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Gergiev bifrons Bucharest Grande Salle du Palais 09/12/2011 - Rodion Chedrine : Concerto pour orchestre n° 1 «Ozornie Chastushki»
Georges Enesco : Symphonie n° 3 en do majeur, op. 21
Modeste Moussorgski : Tableaux d’une exposition (orchestration Maurice Ravel) Chœur académique de la Radio roumaine, Orchestre du Théâtre Mariinsky, Valery Gergiev (direction)
V. Gergiev
En insérant dans le programme de son second concert la Troisième Symphonie d’Enesco, Valery Gergiev justifiait sa venue au festival. La plus longue des trois symphonies du compositeur, la plus ambitieuse aussi, avec ses quatre mouvements bien structurés et le chœur dans son finale. Plus de trois quarts d’heure de musique où l’on sent, une fois de plus, un tempérament puissant et original qui a assimilé à la fois Debussy et Mahler. Le chef ossète, dont la gloire n’a plus guère besoin d’aliment nouveau, n’a donc pas choisi la facilité en jetant son dévolu sur cet opus 30. C’est ce Gergiev-là qu’on aime, défricheur de territoires peu fréquentés. Même si l’on sent que son approche de l’œuvre a besoin de mûrir, que l’interprétation gagnera à se structurer davantage, la maîtrise de la partition impressionne, dont il souligne surtout – à l’excès peut-être – le côté grandiose, mahlérien, occultant davantage les influences françaises. Mais cette Troisième Symphonie n’est-elle pas à Enesco ce que la Résurrection est à Mahler ? Direction puissante et généreuse, complétée par un chœur bien préparé pour le finale.
La Symphonie est précédée des Tchastouchkas espiègles, de Rodion Chedrine, son Premier Concerto pour orchestre, déjà gravé en leur temps par un Kondrachine ou un Svetlanov. Ces « couplets populaires ironiques » ressortissent plutôt à l’étude de virtuosité orchestrale, pochade brillante, remarquablement instrumentée, sorte de mouvement perpétuel aux clins d’œil multipliés, au Stravinsky de Petrouchka, à Chostakovitch, au jazz et aux espagnolades aussi. L’orchestre du Mariinsky brille de tous ses feux dans une musique semblant cousue main pour son chef.
Ce dernier sacrifie à tous ses démons dans les Tableaux d’une exposition qui clôturent le concert. On a peine à croire que l’on entend une orchestration de Ravel : tout sonne épais et gras, la direction s’alanguit, use et abuse du rubato, s’autorise toutes les complaisances. Le bis, heureusement, nous réconcilie avec le directeur du Mariinsky : la trop rare Baba Yaga de Liadov, haute en couleur, flattant un orchestre enfin allégé. Il n’empêche : on eût préféré que le concert s’achevât sur la Symphonie d’Enesco. Gergiev a vraiment deux visages.
Didier van Moere
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