About us / Contact

The Classical Music Network

Lille

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Intelligent, divertissant et bien ficelé

Lille
Opéra
01/12/2011 -  et 15, 18, 20, 23*, 25, 27 janvier (Lille), 18, 20, 22 février (Saint-Etienne), 15, 18, 20, 22, 24 mars (Rouen), 9, 11 mai (Angers), 20, 22, 26, 28, 31 mai (Nantes), 4, 6 novembre 2011 (Limoges)
Gaetano Donizetti : L’elisir d’amore
Olga Peretyatko (Adina), Bülent Bezdüz (Nemorino), Guido Loconsolo (Belcore), Renato Girolami (Dulcamara), Hanna Bayodi-Hirt (Giannetta)
Chœur de l’Opéra de Lille, Yves Parmentier (chef du chœur), Orchestre de Picardie, Antonello Allemandi (direction)
Richard Brunel (mise en scène), Marc Lainé (scénographie), Mathias Roche (lumières), Claire Risterucci (costumes)



(© Frédéric Iovino)


« Nous avons voulu raconter cette histoire à travers le quatuor Adina, Nemorino, Belcore et Giannetta, plutôt qu’avec le seul couple central » : l’intention de Richard Brunel se défend mais, in fine, la figure centrale de cet Elixir d’amour n’est-elle pas plutôt Dulcamara ? De toute évidence, le metteur en scène manifeste un faible pour ce personnage qu’il fait apparaître avant l’Ouverture et à la fin, devant le rideau baissé pendant que l’orchestre achève les dernières mesures. Cette fois, il s’agit moins d’un docteur que d’un représentant de commerce épuisé qui tire sa valise comme un boulet. Irrésistible avec ses bretelles et son embonpoint affiché sans complexe, l’homme reprend du poil de la bête lorsqu’il harangue les paysans pour leur vendre ses improbables solutions-miracle, de la marque Dulca +, lors d’un mémorable one man show pendant lequel deux postes de télévision diffusent en boucle une réclame racoleuse. Comme la méprise de Brangaine provoque le drame de Tristan et Iseut, d’ailleurs sujet de plaisanterie pour Adina lors d’une pause avec ses employés, la farce de Dulcamara, qui fait boire à Nemorino du bordeaux à la place de l’élixir, déclenche la mécanique bien huilée de ce melodramma giocoso. Arrivé par hasard dans le village, Dulcamara devient un catalyseur puis le spectateur amusé des conséquences de sa supercherie, une évolution que cette production dévoile avec finesse.


Si Richard Brunel confère à ce rôle une épaisseur et une humanité bienvenues, le traitement réservé au quatuor n’en reste pas moins juste et habile. Dans une campagne contemporaine, davantage évoquée que décrite (scénographie de Marc Lainé), Adina est une chef d’entreprise séduisante et élégante mais fière et condescendante. Elle accuse la fracture sociale avec ses ouvriers agricoles, parmi eux un Nemorino idéalement naïf, sensible et méconnaissable une fois engagé dans l’armée. Belcore, justement, campe sans surprise un sergent arrogant et minable qui, au contraire d’Adina et Nemorino, reste constant, au même titre qu’une bien discrète Giannetta, peut-être le personnage le moins typé. A ce quintette s’ajoute une foule mêlant militaires, qui ne délaissent à aucun moment leur treillis réglementaire, et paysans, en bleu de travail dans l’entreprise puis endimanchés pendant les noces. Un des points forts réside dans la gestion canalisée des gags, ce qui évite au spectacle de ployer sous un excès d’imagination.


Rappelons-le : l’opéra italien de la première moitié du XIXe siècle nécessite pour le valoriser un accompagnement nourri, charpenté, nuancé. Collaborateur régulier de l’Opéra de Lille, comme l’Orchestre national de Lille et le Concert d’Astrée, l’Orchestre de Picardie se produit non avec son nouveau directeur musical depuis cette année, Arie van Beek, mais sous la direction d’Antonello Allemandi. Les musiciens offrent une prestation dynamique et au point mais, s’ils livrent de délectables interventions solistes, un peu plus de gouaille et de peps n’auraient pas été de refus par moment. Sur le plan vocal, le bilan est également positif, à commencer par Renato Girolami, dont la physionomie et la virtuosité répondent aux exigences de Dulcamara, rôle qu’il défend avec conviction dans de nombreux théâtres, dont rien moins que la Scala en octobre dernier. Aucun souci pour Belcore et Giannetta, respectivement interprétés par Guido Loconsolo et Hanna Bayodi-Hirt, ni pour l’Adina d’Olga Peretyatko, joli brin de fille qui assume son rôle avec aisance – les aigus sont émis avec naturel, la ligne est soignée, la puissance néanmoins limitée – et pour le Nemorino malgré tout un peu mat du jeune ténor Bülent Bezdüz qui révèle un talent considérable mais encore à développer. Enfin, il serait injuste de passer sous silence le travail du Chœur de l’Opéra de Lille, d’ailleurs chaleureusement applaudi.


Cet Elixir bénéficie de nombreuses reprises en France : à l’Opéra Théâtre de Saint-Etienne le mois prochain, à l’Opéra de Rouen en mars, au Quai d’Angers et au Théâtre Graslin de Nantes en mai et à l’Opéra de Limoges en novembre. Autant d’institutions engagées dans cette nouvelle production et d’occasions d’assister à ce spectacle intelligent, divertissant et bien ficelé.



Sébastien Foucart

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com