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Une Leontina Vaduva Mimi tout plein

Toulouse
Théâtre du Capitole
03/20/1998 -  et 21, 22 et 31 mars, les 1er, 2, 3 et 4 et 5 avril 1998
Giacomo Puccini : La Bohème
Stephen Mark Brown, Tito Beltran (21 mars, 1, 3 et 5 avril) (Rodolfo) ; Leontina Vaduva (20 et 22 mars), Rie Hamada (21 mars, 1, 3 et 5 avril), Mireille Delunsch (31 mars, 2 et 4 avril) (Mimi) ; Marzio Giossi, Jason Howard (21 mars, 1, 3 et 5 avril) (Marcello) ; Nicoletta Zanini (Musetta) ; Giovanni Furlanetto, Eric Martin-Bonnet (21 mars, 1, 3 et 5 avril) (Colline) ; Ludovic Tézier (Schaunard) ; Jean Brun (Benoît) ; Christian Asse (Alcindoro)
Nicolas Joël (mise en scène)
Orchestre et chœurs du Capitole, Stefano Ranzani (direction)

Bon succès général pour cette reprise d’une mise en scène déjà proposée à Toulouse en 1995, et gros succès personnel pour Leontina Vaduva qui en était la première Mimi. La mise en scène de Nicolas Joël n’a pas variée depuis 1995 et appelle les mêmes commentaires que lors de sa création. Tout à fait classique malgré des décors légèrement modernisés, elle ne trahit nullement l’oeuvre et soutient constamment l’intérêt, même si certains partis pris peuvent sembler regrettables, comme celui de nicher la chambre des artistes bohèmes en hauteur dans une cage exiguë, ce qui induit une distance regrettable entre les spectateurs et l’action et minimise les déplacements des acteurs qui semblent toujours jouer les équilibristes. Cependant l’ensemble fonctionne agréablement et certains décors sont assez réussis dans leur sobriété, tels ceux des deuxième et troisième actes.

Mais l’attraction principale de cette représentation était la présence de Leontina Vaduva, si chère au coeur des toulousains qui lui ont réservé un ovation triomphale. Il est certain que la grâce et la jeunesse de la cantatrice d’origine roumaine ont tout pour séduire le public qui en a fait sa coqueluche et qu’elle a su rendre à merveille le caractère touchant et fragile de son personnage. Mais toute l’affection qu’on peut avoir pour cette artiste ne peut faire oublier qu’elle n’a guère les moyens purement vocaux pour aborder Mimi sans risques et certains aigus tirés ou mal contrôlés sont les signes évidents que cette voix naturellement modeste évolue au-delà de ses possibilités. On peut penser que les applaudissements allaient tout autant à la sympathie naturelle que dégage la chanteuse qu’à sa stricte performance vocale, en rien indigne mais toujours un peu juste. Dans ce contexte, le choix du ténor américain Stephen Mark Brown était fort intelligent car sa voix peu puissante mais très nuancée s’accommodait fort bien des limites de la soprano, l’accompagnant sans la couvrir. Avec une bonne présence scénique et une voix des plus agréables, il se montre comme un excellent espoir parmi les ténors actuels. Il est tout à fait vain de vouloir établir une comparaison entre Stephen Mark Brown et Roberto Alagna, le Rodolphe de 1995, tant leurs moyens vocaux et leurs personnalités diffèrent ; cependant certains toulousains, très entichés du ténor en vogue, n’ont pas manqué de le faire, reprochant à l’américain son manque de puissance. Mais il ne s’agit pas de confondre quantité et qualité, Stephen Mark Brown ne gagnerait rien à vouloir forcer ses moyens, alors qu’Alagna gagnerait parfois à canaliser les siens. On peut penser que la distribution réunissant Rie Hamada et Tito Beltran correspondra mieux aux exigences de l’oeuvre, l’un et l’autre ayant des moyens plus importants. Mis à part un assez bon Marcello, pas toujours très nuancé, le reste de la distribution n’appelait guère de louanges, à l’image d’une Musetta aigrelette au-delà du raisonnable et d’un Colline caverneux. L’heure de la retraite semble avoir définitivement sonné pour Jean Brun et Christian Asse. La direction précise mais pressée, voire hâtivement superficielle, de Stefano Ranzani ne laissait guère le temps à l’émotion de s’installer, un comble pour une telle oeuvre.

