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Une grande spinto verdienne

Bordeaux
Grand Théâtre
04/15/2011 -  et 17, 18*, 19, 20, 22, 25, 26, 27, 29 avril 2011
Giuseppe Verdi : Il trovatore

Elza van den Heever*/Leah Crocetto (Leonora), Giuseppe Gipali*/Gaston Rivero (Manrico), Elena Manistina /Veronica Simeoni (Azucena), Alexey Markov*/Lionel Lhote (Le Comte de Luna), Eric Martin-Bonnet (Ferrando), Humberto Ayerbe-Pino (Ruiz), Eve Christophe-Fontana (Ines)
Chœur de l’Opéra National de Bordeaux, Alexander Martin (chef de chœur), Orchestre National Bordeaux-Aquitaine, Emmanuel Joel-Hornak (direction musicale)
Charles Roubaud (mise en scène), Jean-Noël Lavesvre (décors), Katia Duflot (costumes), Marc Delamézière (lumières)


(© Guillaume Bonnaud)


C’est avec un vrai plaisir que nous retrouvons ce soir au Grand Théâtre de Bordeaux cette production du Trouvère, signée Charles Roubaud, après avoir assisté à sa création à Marseille en octobre 2003 puis à nouveau à Toulon en octobre 2006 (où Gipali incarnait déjà Manrico). Si on a connu Roubaud plus inspiré en termes de direction d’acteurs, ceux-ci étant bien souvent laissés à leurs inégales ressources, il faut féliciter le metteur en scène marseillais d’avoir su régler un spectacle particulièrement lisible dans les nombreuses situations qui émaillent un opéra dont l’intrigue est singulièrement alambiquée. Transposée à l’époque du Risorgimento, l’action se déroule dans des décors (signés Jean-Noël Lavesvre) à la fois esthétisants, monumentaux et étouffants qui accentuent, au fur et à mesure des différents tableaux, l’enfermement des protagonistes en même temps que leur funeste destin. Les superbes costumes de Katia Duflot concourent au même effet, la robe de satin clair d’une Leonora amoureuse à l’acte I faisant vite place à des tulles noirs. L’impact visuel le plus saisissant est cependant le fait des subtils et dramatiques éclairages, tout en clair-obscur, de Marc Delamézière. Ils imprègnent durablement la rétine des spectateurs et sont indéniablement pour beaucoup dans la réussite visuelle du spectacle.


Triomphatrice de la soirée, la Leonora de la soprano sud africaine Elza van den Heever envoûte. Révélée ici même dans le rôle d’Elettra (Idomeneo) en 2008 et tout dernièrement dans celui du Compositeur d’Ariadne auf Naxos, elle effectue là une prise de rôle qui restera dans les mémoires. Dotée d’une véritable voix de spinto verdien, type vocal si rare aujourd’hui, le timbre semble inépuisable de ressources. Elle s’avère aussi à l’aise dans la vocalisation rapide des cabalettes que dans les longues phrases quasi belliniennes. En plus d’une technique vocale sans faille, elle possède un aigu souverain, des graves capiteux et un medium corsé, les registres étant par ailleurs parfaitement soudés. L’actrice n’est pas en reste avec une présence d’un rare magnétisme ainsi qu’un jeu scénique d’un ardent dramatisme et d’une constante dignité qui électrisent et émeuvent tour à tour. Bref, un vrai et grand talent à suivre (qu’on rêverait d’entendre dans le rôle d’Hélène des Vêpres siciliennes!)


Plus lyrique que dramatique, le Manrico de Giuseppe Gipali n’enthousiasme pas moins, vocalement parlant. Une ligne de chant remarquable et un legato parfait sont les principales qualités du ténor albanais, en plus d’un timbre des plus séduisant. Il compense un organe qui manque peut-être de volume dans les ensembles par une vaillance et une projection méritoires, les aigus se montrant fort brillants. Il se permet le luxe d’émettre les deux contre-ut au terme du «Di quella pira», quand nombre de ses collègues ne s’acquittent que d’un seul. L’acteur est, en revanche, plus «limité», manquant d’aura et usant d’une gestique de convention qui détonne d’autant plus qu’il a, à ses côtés, une partenaire qui brûle les planches.


Dans le rôle d’Azucena, la mezzo russe Elena Manistina évolue sur les mêmes hauteurs. A un formidable investissement dramatique, elle allie une voix d’une largeur remarquable, dont l’éclat et le registre grave impressionnent. Elle s’appuie, par ailleurs, sur une technique suffisamment aguerrie pour contrôler son émission et délivrer dans son dernier duo avec Manrico un chant estatico di grazia, un des moments les plus forts d’une soirée qui n’en a pas été avare. Le baryton Alexey Markov se situe un cran en dessous de ses partenaires du fait d’une émission parfois engorgée et d’intonations qui trahissent souvent ses origines slaves. Le fameux air «Il balen del suo sorriso» manque également d’une conduite plus châtiée de la ligne. La voix n’en est pas moins d’un beau métal, avec tout le mordant exigé par ce rôle de méchant dont il dessine un portait très crédible. Habituée du Grand Théâtre, la basse française Eric Martin-Bonnet campe un Ferrando convaincant, bien chantant et bon comédien. Les seconds rôles sont fort bien tenus par Humberto Ayerbe-Pino (Ruiz) et Eve Christophe-Fontana (Ines).


A la tête d’un Orchestre National Bordeaux Aquitaine en grande forme, Emmanuel Joel-Hornak, frère du directeur de «la grande boutique», obtient de ses musiciens une variété dynamique et chromatique appréciables. Il alterne avec bonheur les moments de fulgurances orchestrales et les pages requérant plus de souplesse et de lyrisme. Le chœur maison, en constante progression, se montre discipliné et homogène, protagoniste à part entière du drame.


Signalons enfin que tous ces formidables artistes se retrouveront le 3 mai prochain au Théâtre des Champs-Elysées pour une exécution de ce chef-d’œuvre de Verdi en version de concert.



Emmanuel Andrieu

 

 

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