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Haute exigence

Paris
Théâtre de la Ville
05/14/2011 -  
Franz Liszt : La lugubre gondola
Gabriel Fauré : Sonate pour violoncelle et piano n° 2, opus 117
Ludwig van Beethoven : Sonate pour violoncelle et piano n° 5, opus 102 n° 5
Robert Schumann : Adagio et Allegro, opus 70
Ernö Dohnányi : Sonate pour violoncelle et piano, opus 8

Miklós Perényi (violoncelle), Dénes Várjon (piano)


M. Perényi (© Andrea Felvégi)


A soixante-trois ans, Miklós Perényi n’est pas près d’attraper la grosse tête et de se départir de sa sobriété coutumière, qui caractérise également le programme exigeant, original et varié, quoiqu’exclusivement romantique et postromantique, qu’il propose aux spectateurs du Théâtre de la Ville avec Dénes Várjon (né en 1968), un autre habitué du lieu: une première partie consacrée à des pages ultimes de grands compositeurs, pas nécessairement réputées faciles d’accès, puis une seconde partie offrant l’occasion de découvrir une partition rarement donnée.


Grâce à l’adaptation qu’en réalisa le compositeur lui-même, La lugubre gondole (1883) permet aux violoncellistes de participer aux festivités de l’année Liszt et l’on comprend aisément que Perényi et Várjon aient ainsi souhaité rendre hommage à l’un de leurs compatriotes: glaciale et hypnotique jusqu’à la pétrification, sans la moindre surcharge émotionnelle, leur interprétation situe d’emblée le niveau élevé de leur récital. L’archet pudique du violoncelliste hongrois convient idéalement à l’expression contenue de la Seconde Sonate (1921) de Fauré: économe en vibrato, authentique et sans artifices, jouant davantage sur l’intimisme que sur la puissance, il s’accorde parfaitement avec un clavier agile et léger, qui conserve le bon équilibre entre accompagnement trop discret et personnalité trop affirmée. Nette et sans fioritures, la Cinquième Sonate (1815) de Beethoven, l’autre «grand sourd» de la musique, leur convient tout aussi bien, particulièrement dans l’Adagio con molto sentimento d’affetto, d’une très haute tenue.


Durant le très bref entracte, une fidèle du Théâtre de la Ville observe, faisant allusion comme à regret à la fougue du violoniste italien, que «c’est pas Fabio Biondi». Et pas davantage Rostropovitch, Maisky ou Kniazev, car le style et la manière d’être de Perényi tiennent bien plus d’un autre grand Hongrois, Janós Starker. Dans le diptyque Adagio et Allegro (1849) de Schumann, que les violoncellistes n’ont pas tardé à «voler» aux cornistes et qui fait ici presque figure de «tube», son refus du spectaculaire s’impose tout particulièrement dans la partie lente, avec cette sonorité sans vibrato ni raclements, ni frêle ni même immatérielle, mais simplement pure et sensible.


Pour conclure, Perényi a choisi la Sonate (1899) de Dohnányi, dont le cinquantenaire de la mort, en 2010, est passé inaperçu et dont la musique de chambre n’est aujourd’hui guère plus représentée à l’affiche – dans le meilleur des cas – que par la Sérénade pour trio à cordes. D’une durée d’un peu plus de vingt minutes, les trois mouvements semblent s’engager dans un déroulement traditionnel, avec un Allegro ma non troppo sous influence brahmsienne suivi d’un Scherzo virtuose en notes répétées, mais si la qualité de la facture, notamment servie par une partie de piano d’une grande richesse qui met en valeur le talent de Várjon, semble parfois jusqu’alors prendre le pas sur celle de l’inspiration, le compositeur, alors âgé de seulement vingt-deux ans, réserve pour le Finale la surprise d’une forme unitaire héritée de Liszt: s’ouvrant sur un bel Adagio, il s’enchaîne sans interruption sur un thème, dérivé de celui du premier mouvement et faisant l’objet de neuf variations, dont certaines font allusion aux éléments précédemment exposés dans l’œuvre.


Perényi montre qu’il n’est point nécessaire de céder à la facilité et de caresser le public dans le sens du poil pour recevoir un accueil très chaleureux, qui se poursuit encore longuement après le bis, l’arrangement de la «Sicilienne» tirée de la musique de scène de Pelléas et Mélisande (1898) de Fauré, d’une douceur et d’une nostalgie infinies.



Simon Corley

 

 

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