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Bienvenue au Village!

Les Arcs
Arc 1800 (Centre Bernard Taillefer)
07/24/2011 -  
Nikolaï Kapustin : Quintette avec piano, opus 89 (*)
Eric Tanguy: Capriccio
Franz Schubert: Octuor, D. 803 (#)

Nicolas Baldeyrou (clarinette), Julien Henry (basson), Vladimir Dubois (cor), David Grimal (#), Raphaël Oleg (*), Ayako Tanaka (* #) (violon), Lise Berthaud (* #) (alto), Raphaël Chrétien (*), François Salque (#) (violoncelle), Eckhard Rudolph (contrebasse), Pascal Godart (piano)




Ayant obtenu du ministère de la culture le label "Patrimoine du XXe siècle", les quatre stations des Arcs, dominant Bourg-Saint-Maurice et la Haute-Tarentaise entre 1600 et 2000 mètres, le disputent à Avoriaz en matière de «réussites» urbanistiques montagnardes des années 1970: La Grande-Motte sur les cimes, pour ce qui est de l’esthétique, et une conception fort logiquement déterminée par les sports d’hiver, pour ce qui est de la vie pratique. Mais l’été, sans la neige, le roi est nu: les constructions apparaissent pour ce qu’elles sont, c’est-à-dire de grands ensembles démodés, et la déambulation dans ce qu’on hésite à qualifier de village – sinon peut-être au sens que donnait à ce mot la série télévisée Le Prisonnier – se révèle extraordinairement malcommode, au travers d’un dédale de niveaux différents communiquant entre eux par des escaliers qu’il n’est souvent pas aisé de trouver à l’intérieur des bâtiments. Quant à l’ambiance, elle se mesure à des faits mineurs mais non moins significatifs: les prix concurrencent sans peine ceux de la capitale – dans un restaurant, on peut trouver le petit vin rouge régional qui frôle les 9 euros au verre – et la maréchaussée municipale n’a pas mieux à faire que d’apposer sur les pare-brise des véhicules stationnant en dépose-minute devant les hôtels des «avis de contravention» indiquant ce qu’il en coûterait à leurs propriétaires s’ils ne les déplaçaient pas rapidement vers l’un des nombreux parkings de la station.


Si ce sens de l’accueil donne irrésistiblement envie de dire «Je ne suis pas le Numéro 6» et de s’éclipser en lançant le rituel «Bonjour chez vous!», on ne doute pas que tout cela passe beaucoup mieux quand les 35000 lits disposent de 425 kilomètres de pistes (avec deux autres stations) montant pour certaines au-delà de 3000 mètres. Mais l’été, c’est donc une autre histoire et c’est précisément ce qui a très tôt incité l’un des concepteurs des Arcs, Roger Godino, associé à Yves Petit de Voize, à animer le lieu, au travers d’un festival qui atteint déjà sa trente-huitième édition cette année. Le principe est en simple: du 17 juillet au 5 août, les quarante concerts sont tous gratuits, ainsi que les conférences et répétitions générales qui les complètent, certaines de ces manifestations étant spécialement destinées au jeune public tandis que d’autres s’attachent à mettre en valeur et à faire découvrir les nombreuses églises romanes de la région.


Autre caractéristique principale, à défaut d’être originale: à l’image de Marlboro, Prades et Banff, pour citer les plus célèbres initiatives comparables, le festival se double d’une «académie» rassemblant, du 19 au 29 juillet, environ cent quatre-vingts jeunes musiciens, qui donnent quelques concerts après avoir bénéficié de l’enseignement de professeurs renommés. Le concert de ce lundi soir, au Centre Bernard Taillefer d’Arc 1800, une salle polyvalente de 600 places à l’acoustique correcte, offre ainsi un échantillon très représentatif de la qualité de leurs soixante-dix aînés invités par le festival: aux côtés de solistes confirmés – Lise Berthaud, Pascal Godart, David Grimal, Raphaël Oleg, mais aussi Raphaël Chrétien et François Salque, les anciens violoncellistes des quatuors Arpeggione et Ysaÿe – on retrouve en effet l’élite des formations parisiennes, premiers (le clarinettiste Nicolas Baldeyrou, le bassoniste Julien Henry) ou deuxième (Ayako Tanaka, ancien premier violon du Quatuor Psophos) solistes au Philharmonique de Radio France, quand ce n’est pas l’Opéra national de Paris, avec Vladimir Dubois (premier cor solo), ou l’Ensemble orchestral de Paris, avec Eckhard Rudolph (première contrebasse solo).


