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Werther: stylisation et chant

Madrid
Teatro Real
03/28/2011 -  & 19, 21, 22, 24, 25, 30, 31 mars 2011
Jules Massenet: Werther
José Bros (Werther), Sophie Koch (Charlotte), Auxiliadora Toledano (Sophie), Angel Ódena (Albert), Jean-Philippe Lafont (Le bailli), Francisco Vas (Schmidt), Miguel Sola (Johann)
Orchestre du Teatro Real, Pequeños cantores, Emmanuel Villaume (direction musicale)
Willy Decker (mise en scène), Wolfgang Gussmann (décors et costumes), Joachim Kleim (lumières)


S. Koch & J. Bros (© Javier del Real/Teatro Real)



La beauté du Werther de Massenet est un peu ternie par la longueur excessive de l’exposé, deux actes qui tiennent le rôle d’un seul, le premier, un cantabile sans trop d’émotions, une ritournelle permanente: « je vais me tuer, voilà; ta mère est morte, c’était une sainte, mais elle est toujours là; qui sont ces mignons petits mômes? » Et qu’est-ce qu’on fait de ces deux messieurs, Schmidt et Johan? Le jeune Goethe est loin, très loin d’ici. Heureusement, l’acte III, qui déroule la crise du deuxième acte, nous donne une véritable situation dramatique à travers la musique (pas trop le livret). Simplement avec les trois personnages du drame: Werther, Charlotte, Sophie. Dans Werther, Massenet réussit où il y a plus de difficultés pour un auteur dramatique, c’est-à-dire dans la crise et la catastrophe.



Très souvent, un metteur en scène doit, justement, combler les vides d’un livret, voire d’un paysage sonore. Ces vides, dans Werther, sont utilisés par Willy Decker (une production arrivant de l’Opéra de Frankfurt) avec une grande sagesse. Par exemple, il transforme ces deux personnages bon enfant, il les transfigure et leur donne une dimension plus poétique, plus énigmatique, plus vraie, plus théâtrale. C’est un peu le chœur qui manque, un chœur tragi-comique, très souvent muet, ironique, provocateur. Decker trouve un appui formidable dans les décors et les costumes de Wolfgang Gussmann. Les décors sont loin du réalisme, mais n’en sont pas complètement dénués; ils se projettent dans une austérité expressive qui est une stylisation débordant de l’icône traditionnelle de Werther, une réussite de signes, de sens, de suggestions. L’intérieur et l’extérieur son praticables d’une façon peu réaliste, mais tout à fait naturelle dans le propos de Decker et Gussmann. Mais il vaut mieux ne pas parler d’expressionisme, un concept trop concret historiquement et qu’on utilise en peu partout. Il s’agit d’une nudité expressive, belle et capable de percer le vrai sens de cette ville, de cette la famille, de la situation, du drame, de la psychologie destructive du jeune poète. Enfin, il y a plus de réalisme dans les costumes, quelque peu Victoriens, avec des noirs très puritains qui font « vivre le deuil ». Dans la première partie, Decker pose les deux grandes questions qui auront une importance visuelle pendant le trop long exposé: Werther est déjà mort dès le début parce qu’il a cette pulsion de mort qu’il annonce tout le temps; le portrait de la mère morte dont on regrette l’absence; c’est un personnage absent, mais toujours présent par la force de ses dispositions, surtout une d’entre elles: Charlotte doit épouser Albert. Mais les objets ont aussi un rôle: le pistolet, le livre de poèmes, les papiers (les lettres de Werther, les partitions des enfants). Très peu de meubles, et justement ces meubles ont un rôle dramatique, surtout la grande table, et les maisons et l’Eglise qui se fondent et se confondent avec les meubles et les objets de la scène.



Emmanuel Villaume est un chef très efficace, peut être pas trop inspiré, mais son Werther est énergique, parfois émouvant. L’Orchestre symphonique de Madrid a très bien joué sous sa baguette, et cela est très important dans la situation actuelle de l’ensemble.



À part Decker-Gussmann, la grande qualité de ce Werther est due à trois voix dont la beauté s’ajoute à la capacité théâtrale. José Bros, ténor léger et lyrique, habituel du dernier belcantisme, réussit son Werther, un rôle dans lequel on a imaginé Alfredo Kraus pendants des décades. La couleur, le lyrisme, la légèreté de Bros, étonnant ténor catalan, est l’une des réussites de cette belle distribution, avant, pendant et après « Pour quoi me réveiller ». Mais il n’y a pas un bon Werther sans une bonne Charlotte. Sophie Koch est exceptionnelle, tout à fait. Son monologue au début de l’acte III est insurpassable: sens dramatique, construction du personnage, couleur et épaisseur de l’instrument, émotion contrôlée… L’andalouse Auxiliadora Toledano est la grande surprise de la soirée dans le rôle de Sophie: très jeune, d’une apparence fragile, on entend sa voix puissante tout à coup, ainsi qu’à l’acte III, avec Koch, dans le dialogue cantabile des deux sœurs, dans le quel Koch prend le temps de nous émouvoir encore avec « Laisse couler mes larmes », et Toledano par l’exaltation d’une jeune femme qui commence sa vie mais qui n’est pas dupe des laideurs qui l’y attendent; voilà ce que suggère la construction du personnage de Sophie par Auxiliadora Toledano, qui n’est plus une promesse, mais une réalité… et un bel avenir. On l’espère, on le désire. Le triomphe des ces trois voix a été incontestable. Il faut se féliciter aussi des voix de Angel Ódena et Jean-Philippe Lafont, ainsi que celles de Vas et Sola dans leurs garçons sympathiques. Et même les six enfants, non-nommés, des Pequeños Cantores.



Santiago Martín Bermúdez

 

 

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