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Sombre année 1943 Paris Théâtre des Champs-Elysées 10/23/1999 - Anton Webern : Passacaille pour orchestre
Arnold Schoenberg : La Nuit transfigurée
Bela Bartok : Concerto pour orchestre
Orchestre philharmonique de Vienne, Pierre Boulez (direction)
Après Mariss Jansons et Roger Norrington l'année dernière dans de piètres performances, retour aux choses sérieuses pour ce nouveau cycle de l'Orchestre philharmonique de Vienne au Théâtre des Champs-Elysées avec un programme passionnant et le meilleur chef pour le défendre. Dans La Nuit transfigurée, Pierre Boulez se détourne de tout romantisme : le clair étagement des voix, la densité des cordes confinant presque à la dureté, le dessin millimétré des lignes traduit moins le projet d'origine (la mise en musique, en 1899, d'un poème de Richard Dehmel sur un amour impossible) qu'une inquiétude existentielle liée à l'époque de son orchestration pour orchestre à cordes, l'année 1943. Ne pourrait-on pas d'ailleurs rapprocher cette oeuvre des Métamorphoses de Richard Strauss (écrites en 1945) pour leur même formation instrumentale et, surtout, leur douleur et leur immense mélancolie face à l'écroulement de la civilisation européenne qui a profondément touché ces deux compositeurs ? La lecture de Pierre Boulez, en tout cas, a fait passer ce frisson glacé, cette interrogation noire. Ecrit en 1943 également, le Concerto pour orchestre de Bartok porte en lui ces heures sombres, dans le troisième mouvement (Elegia) spécialement, mais il déploie aussi, comme la Passacaille d'ailleurs, une énergie, des couleurs et des rythmes absolument grisants que Boulez a parfaitement rendus. Délaissant opportunément son habitude de ne pas faire de bis, il signa un Fêtes de Debussy aussi diabolique dans sa précision que paradisiaque par son effet. Nous étions désormais bien loin de cette sombre année 1943.
Philippe Herlin
P.S. On ne remercie pas l'administration du Théâtre des Champs-Elysées qui, contrairement à la plupart des salles parisiennes, laissa entrer des retardataires alors que le concert avait commencé, ce qui provoqua de multiples bruits et chuchotements au début de la Passacaille...
Prochains concerts de Pierre Boulez : 5 novembre au Châtelet (Kammerkonzert de Berg avec l'Ensemble Intercontemporain) et 9 novembre au Châtelet (La Nuit transfigurée de Schoenberg, Lieder eines fahrenden Gesellen de Mahler avec Thomas Hampson et Petrouchka de Stravinsky avec l'Orchestre de Paris)
Prochains concerts de l'Orchestre philharmonique de Vienne : 17 mars (avec Ozawa dans Brahms) et 31 mai (avec Previn dans Haydn et Chostakovitch)
Site Internet de l'Orchestre philharmonique de Vienne : www.wienerphilharmoniker.at Philippe Herlin
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