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Le laboratoire des sentiments Salzburg
Haus für Mozart
08/05/2011 - et 7, 15, 19, 21*, 26 août 2011
Wolfgang Amadeus Mozart: Così fan tutte, K. 588
Maria Bengtsson (Fiordiligi), Michèle Losier (Dorabella), Alek Shrader (Ferrando), Christopher Maltman (Guglielmo), Bo Skovhus (Don Alfonso), Anna Prohaska (Despina)
Konzertvereinigung Wiener Staatsopernchor, Jörn H. Andersen (préparation), Les Musiciens du Louvre - Grenoble, Marc Minkowski (direction musicale)
Claus Guth (mise en scène), Christian Schmidt (décors), Anna Sofie Tuma (costumes) Olaf Winter (lumières), Andri Hardmeier (dramaturgie), Ramses Sigl (chorégraphie), Andi A. Müller (vidéo)
(© Monika Rittershaus)
Le cycle Mozart-Da Ponte se poursuit à Salzbourg avec Così fan tutte, dernier volet de la trilogie mise en scène par Claus Guth (la production a été créée en 2009). Après un superbe Don Giovanni (lire ici), une légère déception est de mise cette fois. Vocalement en effet, le plateau n'est pas tout à fait à la hauteur du Festival, qui se veut pourtant une référence en matière de chant mozartien. Certes, la distribution est globalement homogène et soudée, très impliquée dans le spectacle et dégage même une jeunesse et une fraîcheur particulièrement adéquates dans cet ouvrage, mais elle ne séduit pas totalement. Seul le Guglielmo de Christopher Maltman emporte l'adhésion sans réserve par sa forte présence scénique et son chant riche en couleurs et en nuances. Bo Skovhus, certainement le chanteur le plus expérimenté du plateau, incarne à merveille un Don Alfonso cynique et démoniaque, mais sa diction est la plupart du temps incompréhensible. Malgré l'énorme travail de marketing déployé par sa maison de disques, Anna Prohaska n'est de loin pas une Despina idéale, même si elle nous gratifie de quelques beaux moments. Des amoureux, on retiendra les moyens impressionnants de Maria Bengtsson en Fiordiligi, la sensualité de la voix de Michèle Losier en Dorabella et la beauté du timbre d'Alek Shrader en Ferrando.
Les choses évoluent déjà à un autre niveau dans la fosse, grâce à un Marc Minkowski bouillonnant d'énergie, qui adopte des tempi particulièrement rapides, au point de mettre parfois en danger l'équilibre d'ensemble. Le chef est néanmoins très attentif aux chanteurs et laisse la musique reprendre sa respiration. L'effectif orchestral est important, couvrant parfois les interprètes. Mais le niveau technique des Musiciens du Louvre est remarquable et la clarté des sonorités impressionnante. Une mention spéciale est à décerner au brillant continuo de Francesco Corti.
Ces quelques réserves sont très vite balayées par l'intelligence et la pertinence du travail de Claus Guth, qui a repensé ses trois productions pour donner davantage de cohérence au cycle. Ce Così se déroule dans un cube à trois niveaux, de couleur blanche et à la lumière blafarde, sorte de laboratoire ou de clinique. Don Alfonso et Despina, vêtus de noir et portant des ailes comme le Chérubin des Noces (lire ici), tirent les ficelles des marionnettes que sont les deux couples de jeunes gens, lesquels tentent en vain d'ouvrir les portes de leur prison. A la fin du premier acte, on entrevoit la forêt de Don Giovanni, métaphore de la sensualité et des désirs inassouvis. Les Noces s'invitent aussi dans la production par le grand escalier, les feuilles mortes, les plumes et, on l'a déjà dit, les ailes, Claus Guth réussissant ainsi parfaitement son pari de la cohérence. Tout au long du spectacle, le metteur en scène brouille habilement les pistes en reformant çà et là les couples originaux. Des couples originaux qui se retrouvent bel et bien à la fin, mais on sent que rien ne sera plus jamais comme avant, que quelque chose s'est cassé pour de bon. Malgré la froideur et le pessimisme du propos, le public a ovationné le spectacle.
Pour le reste, le Festival n'est pas encore arrivé à son terme que déjà la presse autrichienne dresse un premier bilan. Unanimes, les chroniqueurs saluent le travail remarquable accompli par le directeur intérimaire, Markus Hinterhäuser. Le cru 2011 est considéré comme le meilleur depuis de nombreuses années. Un influent quotidien viennois est même allé jusqu'à lancer l'idée du maintien en place de l'actuel directeur, quitte à révoquer son successeur désigné, moyennant compensation financière… La barre est placée très haut pour Alexander Pereira!
Claudio Poloni
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