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Sonorité d’époque

Dijon
Auditorium
10/21/2011 -  et 20 (Berlin), 22 (Freiburg), 23 (Stuttgart) octobre 2011
Brice Pauset : Kontra-Konzert (création française)
Ludwig van Beethoven : Concerto pour piano n°4 en sol majeur opus 58 – Symphonie n°8 en fa majeur opus 93

Andreas Staier (piano)
Freiburger Barockorchester, Gottfried von der Goltz (direction)


A. Staier


Une création sur un pianoforte du début du XIXe siècle est une chose plutôt inhabituelle. Le Kontra-Konzert de Brice Pauset s’adosse de manière introductive au Quatrième Concerto pour piano de Beethoven. La succession de traits percussifs et de grincements ne fait pas grand cas de la sonorité particulière de l’instrument dont il dispose. Ce travail de déconstruction de la matière musicale, à l’expressivité contractée, n’éclaire l’opus beethovénien que lorsqu’Andreas Staier enchaîne directement avec le fameux solo inaugural.


L’équilibre des timbres surprend d’emblée par la réserve du pianoforte, se fondant davantage dans la texture orchestrale. La balance penche ainsi davantage vers une configuration chambriste que vers l’affrontement virtuose habituellement associé à l’ouvrage, et qui n’est que le résultat d’une tradition postérieure. La lisibilité des lignes séduit, et l’on apprécie particulièrement celle, tendue et galbée, des violoncelles et des contrebasses, ainsi que l’élégance avec laquelle se détachent les pupitres des bois, sans jamais menacer la cohésion de l’ensemble, maîtrisée avec un sens évident de l’homogénéité par Gottfried von der Goltz. Le toucher précis et mesuré d’Andreas Staier, la fluidité de ses attaques, n’évitent pas toujours une impression de discursivité excessive, quoique la cadence, ne s’embarrassant pas de précautions expressives, aille à l’essentiel d’une musique informée par le classicisme viennois. Le renouvellement de la lecture du célèbre concerto semble cependant contraint par une prudence que la générosité spatiale de la salle ne permet pas de maintenir dans les limites de la concentration émotionnelle optimale. Même si les préoccupations acoustiques sont une invention récente, la conception des musiciens, soutenue par une volonté louable de restitution historique, subit en l’auditorium une déperdition de son intensité et de son intimisme, que l’on retrouverait aisément dans le format discographique. L’instrument a trahi Andreas Staier au milieu de la Cinquième des Bagatelles de l’Opus 126 donnée en bis: la pédale de tenue a lâché avant la longue plage qui la sollicite.


La Huitième Symphonie ne rencontre pas de telles résistances, fruit d’une déformation au long cours de notre oreille et de nos attentes. Les mêmes qualités de rondeur et de modestie se manifestent dans un opus symphonique à l’énergie moins brutale que ses voisines dans la chronobibliographie du compositeur. La clarté du travail sur la perspective sonore permet de mettre en évidence la mobilité de la structuration des pupitres, ainsi du cor auréolant l’ensemble de sa sonorité brillante ou, de manière moins attendue, soutenant les basses dans le registre inférieur de sa tessiture. L’énergie contenue, qui affleure parfois dans des accès presqu’orageux, retient toujours l’expansion de la ligne avant quelque rubato que ce soit, imprimant à l’ensemble une relative sécheresse un rien abrupte, usuelle désormais dans l’approche du répertoire viennois de l’âge classique. L’élégance et la sapidité du phrasé des violoncelles compensent cette pudeur. L’approche se maintient cependant un peu trop dans les limites de la bienséance pour faire éclater l’humour irrévérencieux de la partition. L’ensemble reprend l’ Allegretto scherzando en bis, libérant davantage la dimension chorégraphique du mouvement, qui progresse par spirales successives.


Le site de l’Orchestre baroque de Fribourg
Le site d’Andreas Staier



Gilles Charlassier

 

 

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