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Trois générations Paris Salle Pleyel 02/02/2011 - Piotr Ilyitch Tchaïkovski : Roméo et Juliette
Alexandre Glazounov : Concerto pour violon, opus 82
Dimitri Chostakovitch : Symphonie n° 6, opus 54
Alexandra Soumm (violon)
Orchestre de Paris, Eivind Gullberg Jensen (direction)
A. Soumm (© Claves Records)
Régulièrement invité depuis 2007 à l’Orchestre de Paris, Eivind Gullberg Jensen, Chefdirigent de la Philharmonie de la Radio de Hanovre (NDR) depuis la saison dernière, affectionne la musique russe: Chostakovitch (2007, 2009) et Tchaïkovski (2009, 2010) étaient déjà au programme de ses trois précédentes apparitions et il dirige cette fois-ci un concert où se succèdent trois générations de compositeurs russes.
Tchaïkovski écrivit trois moutures de Roméo et Juliette. Une fois n’est pas coutume, c’est la version originale de 1869 qui devait être jouée, mais il faudra attendre une autre occasion pour entendre cette rareté et découvrir ainsi comment a évolué son «ouverture-fantaisie», car c’est finalement la version usuelle de 1880, substantiellement différente, qui est donnée. Dynamique mais s’attardant trop sur certains détails, la direction du chef norvégien rend davantage justice aux passages décrivant les amants de Vérone qu’à ceux évoquant la lutte entre leurs familles rivales.
De même que Gullberg Jensen avait fait ses débuts à l’Orchestre de Paris en mai 2007 en remplaçant le regretté Armin Jordan, disparu quelques mois plus tôt, Alexandra Soumm s’y est produite pour la première fois en janvier 2009 à la faveur de la défection d’Itzhak Perlman, retenu par la cérémonie d’investiture du président Obama. Dans le Concerto (1904) de Glazounov, la violoniste russe, qui n’aura que vingt et un ans le 17 mai prochain, paraît encore un peu verte: elle a certes de l’engagement et de l’enthousiasme à revendre, avec un son généreux et des glissades charmeuses, mais l’abattage l’emporte parfois sur la précision, voire sur la justesse, et ne dissimule pas une certaine aigreur dans l’aigu. En bis, elle annonce Paganiniana (1954), série de variations sur le dernier des vingt-quatre Caprices signée de Nathan Milstein, qui étudia avec Leopold Auer, le créateur du Concerto de Glazounov: après un démarrage un peu difficile, elle impose sa puissance et sa virtuosité dans cette page redoutable et spectaculaire à défaut d’être essentielle.
Après l’entracte, voici encore une nouvelle génération en la personne de Chostakovitch, élève de Glazounov: pour refermer le traditionnel triptyque ouverture/concerto/symphonie, c’est sa Sixième (1939) qui a été choisie. Peut-être en raison de sa forme atypique, l’œuvre demeure un peu négligée, à telle enseigne qu’elle n’avait précédemment été à l’affiche de l’Orchestre de Paris qu’à une seule reprise, en avril 1999 sous la direction de Kurt Sanderling. A la tête d’un orchestre un peu moins solide qu’à son habitude, Gullberg Jensen tient bien la distance tout au long du vaste Largo initial, où il est si difficile de maintenir constamment la tension, et en fait bien ressortir le climat de désolation. Dans les deux derniers mouvements, il retrouve le mordant qui avait manqué dans Roméo et Juliette: la férocité et l’ironie remettent en perspective une joie conclusive qui, après les premières purges staliniennes et à l’approche de la Seconde Guerre mondiale, ne peut que sembler forcée.
Le site d’Eivind Gullberg Jensen
Simon Corley
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