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Polonia incognita Cracow Université Jagellon, Collegium Novum 07/20/2011 - Zygmunt Noskowski : Sonate en la mineur
Szymon Laks : Suite polonaise
Franciszek Brzezinski : Sonate en ré mineur op. 6
Jozef Nowakowski : Duo en la majeur op. 18 Janusz Wawrowski (violon), José Gallardo (piano) J. Wawrowski
Le festival de musique polonaise de Cracovie fait une large part aux compositeurs méconnus. Même en Pologne, Noskowski, Laks, Brzezinski et Nowakowski ne sont guère des noms connus des mélomanes. Fervent patriote, le premier (1846-1909) fut pourtant une grande figure de la vie musicale varsovienne, pédagogue réputé qui eut pour élèves Szymanowski et ses compères de la « Jeune Pologne en musique ». Sa Sonate pour violon et piano en la mineur ne donne pas la meilleure idée de son talent et de son métier, beaucoup plus présents dans ses œuvres pour orchestre. Distinguée en 1893 par le jury du concours de la société Carillon à Bruxelles, elle reste en effet assez académique dans sa forme et son esprit, plus séduisante dans son bondissant Prestissimo final. L’enthousiasme des interprètes la sauve et la rend attachante : superbe sonorité de Janusz Wawrowski, brillant représentant de la jeune génération des violonistes polonais, chaude, ronde et timbrée jusque dans l’aigu, avec une grand éventail de nuances ; très belles couleurs du piano de l’Argentin José Gallardo, inventif et passionné, à l’unisson de son partenaire.
Certains ne connaissent guère Szymon Laks (1901-1983) que par son récit de l’enfer d’Auschwitz, auquel il survécut grâce à la direction de l’orchestre du camp. Il s’était définitivement établi à Paris entre les deux guerres, composant des musiques parfois marquées par ses racines : ainsi de la Suite polonaise de 1935, aux rythmes francs, heureuse combinaison d’éléments folkloriques, dont l’inévitable quarte lydienne, de tonalité et de dissonances dans l’esprit du néoclassicisme de l’école de Paris. Les deux interprètes en donnent une interprétation exemplaire, pleine de verve et d’élan, souvent brillante et jubilatoire sans être gratuitement démonstrative.
De son côté, Franciszek Brzezinski (1867-1944), sans doute plus connu comme critique musical, renoue à sa façon avec ses racines dans sa Sonate pour violon en ré majeur : elle est entièrement basée sur une sorte de refrain permettant aux enfants à placer leurs doigts sur le clavier. Elle ressortit plutôt au post-romantisme tardif, à la fois plus libre et plus concentrée dans sa forme que celle de Noskowski, surtout dans l’Allegro moderato initial, alors que le Largo central accueille en son milieu une fugue, où l’on reconnaît l’élève de Reger, que certaines sonorités du piano ont un parfum impressionniste et que le Vivace final sent bon la musique populaire. Cela est bien fait et s’écoute fort agréablement, surtout lorsque le violoniste et le pianiste, auquel le compositeur attribue souvent le premier rôle, y croient et s’abandonnent au plaisir de la musique.
On remonte encore dans le temps avec Jozef Nowakowski (1800-1865), un ami de Chopin, qu’il accompagna dans sa visite à Schumann en 1836, à Leipzig. Lui aussi élève d’Elsner, il donne dans le style brillant en vogue à l’époque quand il compose son Duo en la majeur, joué avec panache mais sans effet inutile. En bis, deux Mélodies pour violon et piano de Ludomir Rozycki (1883-1953), musique sans histoire des années de la « Jeune Pologne en musique ».
Le violoniste, à la fin, remercie le pianiste d’avoir, pour l’occasion, mis à son répertoire les œuvres du programme. Tel est précisément le but du festival, qui a donc, ici, gagné son pari.
Le site de Janusz Wawrowski
Didier van Moere
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