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Magie schumanienne Toulouse
Cloître des Jacobins
09/08/2011 -
Joseph Haydn : Sonate n°60 en ut majeur, Hob XVI/50
Kit Armstrong : Half of One, Six Dozen of the Other
Robert Schumann : Kinderszenen, opus 15
Franz Liszt : Années de pèlerinage (Deuxième année. Italie)
Till Fellner (piano)
Le pianiste autrichien salue brièvement l’assistance, s’assied face au Steinway, règle brièvement son siège, et, ses doigts aussitôt posés sur les touches blanches et noires, entame la soirée sans autre cérémonie. Cela vous rappelle des souvenirs? Till Fellner fut l’élève d’Alfred Brendel et un naturel aussi décomplexé envers les rites du concert en est une marque reconnaissable, parmi d’autres disséminées au fil de la performance, étrangement boudée par un public plus épars que ne pouvait le laisser espérer la venue d’un habitué des Jacobins reconnu sur la scène internationale – il s’agit ce soir de sa troisième apparition dans le festival depuis ses débuts en 1995.
Partageant les prédilections de son maître, Till Fellner ouvre avec la Soixantième Sonate (en ut) de Haydn, œuvre de la dernière maturité composée à Londres entre 1794 et 1795. La sonorité généreuse du Steinway semble encombrer parfois la clarté de l’Allegro initial, privilégiant la souplesse de la conduite du discours. L’Adagio central rayonne de beauté sereine avant un Allegro molto empli de vivacité et d’esprit. Le jeu se fait facétieux, concluant sans crier gare – peut-être aurait-on aimé ici un peu moins de défiance envers l’ampleur et le moelleux de l’instrument.
Commande de Till Fellner au jeune Kit Armstrong, lui-même pianiste, Half of One, Six Dozen of the Other amplifie progressivement un motif réparti entre les deux mains, où l’une se fait l’écho de l’autre. Le reflux qui suit le premier climax revient à nouveau à la charge jusqu’à une seconde acmé de puissance identique à la précédente, avant de retourner peu à peu au murmure initial. Le travail en flux perpétuel fait penser à Ligeti, tandis que la structure élémentaire de la partition, basée sur la variation, lui assure une accessibilité certaine auprès du public, que ne pénalise guère l’interprétation à vue qui en est donnée.
Les Scènes d’enfants sont un de ces recueils de miniatures dont Schumann a le secret. Till Fellner en livre une conception d’une merveilleuse fluidité. Les affects s’enchaînent, traduisant les modulations imperceptibles de l’humeur. L’élégance délicate du toucher s’accorde avec le fléchissement vers une mélancolie rêveuse, exprimant ainsi ce que seule la musique peut dire. On est ici loin de toute dialectique démonstrative.
Dans la Deuxième Année de pèlerinage , consacrée à l’Italie, Liszt explore également la vie intérieure avec le prolongement instrumental de son moi créateur. A l’inverse de son contemporain allemand, le compositeur hongrois incline vers des formes plus développées. Le «Sposalizio» offre un exemple typique de l’enrichissement progressif de la texture sonore, s’élargissant dans les graves, en parallèle avec un travail sur la lumière sonore, sorte d’enseigne stylistique du recueil. «Il penseroso» se distingue par son âpreté et ses dissonances auxquelles se montre sensible Till Fellner. La «Canzonetta del Salvator Rosa» contraste avec son insouciance rythmée. Avec les trois «Sonnets de Pétrarque», on entre dans le cycle des grands hymnes qui se conclut avec l’ample «Après une lecture de Dante, Fantasia quasi Sonata», aux ambitions formelles qui la relie autant à la conception cyclique de la Sonate en si mineur qu’aux paraphrases d’opéra, et où résonne le souvenir du «Mazeppa» des Etudes d’exécution transcendante. Le soin de l’interprétation laisse un souvenir d’élégance et de concentration, sans réitérer la magie qui opéra dans Schumann.
Le site de Piano aux Jacobins
Le site de Till Fellner
Gilles Charlassier
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