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A la recherche de la Sonate de Vinteuil Paris Auditorium du Louvre 02/03/2011 - Camille Saint-Saëns : Elégies pour violon et piano n° 1, opus 143, et n° 2, opus 160 – Sonate pour violon et piano n° 1, opus 75
Edith Canat de Chizy : Irisations
Diego Tosi (violon), Denis Pascal (piano)
D. Tosi (© Eric Manas)
En octobre 2006, Diego Tosi (né en 1981) a rejoint les rangs de l’Ensemble intercontemporain, mais son récital dans le cadre des «Concerts du jeudi» permet de l’entendre essentiellement dans un répertoire situé aux antipodes de l’avant-garde, à savoir la musique de Saint-Saëns, dont on se plaît à imaginer les quolibets méchamment savoureux (ou savoureusement méchants) qu’elle peut susciter de la part du fondateur de l’EIC, Pierre Boulez. La rencontre paraîtrait donc totalement incongrue si l’on ne conservait pas à l’esprit que Diego Tosi a réalisé trois disques d’une intégrale Sarasate (Solstice), dont ses deux bis donnent d’ailleurs un aperçu: l’arrangement par le violoniste espagnol du Deuxième des trois Nocturnes de l’Opus 9 (1831) de Chopin, puis sa Mélodie roumaine (1901) d’après deux airs transylvaniens. Autant de pages dont personne ne prétendra sans doute qu’elles sont essentielles, mais abordées ici avec goût, sinon avec chic.
Le lendemain, toujours à l’Auditorium du Louvre, il sera aux côtés de Jean-Frédéric Neuburger et du Quatuor Modigliani dans le Concert de Chausson, mais pour ces enregistrements comme pour ce récital dans le cadre des «Concerts du jeudi», le jeune violoniste bénéficie d’un accompagnateur chevronné et, à vrai dire, plus que d’un accompagnateur, puisqu’il s’agit de l’excellent Denis Pascal. Il est certes généralement cantonné à un rôle subalterne dans les Elégies (1915 et 1919), construites toutes deux comme des romances laissant place, dans leur partie centrale, à une expression plus tendue et animée. Mais tel n’est absolument pas le cas dans la Première Sonate (1885), où sa technique – l’écriture de Saint-Saëns ne manque pas d’exigences – ainsi que le raffinement de sa sonorité et de son toucher ne sont pas de trop. Précédant de peu la Troisième Symphonie, dont elle partage la structure en quatre mouvements enchaînés deux à deux déjà expérimentée dans le Quatrième Concerto, l’œuvre, avec sa «petite phrase» qui la traverse et se transforme d’un mouvement à l’autre, fait probablement partie de celles qui auraient inspiré à Proust sa description de la «Sonate de Vinteuil» dans A la recherche du temps perdu.
Autant Diego Tosi reste trop en retrait dans les Elégies, peut-être pour éviter de tomber dans le piège sucré de ces pièces de salon, autant il s’impose dans la Sonate, dont il maîtrise les difficultés avec une grande sûreté et restitue l’élan conquérant avec beaucoup de chaleur. Entre les Elégies et la Sonate, il interprète avec autant de conviction, en présence de l’auteur, Irisations (1999) d’Edith Canat de Chizy, morceau destiné au concours du Conservatoire: elle-même violoniste de formation, elle connaît donc parfaitement l’instrument et son répertoire – le début évoque assez précisément Tzigane de Ravel ou la Sonate pour violon seul de Bartók. Au fil de ces sept à huit minutes, l’image d’un «faisceau lumineux diffracté en multiples facettes suivant l’opacité ou la transparence des objets rencontrés» se traduit par une succession de climats contrastés: récitatif fougueux, poudroiement de très brefs motifs, atmosphère lyrique, section animée avec de grands gestes violonistiques, conclusion apaisée.
Le site de Diego Tosi
Le site d’Edith Canat de Chizy
Simon Corley
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