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Une Vie trépidante Nantes Théâtre Graslin 12/11/2011 - et 13, 14, 16*, 18 décembre 2011 (Nantes), 4, 5, 8 janvier 2012 (Angers) Jacques Offenbach : La Vie parisienne
Franck Leguérinel (Le baron), Christophe Gay (Gardefeu), Marc Mauillon (Bobinet), François Piolino (Frick), Bruno Comparetti (Le Brésilien), Christophe Mortagne (Prosper), Amel Brahim-Djelloul (Gabrielle), Emilie Pictet (Métella), Sophie Angebault (La Baronne)
Chœur d’Angers Nantes Opéra, Orchestre national des Pays de la Loire, Claude Schnitzler (direction musicale)
Carlos Wagner (mise en scène), Rifail Ajdarpasic et Ariane Isabell Unfried (décors), Patrick Dutertre (costumes), Marie Nicolas (lumières), Ana Garcia (chorégraphies)
(© Jef Rabillon)
Venue de l’Opéra de Nancy où elle a été présentée il y a deux saisons de cela, cette production de La Vie parisienne répond parfaitement à ce qu’on peut attendre d’un spectacle de fêtes. Car la mise en scène, signée du talentueux Carlos Wagner, fait preuve de rythme, offre une débauche de couleurs et recèle bien évidemment tous ces airs que l’on connaît quasi par cœur, notamment la chanson du Brésilien ou le célèbre «Je vais m’en fourrer jusque là!». L’ambiance festive et communicative n’invite certes pas à la mélancolie et les bravos nourris des spectateurs à l’issue de la représentation (dont le final sera bien évidemment repris) sont à eux seuls un spectacle... dans le spectacle!
Le premier plaisir de la soirée provient du magnifique décor conçu par Rifail Ajdarpasic et Ariane Isabel Unfried, qui représente une Tour Eiffel en dentelle noire. La mode est omniprésente dans cette production (plus de cent trente costumes confectionnés par Patrick Dutertre), conviant autant les toilettes des années 1900 que celles, plus contemporaines et façon «new look», de Christian Dior. Le défilé de mode, pendant l’arrivée des invités chez Bobinet au troisième acte, exhibe des femmes dans des tenues saugrenues, dont l’une d’elles arbore un homard, une autre une peau de bête... Dommage que quelques vulgarités, étrangères à l’univers d’Offenbach, viennent entacher cette réjouissante entreprise. Si l’ouvrage évoque la libido démesurée de ces messieurs, Gondremarck et Gardefeu en tête, y avait-il besoin de singer autant l’acte copulatoire? Y avait-il également besoin d’appuyer le trait, pendant le drôlissime air «Votre habit a craqué dans le dos», de joindre le geste à la parole et de faire craquer dans le dos tous les costumes des hommes présents? Bref, certaines lourdeurs sont à déplorer, mais pas au point de gâcher la fête non plus, la loufoquerie prenant heureusement toujours le pas sur les maladresses.
Entièrement francophone, la distribution réunie à Nantes rend pleinement justice à la partition du «petit Mozart des Champs-Elysées». Outre le fait de posséder le physique de leur rôle, tous s’avèrent aussi bons acteurs que chanteurs. Avec une mention spéciale pour la délicieuse Gabrielle d’Amel Brahim-Djelloul, personnage auquel elle prête son timbre lumineux et fruité. La grâce de sa silhouette et l’aisance de son jeu complètent un art de la caractérisation musicale de premier ordre. Franck Leguérinel est un remarquable baron de Gondremarck, plein de finesse et de musicalité, par ailleurs débordant d’énergie. D’énergie, Christophe Gay n’en manque pas non plus, et son numéro d’acteur en Raoul de Gardefeu est un des bonheurs de la soirée. On se réjouit aussi de l’extraordinaire présence scénique de François Piolino (Frick), dont la superbe qualité de diction fait qu’on ne perd rien du texte. Bruno Comparetti est un Brésilien extraverti à souhait, mais manquant de souffle, la vélocité propre aux airs qu’il doit livrer dépassant de beaucoup les possibilités du chanteur. Marc Mauillon prête son humour bon garçon à Bobinet et le Prosper de Christophe Mortagne est suffisamment épatant pour qu’on regrette que sa partie soit aussi succincte. Enfin, Emilie Pictet est une Métella piquante et pleine d’allure tandis que Sophie Angebault incarne une baronne au jeu précautionneux et au timbre fatigué.
Claude Schnitzler, qui dirige ici son répertoire de prédilection, ne fait qu’une bouchée de la partition d’Offenbach et insuffle une énergie trépidante à un Orchestre national des Pays de la Loire en grande forme. Il réussit surtout le pari de faire ressortir les subtilités de cette composition, dont les dehors brillants ne peuvent occulter certains accents plus grinçants qui, ça et là, doivent (et se font) entendre.
Emmanuel Andrieu
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