About us / Contact

The Classical Music Network

Versailles

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Réhabilitation en demi-teinte

Versailles
Opéra royal
11/08/2011 -  et 6 novembre 2011 (Liège)
Antoine Dauvergne : La Vénitienne

Katia Vellétaz (Léonore), Chantal Santon (Isabelle), Kareen Durand (Spinette), Isabelle Cals (Isménide), Mathias Vidal (Octave), Alain Buet (Zerbin)
Chœur de chambre de Namur, Les Agrémens, Guy Van Waas (direction)


G. Van Waas (© Jacques Verrees)


Alors que la monumentale sculpture de Bernar Venet, composée de deux rangées de huit arcs de 22 mètres de hauteur, au cœur de la place d’Armes, est en cours de démontage, le Centre de musique baroque de Versailles (CMBV) choisit, tout au contraire, de monter de nouveaux ouvrages lyriques dans le cadre prestigieux de l’Opéra royal.


Année où le CMBV a choisi de célébrer le bien méconnu Antoine Dauvergne, c’est donc son opéra La Vénitienne (1768), comédie lyrique en trois actes, qui était ce soir à l’honneur, en version de concert. Pourquoi La Vénitienne d’ailleurs? Car, rien, dans la comédie lyrique d’Antoine Dauvergne (1713-1797), ne renvoie directement à la Sérénissime. En fait, ce n’est que si l’on se penche sur le livret d’Antoine Houdar de La Motte (1672-1731) que le lien avec Venise s’avère plus tangible. En effet, dans son livret La Vénitienne qui date de 1705, et qui a été mis une première fois en musique (sans succès) cette même année par Michel de La Barre (1675-1743), interviennent plusieurs personnages qualifiés de «barquarolles», le terme désignant une chanson fredonnée habituellement par le peuple vénitien et, notamment, par les gondoliers sur le Grand canal. Autre indice, un personnage du livret originel de 1705, un Masque, dont il est dit qu’il «chant[e] un Air italien». Dernier indice, les didascalies du livret qui précisent que le premier acte se tient dans «des jardins; et dans l’éloignement, la place Saint-Marc»... Mais, si l’on ne considère que l’action traitée dans l’ouvrage de Dauvergne, on pourrait tout aussi bien l’intituler La Française, L’Espagnole, La Russe ou La Turque.


En effet, l’action, peu recherchée, narre une histoire d’amour toute simple, toute banale pourrait-on dire. Isabelle est accusée par son amie Léonore de lui avoir pris son amant Octave; en vérité, Léonore est tombée amoureuse non pas d’Octave mais... d’Isabelle qu’elle n’avait pas reconnue, une nuit, sous ses accoutrements. Après être entré sur scène avec son serviteur Zerbin, Octave décide rapidement d’aller consulter la devineresse Isménide pour connaître exactement les sentiments qu’il éprouve pour Léonore. Par un jeu de quiproquos et de faux-semblants, Isabelle se fait passer pour la magicienne et profite de sa situation pour donner l’ordre à Octave de retourner auprès d’Isabelle sous peine d’être voué aux gémonies! C’est alors que la méprise reprend de plus belle, Léonore revoyant Isabelle grimée sous des habits masculins, avouant de nouveau son amour à ce bel inconnu, provoquant du même coup la jalousie d’Octave qui menace de tuer Isabelle, celle-ci décidant alors de révéler sa véritable identité. Léonore, grand cœur, rit de sa méprise et incite les deux amants à couler des jours heureux, ce qu’accepte Octave au milieu de la liesse générale.


La faute en incombe-t-elle au livret ou à la musique? Toujours est-il que cet opéra, qualifié tantôt de comédie-ballet, tantôt de comédie lyrique, fut éreinté par une partie de la critique lors de sa création. Si l’on se reporte à l’inestimable Correspondance littéraire, philosophique et critique du baron Grimm, voici ce qu’il en ressort: «Le livret [n’est qu’une] plate comédie et (...) fastidieuse bouffonnerie. Si le grand Poinsonet avait fait cela, on lui aurait jeté des pierres; mais comme c’est feu l’ingénieux La Motte, on s’est contenté de siffler (...) Il faut avoir le goût de M. Dauvergne, pour s’être flatté de faire réussir ce mauvais poème, qui était déjà tombé, il y a une soixantaine d’années, avec la musique d’un nommé La Barre. M. Dauvergne, qui a autant de génie que de goût, a eu le sort de son prédécesseur. Il a été sifflé dans les formes, et l’on a été obligé de chasser la Vénitienne de l’Opéra après la troisième représentation. On dit cependant qu’elle doit reparaître dans peu, corrigée et changée. Je ne conseille à aucun Anglais, travaillé du spleen, de se risquer à cet opéra; si l’on m’y rattrape, on sera bien habile.» (tome VIII, 1877, page 83). Ouf! Que dire après cela? Tout simplement que, sans évidemment être portée au Panthéon du répertoire classique, cette pièce ne mérite pas l’opprobre féroce de Grimm.


