Back
Excellents auspices Paris The Scots Kirk 09/24/2011 - Johann Sebastian Bach : Ich ruf’ zu Dir, BWV 639 (arrangement Ferruccio Busoni) (*)
Franz Liszt : Venezia e Napoli (Années de pèlerinage. Deuxième année): Tarentelle (*)
Ludwig van Beethoven : Romance n° 2, opus 50 – Sonate pour violon et piano n° 3, opus 12 n° 3
Guillaume Lekeu : Sonate pour violon et piano
Tatsuki Narita (violon), Théo Fouchenneret, Dimitri Malignan (*) (piano)
Portés par le seul dévouement tenace d’un couple de passionnés, Nathanièle-Esther et Jean-Claude Baumerder, «Les Concerts d’Esther» entament dans le même état d’esprit – «le plaisir extrême de la musique de chambre», rien moins que cela – leur deuxième saison. La première, en 2009-2010, avait élu domicile à Ivry-sur-Seine, puis fut donné l’année passée salle Adyar un «marathon Schumann», dont rendra très prochainement compte un DVD, intitulé «Le romantique des romantiques...» et comprenant divers bonus (dont un entretien avec Françoise Tillard). Désormais, c’est The Scots Kirk, lieu de culte de l’Eglise d’Ecosse ouvert en 2002 et situé en sous-sol d’un immeuble moderne en face des locaux de RTL, non loin du Théâtre des Champs-Elysées, qui accueillera les onze concerts, le samedi à 20 heures, hormis une petite infidélité un jeudi soir salle Cortot.
Disposant d’une capacité d’une centaine de places, d’une acoustique satisfaisante et d’un Petrof tout à fait correct malgré des basses légèrement enrhumées et des aigus un peu durs, ce petit espace de bois clair, d’une modernité dépouillée et anonyme – on pourrait aussi bien se croire au Centre tchèque ou à l’Institut finlandais – n’a pas été sélectionné pour ces seuls atouts. Dans son propos introductif, l’organisatrice explique ainsi, non sans une émotion visible, que sa mère, contrainte à porter l’étoile jaune durant la Seconde Guerre mondiale, n’avait dû la vie sauve qu’à un établissement chrétien d’enseignement qui l’avait alors recueillie et qu’elle aurait donc certainement encouragé un tel choix. Peu de temps encore avant son décès, voici quatre mois, elle écoutait Scarlatti et Bach avec sa fille, en tout dernier lieu Ich ruf’ zu Dir.
Et c’est ce prélude de choral, dans son adaptation par Busoni, qui ouvre le concert inaugural, sous les doigts de Dimitri Malignan (treize ans), élève de Ludmilla Berlinskaïa à l’Ecole normale de Paris et déjà remarqué notamment au concours Flame. On le sentira toutefois plus à l’aise, par cœur, dans la Tarentelle qui conclut «Venezia e Napoli» (1859), appendice à la Deuxième (Italie) des Années de pèlerinage de Liszt. Chaque soirée commencera ainsi par un bref lever rideau mettant en valeur de très jeunes artistes. Mais ceux qui lui succèdent – devant un nombreux public assis sur des chaises supplémentaires disposées jusque dans le couloir tandis que des enfants restent debout dans la chaire, légèrement en surplomb – ne sont guère plus âgés: Tatsuki Narita (né en 1992), deuxième grand prix au concours Long-Thibaud 2010, et Théo Fouchenneret (né en 1994), déjà bachelier depuis deux ans, élève d’Alain Planès au CNSM de Paris et dont le frère aîné, Pierre, est premier violon du Quatuor Raphaël.
T. Narita (© Jérôme Panconi)
Au lendemain de Fédor Roudine et Jean-Baptiste Doulcet à «Carnegie Small» (voir ici), voici donc de nouveau un tout jeune duo, et il aura paru plus convaincant, sans doute aussi grâce un programme plus solide. Dans la Seconde Romance (1802) puis dans la Troisième Sonate (1798) de Beethoven, le violoniste japonais confirme l’excellente impression qu’il avait produite au Long-Thibaud: la netteté technique et la tenue stylistique de son jeu ne sont jamais académiques, car elles se concilient avec un indéniable engagement qui enflamme les spectateurs: du coup, les applaudissements retentissent après le premier mouvement, mais il esquive avec humour en annonçant «Ensuite, le deuxième mouvement».
A ses côtés, Théo Fouchenneret n’est pas un faire-valoir, mais se révèle comme un partenaire à part entière: la Sonate (1893) de Lekeu lui fournit l’occasion de le prouver de façon plus éclatante – voilà qui change agréablement de Franck, même son compatriote, trop tôt disparu, se situe évidemment dans sa descendance. Tatsuki Narita, quant à lui, montre ici la remarquable variété de son jeu, plus charnu et extraverti que dans Beethoven: soutenue par un piano fiévreux, sa sensibilité s’épanouit dans un phrasé naturel et rend justice à ces pages un peu oubliées, tour à tour passionnées et un tantinet nostalgiques. Le bis – de savoureuses et fines Danses populaires roumaines (1915) de Bartók (arrangées par Szigeti) – fait encore monter un peu plus la température et conclut une première saison parisienne qui ne pouvait être lancée sous de meilleurs auspices.
Le site des Concerts d’Esther
Le site de The Scots Kirk Paris
Simon Corley
|