Le tout fait une Bohème agréable mais où le spectateur ne se sent jamais étreint par l’émotion que devrait dégager ce mélodrame flamboyant, comme si une distance -due à la fois à une mise en scène trop décorative et à une direction froide- s’instaurait toujours entre le spectateur et la scène. Dommage pour le charmant couple de héros !

Laurent Marty


Entretien avec Leontina Vaduva
Le 19/3/98

Nous avons profité de la présence de Leontina Vaduva à Toulouse pour les représentations de La Bohème des 20 et 22 mars pour lui poser quelques questions sur son rôle, sa carrière, et également sur La Traviata, qu'elle a abordé pour la première fois il y a quelques mois. Comme toujours, ses réponses permettront d'apprécier son naturel et sa gentillesse.

Le Concertographe : Depuis votre prix au concours de chant en 1986, vous êtes devenue la favorite du public toulousain. Comment définiriez-vous vos rapports avec ce public par rapport à celui des grandes scènes internationales ?

Leontina Vaduva : Il est très difficile de parler du public toulousain. C'est un échange. Ils m'ont adopté dès le début et on ne s'est plus quittés. C'est un petit peu le baromètre de ma carrière ; quand je viens chanter un rôle, s'il a bien marché ici, je suis sûre qu'il marchera bien ailleurs. C'est un public très exigeant, alors avoir son affection, son appréciation, est très important pour moi, une marque de consécration, quelque part.

L C : Vous avez dit avoir peur d'aborder Mimi car vous craigniez que le rôle n'élargisse trop votre voix. Vous l'avez beaucoup chanté depuis 1995, avez-vous toujours les mêmes craintes ?

L V : Non, bien sûr. La voix a évolué depuis et je suis capable maintenant d'aborder un répertoire un peu plus lyrique que ce que j'ai fait jusqu'ici. C'est vrai que si on se laisse emporter par cette musique - en général la musique de Puccini demande énormément au niveau de l'expression dramatique - alors on risque de trop donner. En même temps, ce n'est jamais assez !

L C : Vous semblez très attentive à l'évolution de votre voix. Comment voyez-vous votre évolution actuelle, et aimeriez-vous chanter des rôles plus lourds ?

L V : J'ai déjà abordé quelque chose de plus lourd. Je croyais que c'était moins difficile, mais ça l'est beaucoup plus que Mimi ou Manon, ou tout ce que j'ai chanté jusqu'à maintenant, c'est Mireille, que j'ai donné à Marseille. Il est vrai que cela demande une résistance sur scène extraordinaire. L'année prochaine je vais débuter dans Marguerite, qui est presque les mêmes exigences ; je peux dire même que c'est un peu moins difficile que Mireille. Je me suis un petit peu trompée en choisissant premièrement de chanter Mireille plutôt que Marguerite, mais je ne regrette rien. Heureusement je n'ai pas fait de très longues séries de spectacles et cela m'a permis quand même de faire de belles représentations.

L C : Vous avez chanté La Traviata l'année dernière. Vous disiez à propos de ce rôle qu'on ne pouvait l'aborder qu'avec une grande maturité artistique. Pensez-vous avoir maintenant cette maturité?

L V : Oui. J'espère ! j'espère ! Je n'en ai pas la certitude, on n'est jamais content de ce que l'on fait. Chaque fois que je m'écoute je voudrais faire mieux. Il est vrai que c'est une musique particulière et qui me touche énormément. Peut-être est-ce pour cela que j'avais peur de ne pas la rendre aussi belle qu'elle est écrite. Cela pose des difficultés techniques et, à cause du premier acte, on préfère chanter l'oeuvre en début de carrière que plus tard. Mais pour tout le rôle on a besoin d'une certaine maturité, maturité artistique et humaine, parce que je crois qu'il faut vraiment avoir une certaine expérience de la vie qui nous aide à construire tout ça en nous, qui nous permet de donner toute les dimensions qui ressortent de cette femme d'une grande sensibilité : don de soi, générosité.

