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Délire collectif au Liceu

Barcelona
Gran Teatre del Liceu
07/06/2011 -  et 9* juillet 2011
Georg Friedrich Haendel : Tamerlano, HWV 18

Bejun Mehta (Tamerlano), Plácido Domingo (Bajazet), Sarah Fox (Asteria), Max Emanuel Cencic (Andronico),
Anne Sofie van Otter (Irene), Vito Priante (Leone)
Orquestra Simfònica del Gran Teatre del Liceu, William Lacey (direction musicale)


B. Mehta, S. Fox, P. Domingo, M. E. Cencic
(© Gran Teatre del Liceu/A. Bofill)



Fantastique et infatigable Plácido Domingo! Après avoir abordé le rôle de Bajazet à Madrid puis à Washington en 2008, c’est donc au Liceu de Barcelone que l’illustre ténor espagnol est venu interpréter un des plus beaux personnages du répertoire haendélien. Dans une salle archicomble, l’arrivée sur le plateau de la star du chant lyrique a soulevé un tonnerre de hourras et d’applaudissements, le public catalan vouant un véritable culte à celui qui, depuis 46 saisons maintenant, vient régulièrement se produire dans une maison qu’il dit volontiers être la plus chère à son cœur.


Certes, à soixante-dix ans, la voix met désormais un certain temps à se chauffer, mais c’est bien un chant admirablement maîtrisé – l’écriture du rôle de Bajazet, contrairement à celui de Tamerlano, étant très centrale et peu virtuose – qu’il délivre ensuite. L’intensité dans la caractérisation de son personnage est inouïe et culmine dans une agonie finale quasi susurrée qui a bouleversé puis fait délirer le public. Il réussit également le tour de force de transformer chaque récitatif – parfois fastidieux dans les opéras haendéliens – en véritable moment de théâtre grâce à un investissement dramatique de tous les instants (multipliant à l’envie gestes, postures et regards) et à une variation continue de la déclamation.


Mais aussi incroyable que cela puisse paraître, Bejun Mehta, dans le rôle-titre, a réussi à dépasser à l’applaudimètre l’icône Domingo, récoltant lors des saluts des bravos déchaînés – à tel point qu’il en a même reculé d’étonnement, réprimant par ailleurs une vive émotion devant tant d’enthousiasme. Car c’est bien une prestation vocale éblouissante que nous a offerte le contre-ténor américain avec un art consommé de la vocalise et un souffle qui nous a paru infini. La vélocité et l’arrogance avec lesquelles il a entonné le fameux «A dispetto d’un volto ingrato», transformé en feu d’artifice vocal, ont laissé le public pantois! Il convient enfin de mentionner qu’il a chanté son rôle sans partition – contrairement à ses partenaires –, ce qui lui a permis une liberté de mouvement révélant, au passage, ses formidables talents de comédien.


Troisième ravissement de la soirée, Sarah Fox (Asteria), qui a été pour nous une révélation. Dotée d’un tempérament de feu et d’une voix magnifiquement timbrée (rappelons que le rôle avait été écrit pour la fameuse Cuzzoni), la soprano anglaise sait également assouplir son émission pour émouvoir dans la déchirante aria «Cor di padre, cor d’amante» ou encore le sublime duo avec Andronico, «Vivo in te». C’est à Max Emanuel Cencic, un des contre-ténors les plus talentueux (et médiatisé) du moment, qu’était dévolu le rôle du prince grec, amant d’Asteria et allié de Tamerlano. D’une projection et d’un format vocal plus limités que son homologue américain, le chanteur croate n’en a pas moins incarné un Andronico (créé par le légendaire Senesino) très convaincant, ravissant l’auditoire par une variété dans les couleurs et une virtuosité dans les vocalises qui forcent l’admiration. Notons enfin qu’il possède un timbre assez dense pour un falsettiste.


C’est une Irene de luxe que s’est offerte le Liceu avec la présence d’Anne Sofie van Otter. Le timbre n’a rien perdu de son émail et sa technique aguerrie du chant baroque – toute de souplesse et de musicalité – fait toujours merveille. Vito Priante prête enfin sa magnifique voix de basse au personnage de Leone, complétant avec efficacité (et luxueusement!) le classique sextuor de l’opéra baroque.


Malheureusement, les choses se gâtent côté fosse. Peu rompu à ce répertoire, l’Orchestre symphonique du Liceu, sous la battue du chef anglais William Lacey, s’est montré bien avare de nuances, de couleurs et de lumière toute la soirée durant. La vigueur et les dynamiques propres aux instruments baroques ont été totalement absentes et la violence expressive du chant n’a trouvé que rarement d’écho au niveau orchestral. C’est d’autant plus dommageable que l’extraordinaire plateau vocal réuni ce soir – acclamé frénétiquement à la fin de la soirée – aurait mérité un tout autre écrin sonore!



Emmanuel Andrieu

 

 

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