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En attendant la mort

Geneva
Grand Théâtre
03/09/2011 -  et 11, 13, 15, 17, 19 mars 2011
Christoph Willibald Gluck: Orphée et Eurydice (version française revue par Hector Berlioz)

Annette Seiltgen (Orphée), Svetlana Doneva (Eurydice), Clémence Tilquin (L'Amour)
Ballet du Grand Théâtre de Genève, Chœur du Grand Théâtre de Genève, Ching-Lien Wu (direction), Orchestre de la Suisse Romande, Jonathan Darlington (direction musicale)
Mats Ek (mise en scène et chorégraphie), Ana Laguna (assistante à la chorégraphie), Peter Engelfeldt (assistant à la mise en scène), Marie-Louise Ekman (décors et costumes), Elsie-Britt Lindström (assistante aux costumes), Peder Freij (assistant aux décors), Erik Berglund (lumières)


(© Vincent Lepresle/GTG)


Lorsqu’il a dévoilé sa programmation 2010-2011, le directeur du Grand Théâtre de Genève n’a pas caché qu’il considérait l’Orphée vu par le chorégraphe Mats Ek comme le spectacle emblématique de sa saison, quand bien même il ne s’agissait pas d’une nouvelle production mais d’une reprise d’une création ayant vu le jour à Stockholm en 2007. Spectacle emblématique parce qu’il met en valeur l’ensemble des forces de l’institution, musiciens, choristes et danseurs. Tobias Richter ne s’est pas trompé, cet Orphée restera assurément comme l’un des temps forts de la saison genevoise, tant la vision présentée ici est originale, radicale et déconcertante au premier abord. Pour Mats Ek en effet, Orphée n'est pas un beau et fringant jeune homme prêt à tout braver pour retrouver sa bien-aimée, mais un vieillard au crâne dégarni, fatigué et seul, qui attend la mort chez lui, entouré d'objets décrivant la tristesse et la banalité de son quotidien, tels une lampe, un fauteuil, une porte ou encore un journal. Il y a bien longtemps qu'il a perdu la femme qu'il aime, il vit ses derniers instants comme prisonnier de ses souvenirs et son périple dans l’au-delà n'est qu'un rêve pendant un moment d’assoupissement. Ou un cauchemar, c'est selon, car l'enfer du chorégraphe suédois est peuplé de créatures hideuses et difformes, des hommes en majorité, alors que les Champs Elysées sont habités essentiellement par des femmes portant de longues robes de mariées blanches. Mais les apparences sont trompeuses, les choses ne sont pas si simples car les deux univers sont tout aussi tristes et stériles l'un que l'autre, avec la mort comme seule finalité.


Le grand mérite de Mats Ek est d’avoir réussi la symbiose entre musique, chant et danse. Tout ici ne fait qu'un, les frontières n'existent plus, au point qu'on peine parfois à distinguer les danseurs des choristes. On imagine l'intensité du travail accompli avec le Chœur du Grand Théâtre. Dans un décor sombre et épuré, le chorégraphe mise sur la simplicité et va droit à l'essentiel, sans jamais s'encombrer de détails, d'où la force et la pertinence de son propos. Toutefois, cette vision mélancolique et pessimiste, de même que la grisaille du décor et la laideur de la plupart des personnages agissent comme une sorte de repoussoir, freinant l’émotion, mettant une distance entre le spectateur et l’intrigue se déroulant sur scène. En fin de compte, cet Orphée singulier se révèle un spectacle essentiellement intellectuel, qui force l’admiration par l’originalité du propos et la performance d’ensemble de tous les participants, mais qui à aucun moment ne prend le public aux tripes.


Sur le plan vocal, la palme revient sans conteste au chœur du Grand Théâtre, excellent dans tous les registres. Présente sur le plateau de bout en bout en Orphée bedonnant et se déplaçant avec peine, Annette Seiltgen livre une performance scénique remarquable, doublée d'une diction française exemplaire, même si la voix manque de couleurs et de relief. Svetlana Doneva incarne une Eurydice charmante, sans plus, à la projection vocale limitée. Face à ce duo un brin terne, Clémence Tilquin tire son épingle du jeu par sa voix lumineuse. A la tête de l’Orchestre de la Suisse Romande, Jonathan Darlington offre une lecture vive et incisive, dans une fosse mobile qui, rehaussée pendant le prologue, met les musiciens en valeur et les associe pleinement au spectacle.



Claudio Poloni

 

 

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