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Kolossal

Paris
Salle Pleyel
03/04/2011 -  
Henri Tomasi : Concerto pour trompette
Anton Bruckner : Symphonie n° 7

Alexandre Baty (trompette)
Orchestre philharmonique de Radio France, Myung-Whun Chung (direction)


M.-W. Chung (© Jean-François Leclercq)


Initialement annoncée pour le 4 mars, la création par Garrick Ohlsson du Concerto pour piano du compositeur new-yorkais Justin Dello Joio, commande conjointe de Radio France et de l’Orchestre symphonique de Boston, a été reportée au 30 septembre prochain. Du coup, c’est finalement avec Henri Tomasi (1901-1971) que l’Orchestre philharmonique de Radio France a décidé de débuter le concert. Ce «premier second grand prix» de Rome (1927) n’est pas encore véritablement sorti de son purgatoire, sans doute victime pour partie de sa sincérité esthétique et politique. Dommage, car il n’a pas écrit que des hymnes folkloristes à sa région natale (Sinfonietta provençale, Nuits de Provence) ou à sa Corse d’origine (Cyrnos, Colomba), et des évocations exotiques évoluant de Tintin au Congo (Tam-Tam) à Sartre (Chant pour le Vietnam) et Césaire (Symphonie du Tiers-Monde). En effet, on lui doit par ailleurs le splendide ballet Noces de cendre, de nombreux opéras, dont Sampiero Corso, «drame lyrique» en langue corse représenté voici cinq ans à Marseille, et Miguel Manara (qui renferme quatre Fanfares liturgiques souvent données séparément) ainsi qu’une multitude de partitions concertantes pour les instruments les plus divers, du violon au trombone, en passant par le saxophone alto, le basson, la contrebasse, la guitare et le cor, destinées aux plus grands interprètes de l’époque (Maurice Allard, Lucette Descaves, Alexandre Lagoya, Maurice Maréchal, Marcel Mule, André Navarra, Pierre Pierlot, Jean-Pierre Rampal, Lucien Thévet...).


Ecrit en vue du concours du Conservatoire de Paris où il fut cependant jugé inexécutable, le Concerto pour trompette (1948) connut sa première française grâce à Ludovic Vaillant, alors soliste de l’Orchestre national. Adapté quinze ans plus tard pour le ballet sous le titre de Concerto-Quadrille, il demeure l’une de ses œuvres les plus souvent jouées, même si sa place au répertoire n’est pas tout à fait celle acquise par les concertos de Haydn, Hummel ou Jolivet. Trompettistes et mélomanes ne peuvent qu’être séduits par cette brillante accumulation de difficultés techniques, qui ne sont cependant pas de nature à effrayer Alexandre Baty (né en 1983), soliste au Philhar’ depuis 2008, premier prix aux concours Joseph Haydn de Budapest (2009) puis du Printemps de Prague (2010). Un peu terne dans les tutti, l’orchestration recèle toutefois d’intéressantes trouvailles d’instrumentation et la musique, assez hybride dans sa découpe classique en trois mouvements, s’inscrit dans la descendance de Ravel et Roussel, avec une pincée de jazz (Allegro initial), de belles pages lyriques (fin du premier mouvement, «Nocturne» central) et un esprit pétillant à la Françaix (Giocoso final, qui sera bissé).


Malgré la brièveté de cette première partie, un entracte s’impose avant de passer à un univers si géographiquement et esthétiquement éloigné. Myung-Whun Chung, de retour sur le podium après avoir dû, pour raisons de santé, renoncer à diriger le précédent vendredi, ne prise sans doute pas Bruckner autant que son prédécesseur, Marek Janowski. De fait, comme dans Mahler, et malgré des succès dans la Septième Symphonie en septembre 2002 et dans la Neuvième en décembre 2009, il a souvent déçu, que ce soit dans la Quatrième, en février 2002 et surtout en septembre 2005 avec la Staatskapelle de Dresde, ou la Sixième en mai 2006.


