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Vers l’avenir Boston Symphony Hall 10/06/2011 - et 7 octobre 2011 Benjamin Britten:Four Sea Interludes from «Peter Grimes», opus 33a
Serge Prokofiev: Concerto pour piano n° 3, opus 26
Jean Sibelius: Symphonie n° 2, opus 43 Jean-Efflam Bavouzet (piano)
Boston Symphony Orchestra, Sean Newhouse (direction)
Cette saison, le Boston Symphony Orchestra est orphelin de son directeur musical. Son logo qui arbore traditionnellement son nom est vide, James Levine ayant démissionné abruptement pour raisons de santé que l’on connaît. Le programme de cette année montre que de nombreux chefs habitués de cet ensemble ont été invités comme Kurt Masur, Rafael Frübbeck de Burgos, Christoph von Dohnányi ou des plus jeunes comme Ludovic Morlot et Juanjo Mena mais les murmures semblent indiquer que tous les regards seront tournés en janvier sur les deux concerts que va diriger Riccardo Chailly, qui pourrait être tenté par un ensemble américain.
Dans l’immédiat, le BSO fait honneur à une de ses traditions qui est de donner à son «assistant conductor», le jeune Sean Newhouse, un concert dans des conditions normales. Celui-ci a cependant eu l’occasion de se produire en public avec le BSO puisqu’il a dû l’an passé assurer la relève au pied levé de James Levine dans rien moins que la Neuvième Symphonie de Mahler.
De ce concert, il ressort que ce jeune homme a un certain métier et beaucoup d’enthousiasme. Sa gestique et ses attaques sont claires et le rapport entre lui et ses musiciens semble chaleureux. N’est-il pas le premier Américain à exercer cette fonction depuis quinze ans? Cependant, il a peut-être les défauts de sa jeunesse. Ses fortissimos sont abrupts et il lui manque encore un sens de la ligne qui lui permette de construire et faire respirer le discours musical. Il a également une tendance peut-être caractéristique des musiciens de son pays de laisser les cuivres couvrir trop les autres pupitres. Il ne faudrait pas que les musiciens du BSO prennent de trop mauvaises habitudes et perdent la richesse de sa sonorité qui est une des plus «européennes» des ensembles d’outre-Atlantique.
Les Interludes marins de «Peter Grimes» de Britten souffrent ainsi de transitions un peu abruptes qui ne permettent pas à cette angoisse sourde contenue dans l’œuvre de s’exprimer. La Deuxième Symphonie de Sibelius manque également de construction et le chef a probablement en tête un modèle tchaïkovskien assez tentant mais qui ne rend pas justice à cette œuvre. Enfin, certains tempi sont trop vifs et permettent pas suffisamment à la musique de se développer avec naturel. Mais à côté de ces petits défauts, et souvent quand les cuivres sont absents, le chef trouve la dimension de la musique, que ce soient dans la deuxième partie du Tempo Andante de la symphonie ou du «Dimanche Matin» des Interludes de «Peter Grimes». On ne peut pas au final n’avoir que les avantages de la jeunesse.
La soirée cependant appartenait à Jean-Efflam Bavouzet. Le pianiste français déploie une aisance et une élégance dans une œuvre si souvent rabâchée et où de trop nombreux pianistes ne voient qu’un véhicule pour déployer leur virtuosité. Il tourne résolument le dos à une approche trop facile, à la Rachmaninov, pour au contraire approfondir la caractérisation du concerto, faisant ressortir avant tout sa grande modernité et en faisant un cousin slave des concertos de Bartók. Fait rare pour les scènes de concert américaines, il donne en bis les Jeux d’eau de Ravel pris à un tempo assez vif, pleins de légèreté et de lumière, mais surtout dégagés de références lisztiennes et anticipant l’écriture de certaines des Etudes de Ligeti.
Le site de Sean Newhouse
Le site de Jean-Efflam Bavouzet
Antoine Leboyer
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