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L’été est en avance Paris Théâtre des Champs-Elysées 05/24/2011 - Nicolas Bacri : Concerto luminoso «L’Eté», opus 80 n° 4 (création) – Three Love Songs, opus 96
Felix Mendelssohn : Ein Sommernachtstraum, opus 21 et 61 (extraits)
François Leleux (hautbois), Lise Berthaud (alto), Marc Coppey (violoncelle), Sandrine Piau (soprano), Isabelle Druet (mezzo)
le jeune chœur de paris, Henri Chalet (chef de chœur), Ensemble orchestral de Paris, Joseph Swensen (violon et direction)
F. Leleux (© Uwe Arens/Sony Classical)
Pour son dernier concert de la saison au Théâtre des Champs-Elysées, l’Ensemble orchestral de Paris (EOP) a près d’un mois d’avance sur le calendrier, puisqu’il a choisi de célébrer l’été. D’abord avec Nicolas Bacri, qui achève sa seconde année de «compositeur associé», avant d’être l’invité d’honneur du festival Jeunes talents en juillet à l’hôtel de Soubise et tout en poursuivant sa «résidence» au festival des Forêts (2010-2012). C’est d’ailleurs avec ce festival que l’EOP lui a commandé son Concerto luminoso «L’Eté», conclusion d’une série de quatre concertos pour différents instruments et orchestre à cordes entamée en 2000 avec l’automne («nostalgico»), puis le printemps («amoroso») et l’hiver («tenebroso»). Codédicataire de chacune de ces œuvres, François Leleux y était successivement associé au violoncelle, au violon et à l’alto: en forme de quadruple concerto, la quatrième et dernière partie de cet Opus 80 rassemble le hautbois et les trois instruments à cordes. Par commodité, Bacri a prévu une «version B» alternative où le hautbois est seul soliste, mais à l’occasion de cette création, il est entouré de Lise Berthaud, Marc Coppey, et, bien sûr, de Joseph Swensen, premier chef invité et conseiller artistique de l’EOP.
Comme celui de Vivaldi, et malgré la «luminosité» que suggère son titre, l’été de Bacri n’apparaît pas immédiatement clair et radieux, mais ainsi qu’il l’explique lui-même, «la lumière, selon moi, a besoin de l’obscurité pour se manifester, en tout cas lorsqu’il s’agit, comme ici, d’une métaphore». De fait, le premier thème, marqué Adagio appassionato, installe une atmosphère sombre et sévère, dans un unisson qui évolue ensuite vers un fugato. Entre chaconne et passacaille, au fil de ces onze minutes d’un seul tenant, les éclaircies sont rares, mais le caractère demeure sans cesse lyrique, résolument néoromantique, évoquant tour à tour Chostakovitch ou Barber. Mais c’est un éclatant ut majeur – forcément – qui l’emporte, «proclamation obstinée» d’accords répétés.
De même durée, mais faisant appel à un effectif légèrement augmenté (six bois, cors, harpe, percussion et cordes), les Three Love Songs (2005), dédiées à la mémoire de Jean-Louis Florentz, s’insèrent sans peine dans ce programme estival, tant on s’imagine sans peine avoir le plaisir de les déguster dans la fraîcheur de l’ombre, à la faveur d’une délicieuse sieste. Bacri a sélectionné des textes (traduits en anglais) de Jalâl al-Dîn Rûmi (1207-1273), poète mystique persan dont Szymanowski s’est également inspiré pour sa Troisième Symphonie «Chant de la nuit». Szymanowski mais aussi Martinů et, pour rester dans la langue des textes chantés, Vaughan Williams ou Holst: la partition aurait fort bien avoir été composée près d’un siècle plus tôt. On peut s’en agacer, mais aussi se laisser tenter par cette sensuelle et paisible invitation, portée par une orchestration raffinée et séduisante. Remplaçant Patricia Petibon, qui, si elle n’a pas créé ces mélodies, les a déjà défendues en différentes occasions, Sandrine Piau ne brille toujours pas par la puissance ou par le soin apporté à la diction, mais malgré un temps de préparation qu’on imagine très court, n’en frappe pas moins par sa justesse, notamment dans les aigus, et par son engagement expressif.
L’été et l’amour – la seconde partie du concert allait de soi, avec de larges extraits du Songe d’une nuit d’été (1826/1843): l’Ouverture et les quatre principaux morceaux purement orchestraux – souvent regroupés sous forme de suite (Scherzo, Intermezzo, Nocturne, «Marche nuptiale») – mais aussi le duo avec chœur, la brève «Danse des clowns» et le Finale (mezzo et chœur). La soirée n’offrant qu’à peine plus d’une heure de musique, il aurait théoriquement été possible de donner l’intégralité des douze numéros. Toutefois, outre le fait que la plupart des autres morceaux, sinon peut-être la plaisante et parodique «Marche funèbre» pour clarinette, basson et timbales, se présentent sous la forme de fragments difficiles à apprécier hors de leur contexte théâtral, ces quarante minutes offrent l’essentiel de ce que Mendelssohn a écrit pour la pièce de Shakespeare. C’est précisément bien comme une musique de scène que Swensen, à la tête d’un EOP instrumentalement toujours aussi inégal, aborde ces différents extraits: avec sa gestuelle expansive et même envahissante, il fait ressortir les aspects descriptifs et fantastiques (Scherzo, Intermezzo), davantage que la poésie du Nocturne, mais n’alourdit pas la Marche par un excès de solennité. Aux côtés de Sandrine Piau, Isabelle Druet impose une voix plus charnue, qui se projette en outre avec aisance. Partenaire de l’EOP, accentus donnera le 9 juin à la Cité de la musique l’oratorio inachevé Christus et plusieurs autres pages chorales de Mendelssohn sous la direction de Laurence Equilbey, mais les deux brèves interventions chorales sont ici confiées à dix-huit chanteurs du jeune chœur de paris, c’est-à-dire du département supérieur pour jeunes chanteurs du CRR de Paris, une structure qu’elle a fondée et dirigée jusqu’à l’année passée.
Simon Corley
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