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Lettres de noblesse Saint-Céré Saint-Jean-L’Espinasse (Château de Montal) 08/10/2011 - et 3 (Cahors), 6 (Curemonte) août 2011, 27 (Alger), 29 (Constantine) septembre, 1er (Oran), 2 (Tlemcen) octobre, 17 novembre (Noisiel), 1er décembre (Pont de l'Arche) 2012, 16 mars 2013 (Cugnaux) Georges Brassens: Il n’y a pas d’amour heureux
Léo Ferré: Je chante pour passer le temps – Est-ce ainsi que les hommes vivent? – Tu n’en reviendras pas – L’Affiche rouge – Il n’aurait fallu – L’Etrangère – Blues
Jean Ferrat: Un jour, un jour – J’entends j’entends – Le Malheur d’aimer – Nous dormirons ensemble – Que serais-je sans toi? – Aimer à perdre la raison
Francis Livon: Les Mains d’Elsa
Eric Perez (voix), Leonardo Montana/Roger Pouly* (piano)
E. Perez (© Nelly Blaya)
Comme «Apollinaire/Poulenc. Récital parlé/chanté», «Louis Aragon dit et chanté par Eric Perez» annonce clairement la couleur: un programme autour d’un auteur, faisant rigoureusement alterner poésies, d’une part, illustrées cette fois-ci non pas par un ou plusieurs compositeurs – cela aurait d’ailleurs pu être Poulenc ou Auric – mais par quelques-uns des plus grands noms de la variété française, principalement Jean Ferrat et Léo Ferré, sans oublier Georges Brassens, qui fut le premier à le faire (Il n’y a pas d’amour heureux), et Francis Livon (Les Mains d’Elsa), et textes, d’autre part, en prose ou en vers, rosses ou délirants, tragiques ou ironiques. Face à son pupitre pour la lecture, plus libre pour le chant, Perez s’anime même sur scène au fur et à mesure des quinze chansons, qui décrivent une trajectoire allant de l’obscurité vers la lumière, du drame à la vie, de la guerre à l’amour.
Alors que le match entre les deux poètes – l’un qui compta parmi les ancêtres du surréalisme, l’autre qui en fut l’un des fondateurs, avant de rompre avec Breton – semblait devoir être emporté haut la main par le plus ancien et alors que c’est Perez qui paraissait le plus en retrait dans le spectacle Apollinaire, la réussite du récital Aragon est incontestablement plus éclatante, tenant en haleine le public soixante-dix minutes durant (y compris la reprise de L’Etrangère de Ferré). Les textes ont-ils été mieux choisis? Toujours est-il que Perez, véritablement habité par sa lecture, les restitue de façon autrement plus vivante que ceux d’Apollinaire. Quant au chant, où se mêle parfois le récit, s’il évite aussi bien de dériver vers le style lyrique que de tenter une vaine imitation des auteurs-compositeurs, même s’il en retrouve parfois l’intonation si spécifique, il pourrait être celui d’un Montand – en moins cabotin. Le trépidant ludion de La Belle de Cadix l’été dernier est méconnaissable, sachant donner le frisson et se faire poignant, comme dans L’Affiche rouge, ses aigus tendus jusqu’à la brisure.
La musique est réduite à sa plus simple expression – la mélodie simplement soutenue par le piano, avec l’accompagnement matois, raffiné et complice, de Roger Pouly – mais que demander de plus? Le paradoxe n’est pas des moindres: c’est un festival réputé pour ses productions d’opéra qui confère ainsi ses plus belles lettres de noblesse à un genre réputé mineur.
Simon Corley
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