About us / Contact

The Classical Music Network

Geneva

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Noire folie

Geneva
Grand Théâtre
01/26/2011 -  et 29 janvier, 1er*, 4, 7, 10, 13 février 2011
Vincenzo Bellini: I Puritani

Diana Damrau (Elvira), Isabelle Henriquez (Enrichietta), Alexey Kudrya (Lord Arturo Talbot), Lorenzo Regazzo (Sir Georges Walton), Franco Vassallo (Sir Riccardo Forth), In-Sung Sim (Lord Gualtiero Walton), Fabrice Farina (Sir Bruno Roberton)
Chœur du Grand Théâtre de Genève, Ching-Lien Wu (chef de chœur), Orchestre de la Suisse Romande, Jesús López Cobos (direction musicale)
Francisco Negrin (mise en scène), Es Devlin (décors), Louis Désiré (costumes), Bruno Poet (lumières)


(© GTG/Vincent Lepresle)


Un décor triste, gris et métallique, figurant une forteresse avec son alignement de pièces sombres, sans fenêtres, dans un pays ravagé par la guerre et où règnent la violence, l'intolérance et le fanatisme religieux. Les parois sont couvertes de lettres en braille, pour mieux souligner l'aveuglement de tous. Pour ces nouveaux Puritains genevois, présentés en coproduction avec l'Opéra d'Amsterdam, Francisco Negrin signe une mise en scène déconcertante au premier abord mais terriblement forte, à des années-lumière de l'imagerie romantique associée habituellement au belcanto. Le sentiment d'oppression, voire d'étouffement, est palpable à chaque instant dans cette Angleterre du XVIIe siècle déchirée par un conflit peu compréhensible au début, mais qu'on devine ensuite comme opposant les puritains, partisans de Cromwell, aux royalistes, défenseurs des Stuart. Si l'intention est louable et les idées cohérentes de bout en bout, la fin du spectacle ne manque pas de laisser perplexe: estimant que le happy end voulu par Bellini n'est pas logique, le metteur en scène modifie l'intrigue en faisant tuer Arturo, meurtre qui devient le prétexte à la folie d'Elvira, restée seule sur scène, séparée des autres protagonistes par un rideau. Faut-il servir ou trahir l'œuvre qu'on présente au public? C'est toute la question…


Tête d'affiche de la distribution, Diana Damrau réussit pleinement ses débuts dans le rôle d'Elvira. Le personnage est magnifiquement caractérisé: nous avons sous les yeux une jeune fille craintive, marginale, si ce n'est marginalisée, limite autiste, qui se recroqueville sur elle-même et s'enferme dans son monde, rêvant à une vie qu'elle ne pourra jamais avoir, un portrait d'autant plus intéressant qu'il s'éloigne radicalement de l'amoureuse passionnée qui caractérise le rôle. Musicalement, même si la projection est limitée, on admire la beauté de la voix, la virtuosité de la technique et la transparence des aigus, avec de splendides passages mezza voce dans les moments les plus chargés d'émotion. Le Russe Alexey Kudrya, premier prix du Concours Opéralia en 2009, endosse avec prestance les habits de Lord Arturo Talbot et affronte vaillamment – car du cran il en faut – l'un des rôles de ténor les plus meurtriers de tout le répertoire lyrique. Les aigus sont là, certains un peu étriqués, mais même si la technique n'est pas des plus soignées, on ne peut que saluer la performance d'ensemble, car combien sont-ils les chanteurs aujourd'hui à pouvoir venir à bout de ce rôle impossible? Franco Vassallo compose un Riccardo sonore et expressif, alors que Lorenzo Regazzo offre un parfait exemple de l'art du chant bellinien en Giorgio Walton particulièrement manipulateur. On retiendra aussi l'Enrichietta à la voix chaude d'Isabelle Henriquez. Une mention spéciale est à décerner au chœur, excellent, dans cet ouvrage où son rôle est capital. Dans la fosse, Jesús López Cobos nous fait écouter des pages qu'on n'a pas l'habitude d'entendre jouer et se révèle un accompagnateur attentif pour les chanteurs; il livre un travail d'orfèvre, ciselant délicatement la partition, avec finesse et précision, à la tête d'un Orchestre de la Suisse Romande des grands soirs.



Claudio Poloni

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com