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Une Butterfly de «petite volée»

Bordeaux
Grand Théâtre
09/22/2011 -  et 23, 25, 26, 27, 28*, 29, 30 septembre, 2, 3 octobre 2011
Giacomo Puccini : Madama Butterfly

Cécile Perrin/Alketa Cela* (Cio-Cio-San), Qiu Lin Zhang/Veronica Simeoni* (Suzuki), Gilles Ragon/Chad Chelton* (F.B. Pinkerton), Lionel Lhote/David Grousset* (Sharpless), Stéphane Malbec-Garcia/Christophe Berry* (Goro), Florian Sempey (Yamadori), Eric Martin-Bonnet (Le Bonze), Marie Bry (Kate Pinkerton)
Chœur de l’Opéra National de Bordeaux, Alexander Martin (chef de chœur), Orchestre National Bordeaux-Aquitaine, Julia Jones (direction musicale)
Numa Sadoul (mise en scène), Luc Londiveau (décors), Katia Duflot (costumes), Philippe Mombeliet (lumières)


(© Guillaume Bonnaud)


Dire que le premier mot qui s’impose pour parler d’une représentation de Madama Butterfly est l’émotion, relève évidemment du truisme. Malheureusement, la soirée en fut bien avare, la faute en incombant en partie à un plateau vocal insuffisant mais surtout à la direction de l’Anglaise Julia Jones. Ainsi, sur une partition dont la séduction est pourtant infinie, l’orchestre fait preuve de beaucoup de violence et de peu de charme, négligeant les mille raffinements dégagés par le savant mélange entre l’atmosphère japonaise et les sentiments des personnages. Certainement la chef n’aura pas su maîtriser l’acoustique si sèche du Grand Théâtre: les voix sont souvent couvertes, voire étouffées, par un volume excessif. Les moments d’orchestre pur sont en revanche hautement dramatiques – en dépit de quelques couacs du côté des cuivres – mais détachés de la narration vocale.


L’équipe de chanteurs réunis à Bordeaux (nous avons entendu la seconde distribution en alternance) ne soulève pas non plus un fol enthousiasme. Malgré son timbre flatteur et sa belle ligne de chant, la soprano albanaise Alketa Cela a du mal à convaincre, autant vocalement que scéniquement, en Cio-Cio-San. Son entrée étonne certes par la sûreté de la technique, mais la voix manque cruellement de l’ampleur et du rayonnement requis par le rôle. Son jeu d’actrice, trop limité, peine également à traduire l’évolution psychologique du personnage: l’innocence et la ferveur amoureuse au I, la douleur de la femme trahie qui en vient au suicide au III. Bref, elle n’émeut ni ne bouleverse jamais (pas même dans le sublime «Un bel di vedremo»). Le Pinkerton du ténor texan Chad Chelton déçoit lui aussi. En évidente méforme ce soir, ses aigus sonnent dur et court (il prive de leur ampleur les grands duos), et sa respiration est incertaine, ce qui gâche le superbe «Vieni la sera». L’air «Addio, fiorito asil» est, quant à lui, exécuté de façon scolaire, accentuant une prestation vocale décidemment sans grand charme ni éclat. L’acteur s’avère nettement plus convaincant, dessinant un Pinkerton alcoolique qui ne pense qu’à assouvir ses pulsions et qui se montre tour à tour brutal, cynique et macho. La mezzo Giovanna Simeoni prête sa belle voix sombre à une Suzuki combative et émouvante tandis que le Sharpless de David Grousset, à l’émission chevrotante et au timbre sans séduction, manque singulièrement de puissance. Plus en voix, Christophe Berry, dans le rôle de Goro, rompt agréablement le côté oppressant de l’action par ses apparitions burlesques.


C’est finalement de la mise en scène de Numa Sadoul que viendront les principales satisfactions de la soirée. Montée pour la première à l’opéra de Marseille en 2002 puis en 2007 et reprise in loco en 2003, cette production se distingue par la beauté des décors, des costumes et surtout des éclairages, grands magiciens de la célébration, qui jouent avec un art consommé des effets de contre-jour, des ombres et des transparences. Le décor (unique) est simplement constitué d’une cabane en bois et d’un sol sablonneux prolongé par une passerelle, laquelle se perd dans le fond de la scène. Contre une poutre de la masure, un papillon bleu, enfermé dans une boîte, symbole peut-être un peu envahissant tant il réapparaît par la suite. Les images fortes et suggestives ne manquent point: apparition fantomatique des ancêtres de Cio-Cio-San pendant l’ouverture; surgissement de Pinkerton dans une constellation de bulles de savon tombant des cintres, rêve brutalement interrompu par l’arrivée menaçante du bonze...


Malgré les faiblesses orchestrales et vocales, l’accueil du public n’en a pas moins été chaleureux.



Emmanuel Andrieu

 

 

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