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Effet d’annonce: annonce d’effets ?

Paris
Salle Pleyel
10/30/2011 -  et 13, 14 (Leipzig), 19 (Wien) octobre, 2 novembre (London) 2011
Ludwig van Beethoven : Symphonies n° 4 en si bémol majeur, opus 60, et n° 6 «Pastorale» en fa majeur, opus 68
Bruno Mantovani : Upon one note (création française)

Gewandhausorchester Leipzig, Riccardo Chailly (direction)


R. Chailly


Voici donc le quatrième concert sur cinq donnés à Paris par l’Orchestre du Gewandhaus de Leipzig sous la direction de Riccardo Chailly, son chef titulaire, dans le cadre d’une brève tournée européenne qui, passant en outre par Vienne et Londres, coïncide avec la sortie chez Decca d’une intégrale des Symphonies de Beethoven (voir par ailleurs ici). Après le Philharmonique de Vienne sous la direction de Christian Thielemann au mois de novembre dernier (voir ici, ici, ici et ici) puis la Chambre philharmonique sous celle d’Emmanuel Krivine en avril 2011 et en attendant, en mars prochain, la fin d’une intégrale donnée par l’Orchestre de chambre d’Europe et Bernard Haitink (voir ici), voici donc l’occasion d’entendre une nouvelle vision de partitions célèbres, sous la houlette d’un chef dont l’intelligence musicale n’est plus à démontrer. Dans un récent entretien accordé à Classica, Riccardo Chailly affirmait vouloir s’inspirer à la fois de Toscanini, Karajan (tout spécialement sa première intégrale berlinoise), Harnoncourt et Gardiner! Si, sur le papier, ces diverses références peuvent tenir du mariage de la carpe et du lapin, le concert de cet après-midi donnait une bonne idée de ce que souhaite Riccardo Chailly: un orchestre symphonique classique (plus d’une soixantaine de cordes dont tout de même huit contrebasses) mais un discours allégé qui tourne le dos à un certain confort sonore au profit d’une vision beaucoup plus incisive.


Pourquoi pas, mais le résultat fut-il pour autant à la hauteur? Une chose est sûre: l’Orchestre du Gewandhaus de Leipzig, tout auréolé de son légendaire passé (fondé en 1743, c’est le plus ancien orchestre municipal au monde et il peut se targuer d’avoir eu notamment Mendelssohn et Nikisch comme directeurs musicaux), est une superbe phalange. Les cordes sont véritablement somptueuses, bénéficiant de l’aura des deux Konzertmeister (Frank-Michael Erben en première partie puis Christian Funke dans la «Pastorale»): les violoncelles dans la Sixième (dans le dernier mouvement Allegretto) marquent par leur ampleur et la justesse de chacune de leurs intonations, répondant parfaitement aux interventions de leurs compères altistes et violonistes. Les solistes, notamment chez les bois (superbes Cornelia Grohmann à la flûte, Henrik Wahlgren au hautbois et Peter Schurrock à la clarinette), sont également au diapason de la réputation de l’orchestre, que ce soit dans le deuxième mouvement de la Quatrième ou dans le premier mouvement de la Sixième où, enfin, un chef donne autant d’importance aux quintes des bois à la fin du mouvement qu’aux premiers violons! On ne peut que le saluer tant l’effet est splendide.


Pour autant, en dépit de l’attente suscitée notamment par les propos du chef italien et par les premières réactions suscitées par son intégrale discographique, on n’adhère pas totalement à cette vision. Tout d’abord, on regrette qu’un chef de cette stature confonde trop fréquemment, comme tant d’autres, la «modernité du discours» avec la rapidité de l’interprétation. Jouer vite ne veut pas dire, et n’a jamais signifié d’ailleurs, jouer dans le style baroque. Et pourtant, n’omettant au passage aucune reprise, Chailly aborde la Quatrième trop rapidement, le début du deuxième mouvement perdant en rêverie, le troisième en gaieté (celui-ci étant beaucoup trop précipité) et le contraste avec le dernier, pourtant marqué Allegro ma non troppo, n’étant plus aussi évident qu’il devrait l’être. Après cette Quatrième décevante, Riccardo Chailly adopte, dans la Sixième, un rythme plus mesuré et, de fait, réussit à emporter davantage la conviction notamment dans un deuxième mouvement proche de la perfection. On restera plus dubitatif sur quelques options sonores (inviter les trompettes à accentuer certaines notes, modifier la palette des nuances des cordes dans le dernier mouvement) qui s’avèrent plus artificielles que véritablement nécessaires: le résultat est néanmoins superbe.


Riccardo Chailly a souhaité, dans le cadre de son intégrale, donner une œuvre contemporaine spécifique à l’occasion de chaque concert, invitant ainsi des musiciens à trouver l’inspiration dans l’œuvre beethovénienne. Aujourd’hui, c’était au tour de Bruno Mantovani qui, pour sa pièce Upon one note, a souhaité écrire un morceau fondé sur la tonique de la Quatrième de Beethoven, à savoir si bémol (qui, dans la notation allemande, se trouve correspondre à l’initiale du compositeur). Soit! – même si le parallèle est aussi évident que si l’on avait dit que le compositeur avait choisi de rendre hommage à Vivaldi du seul fait qu’il faisait intervenir au moins un violon dans sa pièce... En fin de compte, ces quinze minutes de sons angoissés, de nature à évoquer une musique de film à suspense, suscitent un profond ennui alors que Mantovani a su être beaucoup plus imaginatif dans certaines autres de ses œuvres. Ici, à l’image de ce que l’on peut entendre dans ses Danses interrompues où les interventions facilement brutales d’un piano s’accommodent plutôt bien des volutes confiées aux vents (notamment à la flûte et à la clarinette), Upon one note allie divers climats où la violence des percussions et des vents est entrecoupée de moments de calme relatif, principalement confiés aux cordes. On avait déjà entendu ce schéma dans Time Stretch (2005) et dans Finale (2007), deux œuvres où Mantovani avait donné une grande importance aux percussions, notamment à la caisse claire, aux déferlements de timbales et parfois de décibels: autant dire que le discours, dans Upon one note, n’est pas vraiment renouvelé. Riccardo Chailly et l’Orchestre du Gewandhaus de Leipzig ont parfaitement su répondre aux demandes techniques du compositeur qui, venant saluer sur scène avec les artistes de cet après-midi, aura tout de même été applaudi avec chaleur. Quant à savoir si cette pièce aura la même postérité que celle dont elle est censée s’inspirer...


Le site de Bruno Mantovani



Sébastien Gauthier

 

 

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