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Sans intérêt

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
05/06/2011 -  
Maurice Ravel : Alborada del gracioso – Concerto en sol
Gustav Mahler : Symphonie n° 1

Fazil Say (piano)
Dresdner Philharmonie, Rafael Frühbeck de Burgos (direction)


R. Frühbeck de Burgos (© Steve J. Sherman)



Quatre jours avant la Staatskapelle, c’est également au Théâtre des Champs-Elysées que se produit la Philharmonie de Dresde: quelque peu relégué dans l’ombre de l’ancienne et prestigieuse phalange saxonne, l’orchestre, fondé en 1870, a compté parmi ses directeurs musicaux Masur (1967-1972), Herbig (1972-1976), Kegel (1977-1985), Plasson (1994-2001) et Janowski (2001-2004) – c’est avec ce dernier qu’il est venu pour la dernière fois à Paris, voici un peu plus de dix ans. Depuis lors, c’est Rafael Frühbeck de Burgos qui préside à ses destinées: laissant à son tour la place à Michael Sanderling à compter de la saison prochaine, il succédera à Thomas Dausgaard pour devenir à la rentrée 2012 chefdirigent de l’Orchestre symphonique de la Radio danoise, avec lequel il a signé pour trois ans.


Le chef espagnol, venu régulièrement dans la capitale ces dernières années, notamment avec l’Orchestre de Paris qu’il dirigeait encore début janvier, conclut son mandat dresdois en accomplissant deux tournées avec l’orchestre: avant la Chine et le Japon du 15 juin au 2 juillet, c’est la Suisse, France et l’Allemagne du 4 au 9 mai, et ce à un rythme soutenu – un concert chaque jour – nonobstant ses soixante-dix-huit ans qu’il fêtera en septembre prochain. Il n’y a hélas guère qu’un bon solo de basson – et non pas, semble-t-il, de fagott – à mettre à l’actif d’un Alborada del gracioso (1905/1918) obéré, pour le reste, par une qualité instrumentale insuffisante pour rendre justice au génie ravélien de l’orchestration, par une direction lente et pesante et par une mise en place médiocre – peut-être en raison d’une battue dont on comprend que les musiciens, aussi familiers en soient-ils, puissent avoir quelque mal à la décrypter.


Première étape de cette tournée, Lucerne a sans doute eu plus de chance que les villes suivantes, puisque c’est Lise de la Salle qui y était la soliste du Concerto en sol (1931): Paris, comme Cologne, Merzig et Francfort, doit se contenter de Fazil Say. Car que peut-on bien lui trouver? Le toucher est dur, le phrasé raide, la technique moyenne, les couleurs ternes, et on sent chez lui la tentation permanente de faire cavalier seul: image cocasse que celle d’un Frühbeck de Burgos sur ses gardes, le surveillant comme le lait sur le feu et le toisant à plusieurs reprises du regard et de la baguette pour bien s’assurer que ce ludion qui fait mine de conduire un orchestre imaginaire dès qu’il a une main libre restera bien dans le rang, sans d’ailleurs parvenir à éviter tous les décalages. Certes moins clownesque et excessif qu’à l’accoutumée, sinon dans ses gestes, poses, marmonnements et mimiques superflus, le pianiste turc, manches retroussées et partition sous le nez, n’a pas pour autant renoncé à surjouer: si, dans l’Allegramente, il fait entendre ici Prokofiev, là Gershwin, ses pâmoisons de jeune fille avant chaque temps fort de l’Adagio assai ne peuvent qu’agacer, surtout lorsqu’elles apparaissent en fin de compte comme la seule idée destinée à donner à vie cette page sublime. Le Presto final, bien prudent et pataud, confirme toutefois que la bonne surprise vient plutôt de l’orchestre: davantage encore que le cor anglais, tout à fait honorable, la harpe, le cor et, surtout, la trompette (à palettes) tirent remarquablement leur épingle du jeu.


En bis, Say prolonge le fil de cette première partie ravélienne, avec le «Modéré» initial de la Sonatine (1905), pianistiquement plus satisfaisant, puis passe à ce qu’il fait finalement le moins mal, avec une fantaisie tout de son cru sur «Summertime» de Porgy and Bess (1935) de Gershwin – même si, dans ce registre de «classique jazzy», on est en droit de préférer les acrobaties d’un Nikolaï Kapustin. Phénomène rare: alors que les lumières ont été rallumées et que les musiciens ont regagné les coulisses depuis longtemps, les applaudissements d’un irréductible fan club se poursuivent, réclamant – en vain – le retour de la star.


Plutôt que la Première Symphonie de Brahms, choisie pour trois des concerts de la tournée... et que la Staatskapelle fera entendre quatre jours plus tard en ce même lieu avec Christoph Eschenbach, c’est la Première (1888) de Mahler qui occupe toute la seconde partie de la soirée. Il y a un peu plus de trente ans, Kegel en a enregistré avec la Philharmonie une version aussi splendide qu’atypique (Berlin Classics), mais s’agit-il vraiment du répertoire de prédilection de Frühbeck de Burgos, qui, bien que d’origine allemande, demeure davantage associé à la musique espagnole et française, voire russe? Il est permis d’en douter, tant sa lecture semble dénoter un manque d’intérêt et d’affinités avec cette œuvre, et ce dès le premier mouvement, éteint et prosaïque, manquant de tension et d’urgence: après cette mise en route bien laborieuse pour les vents – hormis les trompettes, toutefois déjà présentes sur scène dès l’introduction lente, contrairement à ce que recommande la partition – et ce réveil bien timide de la nature, le scherzo, pachydermique et dépourvu de charme, finirait presque sinon par fasciner du moins par intriguer tant il se refuse à toute séduction. Privilégiant toujours la sagesse sur le caractère, le troisième mouvement offre cependant enfin un peu de poésie, mais le Finale demeure littéral et routinier, quand le texte n’est pas dénaturé, comme dans la coda, plus pompeuse que triomphale: conformément aux souhaits de Mahler, les sept cornistes se lèvent certes pour entonner le chant victorieux, mais se rassoient bien vite, ultime illustration d’une vision lasse et fatiguée, dépourvue d’élan et d’enthousiasme.


L’accueil n’est est pas moins triomphal et récompensé par deux intermezzos que le chef prend la peine d’annoncer: celui situé entre les deux premiers tableaux de l’opéra Goyescas (1915) de Granados, puis celui tiré de l’une des innombrables zarzuelas de Gerónimo Giménez (1854-1923), Le Mariage de Luís Alonso (1897). Comme quoi une musique mineure bien interprétée vaut décidément cent fois mieux qu’un chef-d’œuvre traité par-dessous la jambe. Mais le dernier mot n’en revient pas moins à un spectateur aussi impitoyable qu’avisé: «Les zarzuelas, c’est vraiment pas fait pour les orchestres symphoniques teutons» – de fait, Dresde, la «Florence de l’Elbe», n’est pas près de devenir la «Séville de Saxe».


Le site de l’Orchestre philharmonique de Dresde
Le site de Fazil Say



Simon Corley

 

 

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