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Pour Mendelssohn Paris Théâtre des Champs-Elysées 04/11/2011 - et 12 avril 2011 (Poitiers) Robert Schumann : Concerto pour violon en ré mineur
Félix Mendelssohn : Symphonie n° 3 en la mineur, opus 56, «Ecossaise» Thomas Zehetmair (violon)
Orchestre des Champs-Elysées, Philippe Herreweghe (direction)
P. Herreweghe
On ne peut que déplorer, lorsqu’on voit l’affluence de ce soir avenue Montaigne, que Philippe Herreweghe n’honore pas davantage cette salle où, il y a maintenant plusieurs années, son Orchestre des Champs-Elysées était en résidence pour le bonheur des mélomanes de la capitale. Car c’est toujours une ambiance particulière qui entoure ces concerts, assez similaire d’ailleurs à celle qui baigne l’Abbaye aux Dames au moment du Festival de Saintes, douceur du climat aidant bien qu’on ne soit encore qu’au début du mois d’avril.
Lorsqu’on pense aux concertos pour violon composés dans la tonalité de ré mineur, on citera assez fréquemment celui de Sibelius voire le Premier Concerto de Mendelssohn, mais on oubliera tout aussi aisément celui de Robert Schumann (1810-1856). De même, lorsqu’on demande à quelqu’un de citer un concerto de Schumann, on l’entendra immanquablement faire référence au Concerto pour piano ou au Concerto pour violoncelle, le Concerto aussi bien que la Fantaisie pour violon étant généralement passés sous silence. Double handicap donc pour cette page qui, il est vrai, ne possède pas autant d’atouts que bon nombre d’œuvres du compositeur rhénan. En effet, le premier mouvement ne sait pas toujours où il va, oscillant fréquemment entre grandiloquence et pure finesse orchestrale, le troisième pouvant quant à lui devenir facilement pompier... Force est de constater que ce n’est pas l’interprétation de ce soir qui nous fera changer d’avis tant elle s’est avérée imparfaite en raison d’un violoniste, Thomas Zehetmair, au jeu on ne peut plus médiocre.
Si l’on décèle dès le premier mouvement un manque de robustesse de l’orchestre, qui peine à bien asséner ses accents là où il le faut, on reste surtout abasourdi par les très mauvaises interventions du soliste qui pâtissent notamment de défauts de justesse incessants, Zehetmair jouant beaucoup trop bas, et ne parvenant pas, au surplus, à cacher certaines faiblesses techniques, l’archet «savonnant» en de trop nombreuses occasions. Les plus beaux passages sont également les plus lyriques, lorsque le violon solo prend le temps de dialoguer harmonieusement avec la clarinette (magnifique Nicola Boud, irréprochable tout au long du concert) ou avec les hautbois (mentionnons encore une fois Marcel Ponseele et son compère de toujours Taka Kitazato). On pouvait donc penser que le mouvement lent, sobrement indiqué «Langsam», serait particulièrement réussi: si aucun véritable défaut ne doit être souligné, il n’apportera pas davantage d’enthousiasme au spectateur. Quant au dernier mouvement, il illustre les faiblesses de Thomas Zehetmair que l’on avait déjà pu remarquer au début de l’œuvre: une justesse vacillant à chaque instant, un refus de prendre parti qui, de ce fait, donne lieu à une interprétation tiède alors que celle-ci devrait passer du caractère alla rustica à la plus vive espièglerie, tout en acceptant un lyrisme non moins assumé. Là encore, on en sera pour ses frais. Il faut attendre le bis – une œuvre du XXe siècle comme il en a l’habitude) – le premier mouvement de la Sonate (1951) de Bernd Alois Zimmermann, écouté dans un silence absolu, pour qu’il fasse enfin montre de ses pleines capacités.
Après l’entracte, c’est au tour de l’Orchestre des Champs-Elysées de faire la démonstration de ses talents dans la Symphonie «Ecossaise» de Felix Mendelssohn (1809-1847). Ebauchée à la fin de l’année 1830, elle ne fut achevée qu’en janvier 1842, le jeune compositeur la dédiant à la reine Victoria. Même si des références à l’Ecosse peuvent éventuellement être trouvées dans l’atmosphère brumeuse du premier mouvement ou dans les accents de cornemuse du deuxième, qu’on ne s’attende pas à percevoir à travers la partition un vieil homme ridé en kilt tel qu’on peut le croiser dans L’Ile noire d’Hergé. Telle n’est d’ailleurs pas le conception de Philippe Herreweghe, qui a toujours marqué de profondes affinités pour ce compositeur aussi bien dans ses œuvres symphoniques – on se souvient d’une fringante Italienne à Saintes il y a quelques années ou de certaines ouvertures – que chorales – là encore, ceux qui ont eu la chance d’entendre Paulus ou Elias à l’Abbaye aux Dames s’en souviendront longtemps! Servie par un chef passionné et un orchestre aux timbres d’époque parfois rugueux mais qui ne manquent jamais de finesse, la Troisième symphonie s’offre là un véritable bain de jouvence. Après un très beau premier mouvement, c’est un Vivace non troppo virevoltant, emmené encore une fois par la clarinette de Nicola Boud, qui emporte le public. Les derniers pizzicati tombés, Philippe Herreweghe dirige avec une maestria incomparable l’Adagio, où les cordes (où brille la présence du premier violon Alessandro Moccia), aux effectifs modestes pourtant relevés par cinq contrebasses, offrent un magnifique tapis pour les vents où l’on remarque notamment un très beau pupitre de cors. L’enchaînement fulgurant avec le finale est splendide et l’orchestre – quelle fougue chez la percussionniste Marie-Ange Petit! – conclut de la plus brillante manière cette symphonie, saluée par une ovation méritée.
Comme à son habitude, Philippe Herreweghe préfère aller serrer les mains de ses musiciens et se fondre dans la masse plutôt que de recevoir seul les applaudissements qui, très fortement nourris, demandaient un bis. Ce fut, restant là sur le rythme endiablé du dernier mouvement de l’Ecossaise, le Scherzo de la Deuxième symphonie de Robert Schumann, qui est jouée en alternance avec la Troisième de Mendelssohn durant cette tournée. A voir la figure souriante de Philippe Herreweghe au moment du salut final, contentons-nous de dire que l’interprétation fut plus ébouriffante que jamais.
Le site de l’Orchestre des Champs-Elysées
Sébastien Gauthier
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