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L’heure polonaise Bruxelles Bozar, Salle Henry Le Bœuf 09/15/2011 - Henryk Górecki : Kleines Requiem für eine Polka, opus 66
Franz Liszt : Concerto pour piano n°2, S. 125
Witold Lutoslawski : Concerto pour orchestre Rafal Blechacz (piano)
Orchestre national de Belgique, Antoni Wit (direction)
R. Blechacz, A. Wit (© Felix Broede, Juliusz Multarzynski)
Cette saison s’annonce festive pour l’Orchestre national de Belgique qui célèbre son septante-cinquième anniversaire. La communication a fait l’objet d’un soin étudié : un slogan mêle de façon amusante les deux principales langues officielles (« Je suis een fan / Ik ben un fan »), trois ambassadeurs illustrent les trois maîtres-mots choisis – Hélène Grimaud pour « approfondir », l’athlète Kim Gevaert pour « surprendre », le musicien pop Ozark Henry pour « s’ouvrir » – et une série de concerts met cet événement en exergue. Décidément, de nos jours, un orchestre doit vivre avec son temps et employer des outils de communication et de marketing adaptés pour lui conférer la plus large visibilité et une dimension moderne afin, notamment, d’attirer puis, le plus difficile, fidéliser les jeunes.
Les concerts traditionnels ne suffisent donc plus et la routine doit être proscrite, pour preuves le lien étroit que cultive la formation avec le cinéma, les manifestations destinées aux petits (concert de Noël le 23 décembre), le recours exceptionnel aux nouvelles stars du petit monde de la musique (Jonas Kaufmann le 15 avril) ou encore la participation aux festivals pluridisciplinaires, en l’occurrence la Fête de la musique le 21 juin. Pour le reste, la formation évolue comme d’habitude (concerts du vendredi et du dimanche après-midi, d’une heure le jeudi sur le temps de midi, ancrage sur tout le territoire, enregistrements discographiques) sous la direction musicale de Walter Weller, qui passera le relais à Andrey Boreiko à compter de la saison prochaine, et avec la contribution de son premier chef invité, Stefan Blunier.
Conduit à cette occasion par Antoni Wit, l’orchestre effectue sa rentrée ce jeudi soir à la Salle Henry Le Bœuf en s’inscrivant presque entièrement dans le cadre de la présidence de la Pologne au Conseil de l’Union européenne. Le programme débute par le Kleines Requiem für eine Polka (1993) de Górecki, décédé l’année dernière. L’ouvrage, qui tire malgré tout en longueur, porte bien son adjectif puisque l’effectif se résume à quatorze instruments (cordes, bois, cuivres, percussion) dont un piano. Les mouvements extrêmes se caractérisent par la simplicité, de toute évidence assumée, de cette musique d’ambiance qui pourrait convenir pour la bande-son d’un film tandis que les deux autres comportent un épisode navrant qui semble singer l’ironie et le dynamisme caractéristiques de Chostakovitch.
Le Second Concerto pour piano (1839-1849) de Liszt, qui ne présente rien de spécifiquement polonais, est néanmoins défendu par Rafal Blechacz qui a remporté en 2005, l’année de ses vingt ans, le premier prix du Concours international de piano Frédéric Chopin à Varsovie – le précédent Polonais ayant réalisé cet exploit n’est autre que Krystian Zimerman. Maître de ses moyens, le jeune homme développe un style orthodoxe, sans grimace, et livre une prestation conciliant rigueur et naturel, filtrée de la moindre scorie et reposant sur un timbre agréable. De façon générale, l’orchestre se montre dans des bonnes dispositions mais les interventions individuelles s’avèrent plus ou moins satisfaisantes sur le double plan de la précision et de l’inspiration (remarquable Olsi Leka au violoncelle).
Malgré le bis (Chopin), la première partie s’achève sur un goût de trop peu, au contraire de la seconde, consacrée au Concerto pour orchestre (1950-1954) de Lutoslawski. Voilà qui change de celui de Bartók que l’Orchestre philharmonique royal de Liège va néanmoins exécuter au même endroit pas plus tard que le 22 septembre. Le chef obtient des musiciens netteté, rutilance et engagement, ce qui laisse croire que ce plat de résistance a été préparé longuement et consciencieusement. Le plaisir provient de la minutie de la mise en place, de la solidité du propos et de la tension qui ne fléchit jamais tandis que le souffle et l’énergie ne compromettent pas les nombreux détails que recèlent cette œuvre riche et spectaculaire que les musiciens rendent de façon homogène et sans compacité. Ceux-ci ont tout le loisir d’y montrer leur compétence, notamment le konzertmeister Marc Degraeuwe, le flûtiste Baudoin Giaux ou encore Guy Delbrouck aux timbales.
Le premier rendez-vous des « Vendredis de l’ONB » s’est dont tenu exceptionnellement un jeudi mais le prochain concert aura bien lieu la veille du week-end, le 7 octobre, avec à l’affiche Andrew Litton et le violoniste Lorenzo Gatto – incidemment, le deuxième prix du concours Reine Elisabeth 2009 mène une belle carrière. Au programme, les Danses norvégiennes de Grieg, le Troisième Concerto pour violon de Saint-Saëns et les Danses symphoniques de Grieg, ce qui justifie le titre de la soirée : « L’orchestre danse, le violon chante ».
Le site de Rafal Blechacz
Le site de l’Orchestre national de Belgique
Sébastien Foucart
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