Directeur musical depuis 2005, Eric Crambes, par ailleurs notamment violoniste de l’ensemble 2e2m et fondateur du festival Opus (Aubenas/Vals-les-Bains), a placé l’édition 2011 sous le signe de la musique russe, en n’hésitant pas à oser des choix assez originaux (Glazounov, Glinka, Lyapounov, Taneïev). C’est toutefois un Ukrainien, Nikolaï Kapustin (né en 1937), qui ouvre la soirée: connu pour une œuvre abondante dont une large part consiste en des pièces virtuoses inspirées de sa pratique (pianistique) du jazz, le compositeur met à la sauce «classique» les tournures mélodiques, harmoniques et rythmiques des musiques de danse du XXe siècle, évoquant ainsi la démarche d’Astor Piazzolla ou Claude Bolling. Mais le «classique» ne gagne pas grand-chose à enfermer dans une cage dorée des styles de musique qui n’ont rien demandé à personne et auxquels la liberté paraît pourtant consubstantielle et plus adaptée: c’est le cas du Quintette avec piano (1998) de Kapustin, qui adopte une coupe traditionnelle en quatre mouvements. Le résultat est donc certes plaisant – interprètes et public sourient à maintes reprises – mais un peu vain, constituant évidemment davantage un divertissement idéal dans cette ambiance détendue qu’un jalon essentiel de la création contemporaine.


Le festival accorde toujours une place importante à la musique contemporaine. Bien que présente dans la salle, Kaija Saariaho ne pourra hélas entendre sa pièce Calices pour violon et piano, retirée in extremis du programme. La Finlandaise était, l’an passé, en résidence» au festival, succédant à Oscar Strasnoy, lui-même précédé de beaucoup d’autres: Nicolas Bacri, Frank Bedrossian, Bernard Cavanna, Pascal Dusapin, Olivier Greif, Philippe Hersant, Laurent Martin... C’est cette année Eric Tanguy qui assume ces fonctions, dans le cadre desquelles il a reçu commande d’une Sonate pour deux violons, créée trois jours plus tôt par Eric Crambes et David Grimal. Ainsi qu’il le précise dans sa brève présentation liminaire, c’est à Nicolas Baldeyrou qu’il avait dédié un court Capriccio (2003) et il constate avec amusement que le clarinettiste continue de préférer le manuscrit, accordéon qui se déploie sur quatre pupitres accolés l’un à l’autre, à la partition telle qu’éditée chez Salabert. Ce qui importe, c’est le résultat, optimal avec un tel niveau de virtuosité et de sonorité: l’atmosphère ludique et versatile annoncée par le titre y est bien, jusque dans des moments plus expressifs, mais à peine moins capricieux.


C’est l’un des favoris de ces réunions estivales plus ou moins improvisées de musiciens, le vaste Octuor (1824) de Schubert, qui conclut: sous la houlette de David Grimal, la qualité instrumentale s’avère remarquablement constante et l’interprétation, équilibrée mais sans fadeur, d’esprit plus chambriste que symphonique, parvient à caractériser soigneusement chaque mouvement.


Le site de l’académie festival des Arcs
L’académie festival des Arcs en neuf questions
Le site de Nikolaï Kapustin
Le site d’Eric Tanguy
Le site d’Eric Crambes



Simon Corley

 

 

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