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Enlevé Paris Théâtre des Champs-Elysées 06/20/2011 - Wolfgang Amadeus Mozart : Die Entführung aus dem Serail, K. 384
Eva Mei (Konstanze), Wesley Rogers (Belmonte), Kurt Rydl (Osmin), François Piolino (Pedrillo), Hendrickje Van Kerckhove (Blondchen)
Chorus Musicus Köln, Das Neue Orchester, Christoph Spering (direction)
E. Mei
Le «festival Mozart» du Théâtre des Champs-Elysées, qui se prolongera durant les trois saisons à venir échoit à Jérémie Rhorer et à son Cercle de l’harmonie: ils donnent ainsi en ce mois de juin un Idoménée mis en scène par Stéphane Braunschweig puis un programme de musique religieuse, mais d’autres chefs et ensembles n’en ont pas moins toujours droit de cité dans Mozart avenue Montaigne. Ainsi de Christoph Spering et Das Neue Orchester, qu’on avait plutôt associés jusqu’à présent à d’autres répertoires, comme la Passion selon saint Jean en mars 2008.
Pour cette version de concert (surtitrée pour les parties chantées) de L’Enlèvement au sérail (1782), les dialogues parlés sont réduits au strict minimum – parfois, non sans effet comique, en français ou en anglais – et le rôle du pacha est supprimé, à l’exception de sa phrase ultime qui tire la morale de l’histoire, énoncée par le chef se tournant pour ce faire vers la salle. Le tout est donc resserré en une heure et cinquante minutes, avec un entracte entre les deuxième et troisième actes dont la justification ne saute pas aux yeux.
Si Bach a laissé un souvenir mitigé, tel n’est pas le cas de ce Mozart auquel les spectateurs font fête. Malgré des bois encore un peu fragiles, l’ensemble fondé en 1988 par Spering reste dans la bonne moyenne des formations équivalentes. De plain-pied face à son petit effectif (dix-neuf cordes), le chef allemand bondit et a sans cesse du peps à revendre: on aura rarement entendu un soutien aussi sauvage aux imprécations d’Osmin. Le revers de la médaille, dans cet Enlèvement très enlevé mais qui ne ravit pas tout à fait, est qu’il a tendance à précipiter le tempo, ne fait guère respirer le phrasé et laisse les percussions «turques» dominer les autres instruments.
Si le spectacle vit, c’est aussi que les chanteurs, en frac ou robe de soirée mais tentant certains jeux de scène, ne sont pas encombrés de la partition – même les dix-neuf membres du Chorus Musicus de Cologne, pour leurs deux brèves interventions. Le colorature d’Eva Mei possède la solidité de l’acier, mais aussi son tranchant et, même si le timbre n’est pas tout à fait régulier sur l’ensemble de la tessiture, la soprano italienne réussit un «Marter aller Arten» particulièrement spectaculaire, qui fait de Constance une véritable combattante. En Belmonte, Wesley Rogers constitue une heureuse découverte: timbre homogène et rond, soin apporté à la diction font largement oublier un phrasé pas toujours élégant et des vocalises un peu forcées dans son air «Ich baue ganz auf deine Stärke» au dernier acte. Les domestiques, dans leur registre, convainquent tout autant, que ce soit l’agile Pedrillo du Suisse François Piolino ou la piquante Blondine de Hendrickje Van Kerckhove, remplaçant Anna Palimina, souffrante: a-t-on perdu au change avec cette voix à la projection certes limitée, mais très naturelle et plaisante? Enfin, l’Osmin de Kurt Rydl se révèle aussi problématique que son Rocco dans Fidelio, également en version de concert, en février dernier en ce même lieu: présence théâtrale qui épate la galerie (et qui n’épargne pas le chef, pris à partie), même s’il finit par lasser à rouler des yeux furibonds, puissance, truculence et parfaite connaissance de l’un de ses rôles de prédilection peinent à compenser une prestation vocalement médiocre, la frontière entre chanté et parlé devenant souvent difficile à distinguer.
Le site de Kurt Rydl
Le site de François Piolino
Simon Corley
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