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Les raretés de la Sorbonne

Paris
Sorbonne (Grand amphithéâtre)
06/28/2011 -  
Félicien David : Symphonie n° 1: Andante (restitution Muriel Boulan) (création)
Ludwig van Beethoven : Cantate auf den Tod Kaiser Joseph des Zweiten, WoO 87
Karol Beffa : Tango (création française) (*)
Franz Liszt : Totentanz

Magali Léger (soprano), Alain Buet (baryton), Guillaume Vincent (piano)
Chœur de l’Université Paris-Sorbonne, Philippe Mazé (chef de chœur), Orchestre de l’Université Paris-Sorbonne, Johan Farjot, Karol Beffa (*) (direction)


G. Vincent (© Jean-Baptiste Millot)


Le Chœur et l’Orchestre de l’Université Paris-Sorbonne concluent leur saison en même temps que les manifestations culturelles et scientifiques organisées pour marquer les quarante ans des universités de Paris par un concert au programme une fois de plus tout à fait stimulant. Bien qu’un avant-concert ait déjà été préalablement proposé au public, Jean-Yves Vincent, commissaire de l’«Année Liszt en France», se lance de nouveau dans une introduction, tentant avec habileté de trouver le fil rouge qui parcourrait l’ensemble du programme. Puis Muriel Boulan vient présenter plus en détail la première œuvre: c’est à elle en effet qu’on doit la restitution de cet Andante de la Première Symphonie (1837) de Félicien David (1810-1876). Car si sa renommée est fondée sur Le Désert, «ode-symphonie» orientalisante sui generis, le saint-simonien fut aussi l’un de ceux qui, avec Farrenc, Onslow et Reber, contribuèrent avant la IIIe République à l’essor en France de la symphonie – du moins, à la différence notable de Berlioz, de celle inspirée du modèle germanique –, aspect assez peu connu sur lequel, précisément, la musicologue vient de soutenir sa thèse au début du mois.


Et il s’agit ici rien moins que d’une création, ainsi qu’elle l’explique également dans le programme de salle, documenté de façon exemplaire: les vicissitudes de la vie symphonique parisienne en ces temps-là ont maintenu dans l’ombre cette partition, qui n’a pas dépassé le stade des premières répétitions, la société qui devait en donner la première ayant périclité avant d’avoir été en mesure de la mettre à l’affiche. Comme les trois autres symphonies de David, elle adopte la coupe classique en quatre mouvements, le deuxième faisant donc office de mouvement lent. Cet Andante, en fa mineur (alors que la symphonie est en fa majeur) mais comprenant, selon le traditionnel schéma A/B/A’, une partie centrale dans le ton majeur, donne envie d’entendre le reste: comme chez Bizet ou Gounod quelques années plus tard, les références sont moins Beethoven que Schubert ou Mendelssohn – on pense parfois au deuxième mouvement de l’Italienne – mais la grandeur et l’inspiration mélodique, au travers d’une sorte de thème populaire, se mêlent avec succès, dans une orchestration soignée où l’on remarque la présence de trois trombones.


Autre curiosité, la Cantate sur la mort de l’Empereur Joseph II (1790) a attendu près d’un siècle pour une création elle aussi posthume, à l’instigation du critique Eduard Hanslick. Tragédie et consolation alternent de manière certes assez convenue au fil des sept numéros – le premier consistant en fait en la reprise littérale du premier – mais Beethoven, qui n’a alors pas encore vingt ans, y montre déjà qu’il a parfaitement assimilé Mozart et Haydn et qu’il possède une indéniable personnalité. Au point de pouvoir réemployer quinze ans plus tard sans grandes modifications et dans la même tonalité de fa le thème qui ouvre l’air de soprano avec chœur, confié au même hautbois solo dans le Finale du second acte de Fidelio, lorsque Léonore ôte ses chaînes à Florestan. Et, quoique de façon moins littérale, l’atmosphère du chœur introductif et conclusif évoque aussi celle de l’introduction orchestrale de ce second acte. S’attachant à éviter la monotonie d’une expression uniformément compassée, Johan Farjot, directeur musical de l’orchestre, bénéficie en outre de l’excellente contribution de deux de ses partenaires d’élection, la soprano Magali Léger le baryton Alain Buet, et d’un chœur, fort bien préparé par Philippe Mazé, qui prouve de nouveau qu’on peut sortir avec bonheur du Requiem de Mozart ou des Carmina burana.


Arrangeur et interprète d’un disque «Café 1930» (Zig-Zag Territoires) enregistré par l’Ensemble Contraste, dont il est le pianiste, Johan Farjot partage avec Karol Beffa une passion pour le tango. D’où... Tango (2010), commande présentée l’hiver dernier lors d’une tournée en Chine: autre première parisienne, les débuts du compositeur comme chef d’orchestre – brève apparition pour ces cinq minutes se conformant à la mélancolie langoureuse du genre et où le chœur (sans paroles) vient colorer une formation orchestrale restreinte (apparemment identique à celle de la cantate), au sein de laquelle le violon solo de Florin Szigeti est particulièrement mis à l’honneur.


Pour couronner cette soirée, la Danse macabre de Liszt en fédère les thématiques funèbre et chorégraphique: troisième grand prix au concours Long-Thibaud (2009), Guillaume Vincent (né en 1991) a l’âge du Beethoven de la cantate, et déjà aussi une forte personnalité, notamment fondée, nonobstant quelques scories, sur une technique spectaculaire. Quant à l’usage qu’il en fait, c’est une autre question. Malgré l’acoustique très réverbérée du grand amphithéâtre, il parvient à conserver une sonorité sèche et même à épargner à l’auditeur le vacarme prévisible. Mais il accélère et ralentit sans cesse le tempo comme un yoyo, d’une manière excentrique et incohérente, de telle sorte que l’ensemble finit par lasser et agacer par son caractère décousu. On ne peut donc reprocher au chef, à la tête d’un orchestre à l’effectif un peu différent de la nomenclature usuelle (trombone au lieu du tuba, une seule trompette et, semble-t-il, pas de cymbales ni piccolo), de ne pas toujours arriver à suivre le soliste et à éviter les décalages. Après avoir rejoué toute la seconde partie (à partir du fugato), le pianiste français offre son bis favori, la Sixième Rhapsodie hongroise (1853): oui, décidément, il sait réaliser de belles choses mais a tendance à se laisser entraîner par sa facilité, ce que confirme son second bis, l’«Elégie», premier des cinq Morceaux de fantaisie (1892) de son compositeur de prédilection, Rachmaninov.


Le site de Magali Léger
Le site de Philippe Mazé



Simon Corley

 

 

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