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Sur les terres des contraltos

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
04/05/2011 -  et 2 (Interlaken), 8 (Wien), 12 (Athinai), 17 (Lisboa), 20 (Torino) avril 2011
Gustav Mahler : Symphonie n° 10 (Adagio) – Das Lied von der Erde

Burkhard Fritz (ténor), Thomas Hampson (baryton)
Gustav Mahler Jugendorchester, Philippe Jordan (direction)


P. Jordan (© Jean-François Leclercq)


Fondé voici vingt-cinq ans par Claudio Abbado, qui en est toujours le directeur artistique, l’Orchestre des jeunes Gustav Mahler s’est immédiatement imposé comme l’un des meilleurs dans sa catégorie, où, jusqu’à la médiatisation récente des Vénézuéliens de Gustavo Dudamel, il est longtemps demeuré sans concurrent: on ne compte plus ceux qui, solistes ou musiciens du rang des plus prestigieuses phalanges du continent, y ont perfectionné leur métier à l’aube de leur carrière et y ont travaillé avec les plus grandes stars de la baguette. Originaires de toute l’Europe, et ce même à l’époque où le «rideau de fer» n’était pas encore tombé, les participants se retrouvent chaque année pour deux sessions, à Pâques et en été.


L’orchestre ne pouvait que rendre hommage, en ces années 2010 et 2011 riches en célébrations mahlériennes, à celui dont il a choisi de porter le nom: en août et septembre derniers, sous la direction de Herbert Blomstedt, il a interprété les Chants d’un compagnon errant avec Christian Gerhaher et, pour sa présente tournée pascale, durant près de trois semaines, tous ses programmes sont intégralement consacrés au compositeur, sous la houlette de Philippe Jordan: alors que les concerts symphoniques sont hélas quelque peu réduits à la portion congrue ces dernières saisons à l’Opéra de Paris, cette étape avenue Montaigne offre une occasion bienvenue à son directeur musical de se produire hors de la fosse dans la capitale.


De la Dixième Symphonie (1910), à la différence d’Eliahu Inbal fin janvier mais comme Valery Gergiev une semaine plus tôt, il n’a retenu que l’Adagio initial. De fait, les avis divergent sur la question, par exemple entre deux des précédents chefs de l’orchestre, présents à la corbeille: Pierre Boulez, qui a clairement exprimé son scepticisme à l’égard des tentatives de reconstitution de l’œuvre, et Daniel Gatti, qui, pour la conclusion de son cycle Mahler avec le National le 1er décembre prochain au Châtelet, défendra la version achevée par Deryck Cooke. Jordan, comme la plupart de ses confrères, voit dans cet unique mouvement un déchirant adieu, une conception à laquelle Gergiev, pour sa part, n’avait pas adhéré: le chef suisse, comme souvent volontiers didactique et attentif aux détails, n’en fait pas moins ressortir les arêtes dramatiques de la partition et sonner très amplement un effectif considérable de cordes et des vents renforcés. Fortement féminisé, à l’image de son premier violon, l’Ukrainienne Diana Tishchenko, l’orchestre déçoit quelque peu, avec d’emblée un pupitre d’altos qui peine encore à trouver sa cohésion et des soli parfois incertains.


Au début de la partie d’alto du Chant de la terre (1909), Mahler a noté entre parenthèses: «peut être éventuellement aussi chantée par un baryton». Cette alternative n’a pas fondamentalement remis en cause le monopole des cantatrices, tant il est vrai que pour aborder ce fleuron de leur répertoire, marqué par les plus illustres d’entre elles, il faut sans doute une certaine audace aux hommes, qui ont donc été peu nombreux à s’aventurer sur ces terres, même si l’on peut bien sûr citer Dietrich Fischer-Dieskau, mais aussi Bo Skovhus et Christian Gerhaher, entendu voici exactement deux ans salle Pleyel (voir ici). Un mahlérien tel que Thomas Hampson, qui donnait encore tout récemment à Paris les Kindertotenlieder et qui chante par ailleurs des extraits du Knaben Wunderhorn au cours de cette tournée, ne pouvait que se joindre à ces quelques téméraires. Il l’a même enregistré à deux reprises, en 1995 avec Simon Rattle (EMI), peu de temps après l’avoir chanté en concert avec – déjà – l’Orchestre des jeunes Gustav Mahler, puis en 2007 avec Michael Tilson Thomas (San Francisco Symphony).


Rien d’étonnant, dès lors, à ce qu’il ne jette pas le moindre regard à la partition posée devant lui sur un pupitre. Si – tout est relatif – il est, à bientôt cinquante-six ans, l’aîné sur scène, la voix, reconnaissable entre toutes, souffre tout juste d’une instabilité aussi légère que passagère, articule à la perfection et file les aigus avec une délicatesse infinie. Son Mahler est dépourvu d’affectation, sans surcharge de pathos: l’émotion n’en ressort que plus intensément à la moindre inflexion. La prestation du baryton américain comble donc les attentes d’un public visiblement sensible à sa prestance physique autant qu’à son élégance musicale. Burkhard Fritz ne peut que pâtir de la comparaison: comme en février dans Fidelio en version de concert au Théâtre des Champs-Elysées, le timbre du ténor allemand manque d’homogénéité et de séduction, tandis que certains ports ne voix ne sont guère séduisants. Accompagnateur respectueux s’il en est, Jordan aime aussi à déchaîner les tutti, tout en mettant en valeur des individualités bien plus que prometteuses (flûte, clarinette, clarinette basse). Nul doute que Daniele Gatti aura été particulièrement attentif durant cette soirée, lui qui a programmé ce Chant de la terre le 27 octobre prochain au Châtelet, même si, en faisant appel, aux côtés de Nikolai Schukoff, à Marie-Nicole Lemieux, il a opté pour la distribution habituelle avec contralto.


Le site de l’Orchestre des jeunes Gustav Mahler
Le site de Philippe Jordan
Le site de Burkhard Fritz
Le site de Thomas Hampson



Simon Corley

 

 

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