuse des stylistes, mais quelle voix et quel tempérament! Son Or sai chi l'onore constitue le moment fort de la soirée. Son personnage est aussi le plus intéressant sur le plan scénique: pour Robert Carsen, Anna n'est pas la victime de Giovanni, mais se retrouve de son plein gré dans son lit au début du spectacle, en tentant ensuite de faire bonne figure vis-à-vis d'Ottavio. En Leporello, Bryn Terfel s'amuse visiblement à faire le clown, en salopette de technicien. Pour une fois, le valet et le maître ne sont pas considérés comme des jumeaux. Avant d'endosser les habits de Leporello pour les dernières représentations de la série, Ildebrando D’Arcangelo campe pour deux soirs un Don Giovanni jouisseur et ténébreux, presque indifférent au monde qui l'entoure, tant il n'a aucun effort particulier à entreprendre: sa seule présence suffit à émouvoir la gent féminine. A l’instar de la Donna Elvira de Barbara Frittoli, au chant stylé malgré parfois un large vibrato, qui est tout simplement folle de lui. Ou de Zerlina, qui fait passer sa frustration sur Masetto. La jeune mariée a la jeunesse et la fraîcheur d'Anna Prohaska, à la voix claire et agile, peut-être trop petite pour une salle aussi grande que la Scala. Kwangchul Youn incarne, pour sa part, un Commandeur drapé dans sa dignité. Seuls l’Ottavio raide et étroit de Giuseppe Filianoti et le Masetto engorgé et sans relief de Stefan Kocán ne sont pas à leur place au milieu d'une telle distribution. La Scala a ouvert sa saison sous les meilleurs auspices.



Claudio Poloni

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com