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Histoires d’eau Uzès Cour du duché 07/23/2011 - et 27 août (Sablé-sur-Sarthe), 10 septembre (Mouilleron-le-Captif) 2011 François Francœur : Simphonies pour le festin royal de Monseigneur le Comte d’Artois
Georg Friedrich Haendel : Water Music: Suites n° 1, HWV 348, et n° 2, HWV 349
Stradivaria, Daniel Cuiller (direction)
Pour leur quarante-et-unième édition, du 15 au 28 juillet, les Nuits musicales d’Uzès, sous la direction artistique d’Eric Desnoues depuis 1994, programment huit soirées à forte dominante baroque – hormis un récital d’Alexandre Tharaud et, pour conclure, un «voyage musical en Tziganie» avec un jeune protégé de Martha Argerich, le violoniste Géza Hosszu-Legocky – tant par le choix des compositeurs, issus de l’Angleterre et de l’Italie baroques (Händel, Purcell, Tallis, Vivaldi), que par celui des artistes et ensembles invités (Philippe Jaroussky, Peter Phillips, Rinaldo Alessandrini et Il concerto italiano, Françoise Lasserre et le Chœur Akademia, Jean Tubéry et La Fenice).
Le festival reste fidèle à trois des lieux d’exception qu’offre le riche patrimoine de la cité gardoise: la cathédrale Saint-Théodorit, l’évêché et le duché. C’est dans la cour de ce dernier édifice, dominée par l’imposante tour Bermonde, au pied d’une façade Renaissance mise en valeur par des éclairages très réussis, que, sitôt les dix coups sonnés au clocher, l’ensemble Stradivaria se produit avec Daniel Cuiller, son directeur depuis 1987. La présence du duc et de la duchesse ainsi que de leurs invités en frac et tenue de soirée, sur une terrasse en surplomb, contribue à donner un délicieux parfum Ancien Régime, tout à fait en harmonie avec les Simphonies pour le festin royal de Monseigneur le Comte d’Artois (1773) de François Francœur (1698-1787), dont les musiciens ont déjà enregistré Pirame et Thisbé (Mirare).
Ecrites pour le mariage du futur Charles X, elles consistent eu une suite d’airs et danses, introduite par une ouverture (à la française) qui, comme les deux robustes Gavottes, présente un caractère nettement archaïsant, ramenant cinquante à cent ans en arrière. Le «surintendant de la musique de la chambre», fonction qu’il occupa de 1744 à 1776, n’est cependant pas qu’un épigone de Lully, car certaines pièces évoquent plus nettement l’ère classique («Air gracieux» avec solos de cordes et flûtes, premier Menuet étonnamment rêveur, «Gavotte légère» qu’un Haydn n’aurait sans doute pas reniée). Daniel Cuiller dirige son ensemble avec souplesse et fluidité, loin de l’intransigeance de certaines interprétations «baroqueuses»: Stradivaria joue sur instruments «anciens», bien sûr, avec leurs flottements prévisibles (hautbois, cuivres), mais dans l’excellente acoustique du lieu, les douze cordes ne paraissent pas étriquées.
Très développée, la Chaconne, avec sa trompette et ses timbales contribuant à une péroraison d’une pompe toute haendélienne, assure une transition idéale vers la seconde partie. Car – ironie du sort, alors que quelques gouttes de pluie commencent à tomber durant l’entracte – c’est maintenant... Water Music (1717), autre partition de circonstance associant ouverture, airs et danses. Il a même fallu ranger les partitions et recouvrir le clavecin d’une bâche, mais tout rentre finalement dans l’ordre, Daniel Cuiller ayant toutefois averti le public qu’en cas de reprise des intempéries, il serait contraint d’arrêter, afin de ne pas mettre en danger des instruments particulièrement fragiles – tel ne sera heureusement pas le cas et il pourra, à l’issue du concert, ouvrir les mains et lever les yeux vers le ciel, avant de reprendre en bis le célèbre «Alla hornpipe» de la Deuxième Suite.
Soulagés, les spectateurs ont donc pu entendre l’intégralité... d’une exécution partielle de l’œuvre de Haendel, à savoir les deux premières des trois Suites, de nouveau dans le registre d’un «baroque bien tempéré»: les Menuets sont peut-être un peu raides, mais l’Air (de la Première Suite), s’il avance à vive allure, n’est pas brusqué pour autant et la direction, plutôt que la facilité des extravagances gratuites et des ruptures spectaculaires, continue de privilégier le raffinement et l’élégance – on a rarement entendu la Bourrée et le Hornpipe (également de la Première Suite) swinguer autant!
Le site des Nuits musicales d’Uzès
Le site de Stradivaria
Simon Corley
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