L C : Vous disiez, toujours à propos de La Traviata, que vous craigniez l'ombre de Maria Callas.

L V : Ce n'est pas de la crainte, mais plutôt une énorme admiration. On a peur de ne pas être capable de donner quelque chose qui puisse approcher l'absolu.

L C : Vous a-t-elle inspiré pour la construction psychologique de votre personnage ?

L V : Bien sûr ! Mais plus qu'elle - car c'est une voix assez différente de la mienne - je crois que ce qui m'a inspirée énormément, c'est l'interprétation de Renata Scotto. J'ai beaucoup appris de tout ce qu'elle faisait dans le rôle, et je lui ai même demandé des conseils.

L C : Vous citez souvent le nom de Renata Scotto. Est-ce un de vos modèles?

L V : Oui, tout à fait.

L C : Vous parlez aussi de Ileana Cotrubas.

L V : Exactement. ce sont de grands artistes que j'admire énormément et chacune m'apporte quelque chose dans l'accomplissement de ce que je fais.

L C : En ce qui concerne La Bohème, votre perception du rôle et de la mise en scène de Nicolas Joël a-t-elle évoluée depuis 1995 ?

L V : Non, je ne crois pas. Les idées de Nicolas Joël ont été exposées très clairement dès le début, alors je ne trouve pas de changements. Peut-être suis-je capable de mieux rendre ce qu'il voulait, parce que j'ai fait plusieurs mises en scènes de La Bohème depuis et que c'étaient des expériences enrichissantes. J'ai peut-être réussi à mieux comprendre ce qu'il voulait. Je trouve que c'est une des meilleures mises en scène à laquelle j'ai participé.

L C : Vous avez déclaré avoir beaucoup appris sur ce rôle grâce à Nicolas Joël. Que vous a-t-il apporté ?

L V : Déjà, montrer la simplicité de cette femme, de ce personnage, sa vivacité. Elle n'est pas malade dès le début ; on voit toujours des Mimi malades dès le premier acte et justement, Nicolas Joël m'a empêché de faire cela. Il m'a expliqué que c'est un personnage tout à fait vivant, plein de désirs, de plaisir de vivre et que la situation se détériore peu à peu et qu'à partir du troisième acte elle est plus marquée par la maladie et en même temps par le chagrin d'amour, cette rupture entre Rodolphe et Mimi à cause de sa maladie, en fait. Cette évolution, il me l'a bien expliquée dès le début, j'ai l'ai bien comprise et j'ai réussi à la rendre.

L C : Avez-vous déjà chanté avec votre partenaire Stephen Mark Brown ?

L V : Non, c'est la première fois et j'en suis ravie, car il est vraiment le poète. Il incarne un personnage intellectuel poétique et très sensible. J'ai beaucoup aimé travailler avec lui.

L C : Sa conception du rôle de Rodolphe vous paraît-elle différente de celle de Roberto Alagna ?

L V : Il m'est difficile d'en juger. Je crois que Mark incarne un personnage un peu plus retenu dans ses élans, plus introverti que Roberto. Roberto le rendait très expansif, c'était différent. Ce sont deux caractères complètement différents, deux personnalités différentes.

L C : Vous chantez surtout le répertoire italien et français, n'avez-vous pas envie d'aborder d'autres répertoires, allemand ou slave ?

L V : Je ne sais pas si j'aborderai un jour des rôles du répertoire allemand, mais slave, peut-être. J'aimerais bien chanter dans Eugène Onéguine, plus tard, bien sûr !

L C : Il y avait un projet concernant Onéguine à Toulouse.

L V : Exactement, mais je ne me sens pas encore prête à aborder ce rôle.

L C : Après votre succès ici, à Toulouse, dans Suzanne, avez-vous des projets pour chanter un nouvel opéra de Mozart ?

L V : Oui, d'ailleurs je vais reprendre le rôle en octobre au Théâtre de la Monnaie de Bruxelles. Antonio Pappano dirigera. Ce sera la deuxième fois que je chanterai Suzanne et j'en suis ravie parce que c'est un rôle qui est très vivant, très drôle, c'est une histoire passionnante. Une belle aventure !

