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La blessure

Salzburg
Haus für Mozart
08/18/2011 -  et 20*, 23, 27, 29 août 2011
Wolfgang Amadeus Mozart: Don Giovanni, K. 527
Gerald Finley (Don Giovanni), Franz-Josef Selig (Il Commendatore), Malin Byström (Donna Anna), Joel Prieto (Don Ottavio), Dorothea Röschmann (Donna Elvira), Erwin Schrott*/Adrian Sâmpetrean (Leporello), Christiane Karg (Zerlina), Adam Plachetka (Masetto)
Konzertvereinigung Wiener Staatsopernchor, Jörn H. Andersen (préparation), Wiener Philharmoniker, Yannick Nézet-Séguin (direction musicale)
Claus Guth (mise en scène), Christian Schmidt (décors et costumes), Olaf Winter (lumières), Ronny Dietrich (dramaturgie), Ramses Sigl (chorégraphie)


(© Monika Rittershaus)


L’un des points forts de l’édition 2011 du Festival de Salzbourg aura été le triptyque Mozart-Da Ponte vu par Claus Guth, présenté cette année pour la première fois dans son intégralité, avec un orchestre différent dans la fosse pour chacun des opéras. On s’en souvient, le cycle avait débuté en 2006 par de superbes Noces de Figaro, où la folle journée imaginée par Beaumarchais cédait le pas à une réflexion sur les méandres de l’âme humaine. Le metteur en scène allemand est l’un des artistes les plus doués et les plus inventifs de sa génération, comme le prouve une nouvelle fois son travail à Salzbourg. Don Giovanni est une reprise d’une création de 2008. Pour Claus Guth, le célèbre séducteur est un habitué du milieu de la drogue. Les joints, les seringues et la bière remplacent ici la bonne chère et le champagne, dans une forêt sombre et reculée. Au début du spectacle, le Commandeur blesse grièvement Don Giovanni d’un coup de pistolet. Le libertin sait qu’il n’en a plus pour très longtemps, d’où le sentiment d’urgence qui caractérise la production, le héros ayant une folle envie de jouir pleinement des dernières heures qu’il lui reste à vivre et de faire tomber toutes les barrières. Au final, Don Giovanni succombe à sa blessure, alors que le Commandeur, lui, est bien vivant. Le metteur en scène jette également un regard désabusé sur les femmes, qui n’opposent guère de résistance face à un bad boy sulfureux et ténébreux, à l’image de Donna Anna qui demande encore une année de patience à Don Ottavio tout en étreignant Don Giovanni.


L’urgence qui règne sur le plateau, la fureur de vivre du séducteur ne se retrouvent malheureusement pas dans la musique, Yannick Nézet-Séguin offrant une lecture plutôt lisse de la partition de Mozart. Mais on aurait tort de bouder son plaisir car le jeune chef canadien fait preuve de subtilité et d’un sens aigu de la différenciation et des nuances. Et comme la fosse est occupée par la Philharmonie de Vienne, on ne peut que se laisser séduire par le soyeux et l’onctuosité des cordes, qui donnent depuis toujours à la célèbre formation son caractère unique. Vocalement, le plateau est dominé par le Don Giovanni aristocratique et séducteur de Gerald Finley, au chant délicat et nuancé. A l’opposé, Erwin Schrott a tendance à en faire mille fois trop en Leporello et son chant ne connaît que le forte. Si la Donna Anna unidimensionnelle de Malin Byström ne convainc qu’à moitié, l’Elvira de Dorothea Röschmann séduit pleinement par la souplesse de voix et la douce rondeur de son timbre. On retiendra également le chant stylé de Joel Prieto en Don Ottavio, même si la voix manque quelque peu de projection, ainsi que la fraîcheur du couple Zerlina-Masetto incarné respectivement par Christiane Karg et Adam Plachetka. Bonne nouvelle pour tous ceux qui n’auront pas eu la chance d’assister à ce cycle Mozart-Da Ponte qui marquera à n’en pas douter l´histoire du Festival de Salzbourg: un coffret de DVD réunissant les trois spectacles est annoncé pour cet automne.



Claudio Poloni

 

 

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