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Inauguration lisztienne

Paris
Salle Colonne
04/26/2011 -  
Frédéric Chopin : Polonaise-Fantaisie, opus 61 – Nocturne, opus 15 n° 3 – Ballade n° 4, opus 52
Franz Liszt : Sonate en si mineur

Jean-Philippe Collard (piano)




Une nouvelle salle de concerts dans la capitale? Qu’on se rassure: il ne s’agit pas de quelque autre «auditorium» radiophonique ou «Philharmonie de Paris» dont la future fréquentation serait sujette à inquiétude, mais du studio Akustica: désormais baptisé «Salle Colonne», il a en effet été acquis en 2010 par l’Orchestre Colonne (qui l’avait inauguré en 1937) pour en faire son espace de répétition – en témoignent sur le côté une harpe Salvi sous sa housse purpurine et quelques malles métalliques. Situés boulevard Auguste-Blanqui, ces près de 400 mètres carrés (dont 90 pour la scène) sont certes proches du Val-de-Grâce ou du temple Saint Marcel, mais ils se trouvent dans un arrondissement (le XIIIe) où l’offre musicale, pour le moins aléatoire, semblait s’être limitée jusqu’à présent aux solistes de l’Ensemble orchestral de Paris au Théâtre 13 et à l’Ensemble Aleph au Théâtre Dunois.


Pour inaugurer cette ouverture au public, du 4 avril au 11 mai, carte blanche a été accordée à Jean-Philippe Collard, partenaire fidèle de l’Orchestre Colonne (voir par exemple ici et ici): il a choisi de donner vingt et un récitals d’environ une heure (sans entracte), partagés le cas échéant avec ses amis Michel Béroff, Emmanuelle Bertrand, Henri Demarquette, Augustin Dumay et Bruno Rigutto. A soixante-trois ans, il n’a pas encore jeté son piano au fond d’un lac et n’a pas renoncé au carrousel des invitations dans les lieux les plus prestigieux, mais il ne dissimule pas son plaisir de pouvoir se produire dans un contexte plus intime et décontracté, comme chez lui, col ouvert, sur son Steinway personnel, tout en se voyant – tel Liszt, créateur de la forme moderne du récital – comme un émissaire de la musique à faire partager et aimer au public. Il s’y emploie activement, déambulant dans toute la largeur pour pallier l’absence de programme de salle et présenter les œuvres en termes clairs, simples et exacts, et arborant un large sourire lorsqu’il découvre parmi les spectateurs des visages familiers – Jacques Chancel, qui l’accueillit à maintes reprises en son Grand échiquier, ou bien Pierre Douglas, grand mélomane devant l’Eternel.


Impossible d’éviter en 2011 le bicentenaire de Liszt: Collard conclut chacun de ces concerts avec la Sonate en si mineur (1853), dont l’enregistrement qu’il a réalisé voici près de vingt ans pour EMI vient d’être réédité. Au fil des soirées, il l’associe le plus souvent à un ou deux autres compositeurs, ses deux grands contemporains (Chopin, Schumann) ou bien aussi ses cadets français (Fauré, Debussy, Ravel) et russes (Moussorgski, Scriabine). Ainsi de cette entrée en matière consacrée à Chopin, avec l’intimidante Polonaise-Fantaisie (1846), servie par un jeu sonore et coloré, puissant mais sans brutalité, déjà lisztien, à l’occasion, dans ses emportements et sa démesure, jusqu’à ce dernier accord tranchant comme «un coup de poignard». Car Collard met dans son interprétation toute la «souffrance», la «nostalgie» et la «virilité» qu’il évoque ensuite dans son intervention à bâtons rompus. Le placement de l’instrument en contrebas de la scène, de plain-pied avec les rangs de chaises pliantes, ne favorise pas l’aspect visuel du spectacle, mais l’acoustique se révèle en revanche globalement satisfaisante, naturelle quoiqu’un peu trop réverbérée dans les forte. Il est vrai que le pianiste français n’est pas avare de pédale, de même que dans le dernier des trois Nocturnes de l’Opus 15 (1833) puis dans la Quatrième Ballade (1842), enchaînés sans interruption, tout aussi douloureux et flamboyants.


Jean-Yves Clément est l’homme de la situation pour brosser un portrait croisé de Chopin et Liszt puis introduire la Sonate en si mineur: non seulement il est à la fois directeur artistique du festival de Nohant depuis 1995 et commissaire de l’«Année Liszt en France», mais son élocution virtuose et précise n’a rien à envier au brio lisztien. On se plaît à penser que Collard tire profit de ce «concept» original de récital pour jouer la partition de façon très différente d’un soir à l’autre et prendre des risques: en tout cas, c’est un sentiment de liberté qui prédomine dans cette approche rhapsodique et spectaculaire à souhait, fantasque et dantesque, faustienne et méphistophélique, plus physique que métaphysique, n’éludant jamais le défi digital, le plus souvent relevé avec succès malgré des tempi parfois insensés. En bis, il annonce un «Liebeslied» de Schumann, qui n’est autre que l’arrangement (1848) par Liszt de «Widmung», qui ouvre le cycle Myrthen (1840).


Le site de la salle Colonne



Simon Corley

 

 

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