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Recyclage

Compiègne
Théâtre impérial
07/08/2011 -  
Ottorino Respighi : Gli uccelli
Luciano Berio : Folk Songs
Benjamin Britten : Five French Folk Songs
Joseph Haydn : Symphonie n° 73 «La Chasse»

Wilke te Brummelstroete (mezzo)
Orchestre de Picardie, Arie van Beek (direction)




Parvenu à sa dix-neuvième année, le festival des Forêts (de Laigue et Compiègne) n’a pas attendu la mode de l’écolomania pour développer un concept innovant, consistant à faire découvrir la région qui l’accueille, en particulier ses atouts naturels, au travers de «concerts randonnées», où alternent, dans un cadre bucolique, pique-nique, marche, pause musicale, goûter et concert. Le festival est donc dans l’air du temps: voilà qui n’est sans doute pas pour déplaire à Bruno Ory-Lavollée, son président fondateur, qui peut se flatter d’une belle progression au cours des trois dernières années (+30%). Dépassé en 2010, le chiffre de 7000 spectateurs le sera sans doute beaucoup plus largement cette année, grâce à la journée de «promenades musicales» consacrée à Beethoven le 2 juillet à Compiègne.


L’édition 2011, forte d’une programmation de vingt-deux concerts autour du thème des saisons, marque la deuxième des trois années de «résidence» de Nicolas Bacri, et propose quelques nouveautés: un «village du festival» abrite notamment des «apéritifs-rencontres» et «cafés musicaux» en fin de matinée ou d’après-midi, avec divers intervenants (musiciens, musicologues et même expert forestier); en outre, le jeune public est choyé, avec des ateliers de sensibilisation artistique pour les quatre-dix ans («les p’tites zoreilles»), et des «concerts en famille» de format «plus court et ludique». Du 21 juin au 17 juillet, Michel Bouvard, Dana Ciocarlie, Billy Eidi, Amanda Favier, Laurent Korcia, le Quatuor Párkányi ou le Chœur Mikrokosmos témoignent d’une programmation soucieuse autant de diversité que de qualité.


Guère plus âgé que le festival, l’Orchestre de Picardie en demeure bien sûr l’un des partenaires fidèles. C’est en plein air au château de Pierrefonds qu’il devait se produire avec Arie van Beeek, son nouveau directeur musical depuis janvier dernier. Même s’il n’a finalement pas plu le soir, la nécessité de prendre une décision de repli dès la fin de matinée a légitimement conduit les organisateurs à jouer la prudence face aux incertitudes de la météo. C’est donc au théâtre impérial de Compiègne qu’est donné ce programme sortant des sentiers battus: bien dans l’esprit du festival, il associe quatre œuvres évoquant la nature et le terroir et qui sont en outre toutes plus ou moins fondées sur un matériau préexistant, «savant» ou populaire – du recyclage, en somme, ce qui reste en phase avec la promotion du développement durable.


Comme le fait remarquer à juste raison Bernard Boland dans des notes de programme un peu succinctes, qui, par ailleurs, omettent de fournir le détail des différents mouvements, il est dommage que la suite Les Oiseaux (1927) de Respighi soit quelque peu oubliée de nos jours. Car ces arrangements de pièces pour clavier des XVIIe et XVIIIe, dont la célèbre «Poule» de Rameau, sont pleins de charme, pour peu qu’on ne les alourdisse pas de pompe pseudo-baroque. C’est précisément ce que le chef néerlandais parvient à éviter, non seulement avec un effectif adapté (vingt-trois cordes), de qualité satisfaisante, mais en privilégiant la légèreté et la verdeur, davantage dans la lignée de Pulcinella de Stravinski que des ronflantes orchestrations de Bach qui étaient en vogue à cette époque.


Déjà à l’affiche en récital avec piano la veille à Rethondes, Wilke te Brummelstroete revient pour les onze Folk Songs (1964/1973) de Berio, arrangements encore plus libres que ceux de Respighi mais paradoxalement peut-être plus dans l’esprit des originaux. La mezzo néerlandaise manque un peu de puissance et de personnalité, mais pas de justesse ni de technique. Après l’entracte, à défaut d’être toujours très idiomatique, son français est soigneusement articulé dans les Cinq chansons populaires françaises (1946) de Britten: un travail davantage dans la veine de Canteloube que de Berio, mais dont le raffinement mérite le détour, malgré l’accueil assez mou que lui réserve le public, qui avait pourtant spontanément applaudi après «Quand j’étais chez mon père».


Après le «faux» XVIIIe de Respighi et Britten, voici enfin le vrai: comme souvent chez Haydn, le sous-titre de la Soixante-treizième Symphonie «La Chasse» (1782), particulièrement en situation à Compiègne, ne témoigne que d’un aspect anecdotique d’une œuvre dont la richesse et le caractère innovant sont par ailleurs considérables: Allegro initial avec ses silences et son rythme de quatre notes déjà beethovénien, Andante où le compositeur commente l’un de ses propres lieder et où le premier violon improvise de brèves cadences sur les points d’orgue. Le Menuet est à l’image d’une interprétation robuste et franche, mais enlevée. Double recyclage pour conclure, puisque le finale, qui s’achève perdendosi et pianissimo, est en réalité l’Ouverture de l’opéra La fedeltà premiata, créé l’année précédente, et qu’il fait entendre une authentique sonnerie de chasse, «L’ancienne vue», ainsi que le rappelle Arie van Beek avant de bisser la coda.


Le site du festival des Forêts
Le site de Wilke te Brummelstroete
Le site d’Arie van Beek
Le site de l’Orchestre de Picardie



Simon Corley

 

 

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