Back
Ultima verba: l’incarnation d’une tradition en péril Montreux Auditorium Stravinski 09/17/2011 - Richard Wagner : Rienzi: Ouverture
Johannes Brahms : Concerto pour piano et orchestre n° 1 en ré mineur, opus 15
César Franck : Symphonie en ré mineur
Rudolf Buchbinder (piano)
Royal Philharmonic Orchestra, Antoni Wit (direction)
A rebours de la répartition des cordes des deux côtés du pupitre du chef, le Royal Philharmonic Orchestra concentre les basses à la droite du père. Une telle roberval favorise l’opposition des couleurs et des textures et souligne l’assise des graves. Antoni Wit, incarnation d’une tradition menacée d’extinction, sait en tirer parti, dans un programme associant trois œuvres qui laissent s’épancher, chacune à leur manière, une certaine densité orchestrale.
De Rienzi, opéra de jeunesse mésestimé de Wagner, n’est restée dans le répertoire courant que l’Ouverture. Le premier thème est un appel mettant en valeur l’assise des cuivres. La générosité de la pâte sonore favorise l’onctuosité de la cantilène confiée aux cordes – la prière de Rienzi au quatrième acte. La partition s’achève sur la marche triomphale du deuxième acte, avec un sens de la procession d’une grande efficacité, guidée d’une main puissante.
Le Premier Concerto pour piano de Brahms s’ouvre sur un Maestoso empreint d’une atmosphère funèbre – le ré mineur renoue avec la tonalité du Requiem de Mozart. La générosité de la direction d’Antoni Wit n’a cure d’une certaine diététique qui prévaut de nos jours. L’orchestre n’en sonne pas pour autant alourdi. Face à ce maelström, le piano de Rudolf Buchbinder contraste par la finesse de sa sonorité et de son phrasé. L’élégance du toucher rappelle une école de retenue qui est hélas tombée en désuétude. L’économie dans l’usage de la pédale permet de faire chanter le Steinway avec une limpidité remarquable, sans jamais l’encombrer d’une souplesse mal maîtrisée. Ce sont deux rondeurs qui dialoguent tout au long de cet ample mouvement. La musicalité du pianiste autrichien embrasse la cadence avec une noblesse émouvante. Le fondu des couleurs orchestrales illumine l’Adagio, à égalité avec la sensibilité du soliste. Le Rondo, Allegro ma non troppo conclut avec la même générosité aristocratique cette partition où plane l’ombre de Schumann. En hommage à ses traditions natales, Buchbinder livre en bis une brillante Soirée de Vienne, paraphrase d’Alfred Grünfeld sur des thèmes de Johann Strauss (notamment de La Chauve-souris), qui prend parfois des allures lisztiennes.
Trop souvent boudée, la Symphonie en ré mineur de Franck ne manque pourtant pas d’attrait pour un chef symphoniste. La conception cyclique de l’ouvrage se fait entendre dès le premier mouvement. Le motif Lento en ré mineur se mue en Allegro ma non troppo vigoureux, qui module, dans un troisième moment, en fa majeur, la tonalité relative. C’est avec ce matériel resserré que le compositeur belge construit cette page ondulante où le flux sonore continu semble jaillir d’un souffle unique. L’Allegretto fait passer le thème principal des harpes au cor anglais puis au cor, sur fond de pizzicati des cordes, dans une élégance très française. Le Finale, Allegro non troppo, reprend les motifs précédents et conduit à une conclusion lumineuse en fa majeur. L’amour pour le grain orchestral qui sous-tend la partition trouve en Antoni Wit un ministre convaincu, lequel sait conduire le vaisseau britannique sur l’onde généreuse de cette puissance sonore, équilibrant les pupitres pour les faire sonner comme un tout qui n’absorbe jamais les interventions solistes, assurées avec grande tenue.
Le site du festival de Montreux-Vevey
Le site du Royal Philharmonic Orchestra
Le site de Rudolf Buchbinder
Gilles Charlassier
|