La musique, tout d’abord, justifie à elle seule la représentation de l’œuvre. L’orchestre (hautbois, flûtes, bassons et cors par deux, auxquels doivent être adjoints un clavecin et une quinzaine de cordes) donne en maintes occasions de très beaux moments. Qu’il s’agisse de l’Ouverture (en trois mouvements, le passage lent alliant avec beaucoup de douceur flûtes et hautbois d’une part, pizzicati des cordes d’autre part) ou de l’accompagnement de certains airs (les instruments à anche double et les cordes dans l’air de Zerbin au premier acte, «Jeunes cœurs, venez tous, venez tous!», la mélopée des flûtes et le legato des cordes au deuxième acte dans l’air «Livrons-nous au sommeil», toujours chanté par Zerbin), la partition s’avère en plus d’une occasion fort attachante. Certes, là aussi pour reprendre le propos perfide de Grimm, l’imagination n’est pas la première qualité de Dauvergne: la fin de l’opéra, une même mélodie jouée sans cesse plus rapidement, un peu à l’image du dernier mouvement de la Symphonie des jouets de Leopold Mozart, est assez révélatrice à cet égard... Tout de même, de là à le qualifier comme étant «le plus plat et le plus froid des compositeurs de France» (Correspondance..., Tome VII, 1829, page 11)!


Bénéficiant d’un très bon ensemble, Les Agrémens, aux cordes néanmoins parfois aigrelettes, Guy Van Waas dirige avec beaucoup de conviction et de soin cette partition où sont notamment mis en valeur les excellents Takashi Ogawa et Marjorie Pfister aux flûtes traversière et piccolo. Autre partenaire de longue date de van Waas, le Chœur de chambre de Namur est tout aussi à l’aise dans cette musique où Dauvergne lui donne quelques beaux passages.


Le chant est également appréciable, notamment en ce qui concerne les voix masculines. Bien que totalement absent du troisième acte, Alain Buet est parfait dans le rôle du serviteur Zerbin, tour à tour rêveur (l’air «Au plus aimable voyage l’Amour veut vous engager» au premier acte), pleutre, ivre («J’ai voulu de Bacchus emprunter le secours» chante-t-il au début du deuxième acte). C’est le personnage le plus attachant et, certainement, central de cette pièce qui avait été mal reçue à sa création en raison notamment de cette dimension humoristique qui cadrait mal avec la solennité de certaines autres scènes, notamment celles où intervient la devineresse. Dans le rôle d’Octave, Mathias Vidal est également très convaincant. On retiendra notamment le superbe duo, au premier acte, où il proclame «Non! Non! Ne redoutez plus l’amour» tandis que Léonore chante «Non! Non! Ne me parlez plus d’amour».


Les voix féminines sont plus quelconques. On passera rapidement sur Kareen Durand dont le personnage, Spinette, n’a que peu à dire. Si Chantal Santon est une attachante Isabelle (on notera l’air magnifique, au premier acte, «Non! L’Amour ne vaut pas que l’on goûte à la fois»), Isabelle Cals déçoit dans son incarnation d’Isménide. Ne sachant bien comment se placer par rapport aux autres protagonistes, elle ne distille aucune véritable émotion, faisant preuve de fadeur alors qu’elle pourrait être colérique ou enjôleuse comme sait l’être en principe ce type de personnages. Quant à Katia Vellétaz (Léonore), elle ne convainc jamais, en raison principalement d’une très mauvaise prononciation qui ne permet que rarement de comprendre ce qu’elle chante.


On écoutera donc avec une curiosité teintée d’une petite crainte le résultat de ce concert qui a été enregistré par France Musique (pour diffusion le 29 novembre à 20 heures) et qui devrait également donner lieu à une prochaine parution chez Ricercar.


Le site de Bénédicte Tauran
Le site de Mathias Vidal
Le site de l’ensemble Les Agrémens



Sébastien Gauthier

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com