C’est de nouveau la Septième (1883) qu’il a choisie, plus précisément la version de cette symphonie éditée par Nowak (avec cymbales et triangle dans l’Adagio). Avant même le retour sur scène des musiciens, l’installation de douze contrebasses intrigue: bénéficiant du renfort de cinquante-sept étudiants du Conservatoire de Paris dans le cadre de l’«Académie philharmonique», Chung a pris le parti de doubler tous les pupitres (à l’exception des Wagner-Tuben, qui restent au nombre de quatre). Avec un total de cent vingt-cinq musiciens, on ne situe pas loin de cette Symphonie fantastique qui avait rassemblé en octobre 2009, sous la baguette de Gustavo Dudamel, le Philharmonique de Radio France et l’Orchestre de la jeunesse vénézuélienne. Le trait s’en trouve nécessairement épaissi et les départs perdent considérablement en netteté. Quant aux quatre-vingts cordes, soit elles écrasent l’écriture si délicate et précise des soli, soit elles paraissent bien frêles pour lutter face aux vents (vingt-six cuivres) dans les tutti qui, inévitablement, saturent parfois.




Tant qu’à réunir un effectif aussi gigantesque, il aurait mieux valu programmer les Gurre-Lieder de Schönberg, car cette montagne sonore n’accouche ici que d’un éléphant. Statufier le compositeur autrichien dans une imposante opulence n’est pas le meilleur service à lui rendre, le risque étant d’obtenir l’effet exactement inverse de celui recherché: se cantonner à une pompe démonstrative et décourager l’auditeur. Certains chefs, aussi différents que Böhm ou Herreweghe, ont d’ailleurs bien montré que Bruckner gagnait à être allégé et décapé d’épaisses couches déposées par des usages d’une authenticité contestable. Chung s’inscrit en revanche dans une tradition faisant de chaque symphonie une cathédrale sonore à édifier ou une célébration parsifalienne de caractère mystique – «un rituel sans paroles», pour reprendre l’heureuse formule de Christian Wasselin dans le programme de salle. Mais même si l’on admet la validité d’une telle approche, en un siècle qui réagit à un sentiment d’accélération croissante par des concepts et initiatives tels que la slow food ou la «journée internationale de la lenteur», n’est pas Celibidache ou Thielemann qui veut.


Or, Chung ne parvient qu’à infliger aux spectateurs une épreuve, et pas au sens initiatique du terme, soixante-treize minutes d’un cauchemar qui ne semble exprimer rien d’autre que l’ambition d’entrer dans le livre des records. Bruckner doit-il rester lesté par tous les clichés attachés à sa musique? – plus c’est kolossal et plus c’est long, mieux c’est, comme s’il s’agissait de donner raison à la rosserie de Paul Klee («Comment atteindre le Ciel avec un train de marchandises»). Il est difficile de comprendre pourquoi le directeur musical du Philhar’, dont il n’y aucune raison de mettre en doute la sincérité, adopte des tempi aussi extrêmes: même sa version avec l’Orchestre des jeunes Gustav Mahler (avril 2007), publiée chez un éditeur pirate, dure cinq bonnes minutes de moins. Certes marqué moderato, puis «Calme», l’Allegro initial reste englué dans un tempo pachydermique: le fil, à force d’être étiré à l’extrême, ne peut que finir par rompre. L’Adagio (vingt-six minutes) fait aussi du sur-place, simplement soporifique s’il n’était surtout profondément irritant, avec son phrasé atone, cacochyme, mortifère et même un tantinet maniéré. Le Scherzo retrouve un peu de tonus, mais demeure massif tandis que le Trio («Un peu plus lent» par rapport au «Très rapide» de la section principale) s’alanguit excessivement. Cela étant, force est de reconnaître à Chung au moins deux qualités, la cohérence et la persévérance, jusque dans un Finale abordé lui aussi avec lenteur et grandiloquence.


Les mauvaises langues diront que l’ovation finale est à la mesure du soulagement du public, mais elle salue peut-être avant tout la vaillance de l’orchestre, et plus particulièrement de ses jeunes renforts, qui ont tenu le choc de ces tempi engourdis et ankylosés.


Le site de l’Association Henri Tomasi



Simon Corley

 

 

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