L C : Un rôle accordé à votre personnalité et qui vous permet de vous exprimer ?

L V : Oui, je crois. Je ne sais pas si j'ai beaucoup d'humour, mais j'aime bien m'amuser !

L C : Y a-t-il d'autres rôles mozartiens que vous aimeriez chanter ?

L V : Peut-être, dans le futur, Fiordiligi. J'aimerais, mais je ne sais pas si j'en serais capable, il faut voir !

L C : Avez-vous des projets d'enregistrements ?

L V : J'ai fait un enregistrement d'airs d'opéras qui réunit presque tout ce que j'ai abordé jusqu'à maintenant, un disque EMI qui sortira cette année, peut-être en juin, et qui est dirigé par Placido Domingo.

L C : Avez-vous chanté avec Domingo ?

L V : Nous avons déjà été partenaires sur scène à Londres, à Vienne et aussi à Munich et cela m'a fait très plaisir de découvrir le chef d'orchestre Placido Domingo.

L C : Met-il la même fougue dans la direction d'orchestre qu'au chant ?


L V : Oui, tout à fait. D'ailleurs, il a fait un autre enregistrement avec José Cura, que j'ai entendu et qui est très réussi ; j'en suis ravie pour lui.

L C : La musique roumaine semble beaucoup compter pour vous, et vous chantez des mélodies de George Enesco en récital. N'aimeriez-vous pas consacrer un enregistrement à ce répertoire ?

L V : Ah oui, tout à fait, j'aimerais beaucoup, mais cela reste aux maisons de disques de me le demander.

L C : Et l'opéra roumain vous attire-t-il ?

L V : Je ne connais pas très bien le répertoire roumain d'opéras, à part OEdipe d'Enesco.

L C : Parmi les rôles nombreux que vous avez chantés, quels sont vos préférés ?

L V : Tout ce que j'ai chanté, je l'ai fait avec plaisir. Il restera toujours Manon, j'aime énormément Traviata, j'ai beaucoup, beaucoup aimé Mireille, Suzanne, tout. En fait, je ne peux pas dire qu'il y ait des rôles qui je n'ai pas eu de plaisir à aborder. En général je choisis toujours des personnages dans lesquels je pouvais faire quelque chose.

L C : Vous avez donc besoin de vous investir totalement sur scène dans votre personnage ?

L V : Oui, tout à fait. Je ne serais pas capable de prendre un rôle seulement pour ajouter un nouveau titre à ma carrière. Je crois qu'il faut avoir un rapport presque physique avec la musique pour pouvoir vraiment donner le maximum au public.

L C : Y-a-t-il des rôles que vous aimeriez chanter mais que vous ne voulez pas aborder ?

L V : Je ne serai jamais capable de chanter Rigoletto !!! [rires] Et c'est pourtant un personnage que j'adore. Mais, j'ai quelques manques. Peut-être un jour serai-je capable de chanter Madame Butterfly. J'aimerais beaucoup, c'est un très beau rôle. Il y a beaucoup de choses qui sont magnifiques.

L C : Ecoutez-vous d'autres artistes?

L V : Oui, quand j'en ai l'occasion, bien sûr. Peut-être suis-je tournée vers le passé ; j'écoute beaucoup de voix qui ont fait de grandes carrières car j'apprends beaucoup d'elles. Mais j'écoute aussi les collègues de ma génération.

L C : Avez-vous déjà entendu les chanteurs qui alterneront avec vous? Vous avez déjà chanté avec Tito Beltram ?

L V : Oui, nous avons fait des spectacles magnifiques à San Francisco, à Hambourg nous avons fait La Bohème, c'était très agréable. Rie Hamada m'a particulièrement impressionnée. J'aime beaucoup sa voix, elle a une belle technique, elle est très musicienne. Je l'ai beaucoup admirée.

L C : Vous avez suivi les traces de votre mère, elle-même chanteuse ; aimeriez-vous que vos enfant soient musiciens ?

L V : Oh oui, tout à fait ! S'ils ont le talent nécessaire, sans hésiter.

L C : Pour fonder une lignée Vaduva ?

L V : Peut-être, j'espère bien !!

Propos recueillis par Laurent Marty


Laurent Marty

 

 

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