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Lénine, Staline et le quatuor

Paris
Cité de la musique
01/08/2011 -  
Alexandre Mossolov: Quatuor n° 1, opus 24 – Quatuor n° 2: Scherzo
Boris Tishchenko: Quatuor n° 1, opus 8
Mieczyslaw Weinberg: Quatuor n° 3, opus 14

Quatuor Danel: Marc Danel, Gilles Millet (violon), Vlad Bogdanas (alto), Guy Danel (violoncelle)


Le Quatuor Danel


Parallèlement à l’exposition «Lénine, Staline et la musique» qui se tient jusqu’au 16 janvier au Musée de la musique, la Cité de la musique a proposé deux cycles de concerts: le second s’achève sur un week-end consacré au quatuor à cordes, à l’image de ce programme original donné par le Quatuor Danel dans un ordre différent de celui indiqué dans le livret de présentation, à l’issue d’un forum «Après la Révolution: musique et cinéma sous Staline».


Alexandre Mossolov (1900-1973) n’est guère connu au-delà de sa célèbre Fonderie d’acier, de telle sorte que son Premier Quatuor (1926), contemporain de ce sommet du constructivisme musical, avait de quoi susciter la curiosité. On y retrouve dès le premier mouvement des cellules simples en ostinatos sauvages, parfaitement au diapason de l’avant-garde européenne d’alors, plus particulièrement Hindemith ou Schulhoff, avec toutefois des velléités lyriques plus marquées. Les trois autres mouvements sont moins développés, presque lapidaires, le deuxième mouvement présentant, à l’alto seul puis aux deux violons dans le suraigu, des thèmes à la carrure populaire mais avec une intention bien plus ironique que folklorique. L’effervescent Scherzo, si typique des années 1920, laisse place à un Finale empoigné par des musiciens toujours aussi enflammés, qui se lancent hardiment dans un fugato sur l’un des sujets les plus improbables qui soient pour un tel usage. Après ces vingt-deux minutes délicieusement acidulées et épicées, le troisième mouvement du Second Quatuor (1942) ne peut que paraître plus fade, mais, malgré un sous-titre de circonstance («Oh Russie, toi Russie, terre russe»), ce Scherzo demeure assez loin de l’idée assez sinistre qu’on se fait du devenir de Mossolov et de sa musique sous le régime stalinien, après sa disgrâce (1929) et son séjour au goulag (1938-1939): le ton est certes plus détendu, mais le style n’a rien de pesamment officiel et les facéties continuent d’abonder, au point de donner envie d’entendre la partition entière.


Entre-temps, le Premier (1957) des six Quatuors de Boris Tishchenko (1939-2010) avait permis un bond dans l’histoire, juste après le XXe congrès du PCUS. Le compositeur avait été programmé bien avant qu’on apprenne sa disparition, le 9 décembre dernier et c’est fort logiquement le Quatuor Danel, qui avait rendu hommage au compositeur russe fin novembre 2009 à l’occasion d’une soirée organisée par l’Association Chostakovitch, a souhaité dédier ce concert à sa mémoire. Dans son Premier Quatuor, Tishchenko déploie des moyens techniques et expressifs qu’on n’attend pas nécessairement de la part d’un jeune homme de dix-huit ans, même s’il avait alors déjà bénéficié de l’enseignement d’Oustvolskaïa: avec une remarquable concision (treize minutes), un Andante mesto, introduit par un long solo d’alto dans un climat évoquant aussi bien Bartók que Chostakovitch, et un Lento lyrique et méditatif encadrent un Allegro giocoso, bref intermède humoristique à la Prokofiev.


Le Quatuor Danel réalise actuellement une intégrale des dix-sept Quatuors de Mieczyslaw Weinberg (1919-1996), dont quatre volumes sont déjà parus chez cpo. Né à Varsovie mais ayant émigré en Union soviétique pour échapper à la victoire du Troisième Reich, il bénéficia très tôt de l’estime et de l’amitié de Chostakovitch tout en souffrant de l’indifférence du régime, voire de son hostilité – il fut arrêté en février 1953 mais sauvé par la mort de Staline le mois suivant. En attendant de découvrir du 5 au 14 avril à Nancy son opéra Le Portrait (1980) d’après la nouvelle de Gogol, son Troisième Quatuor (1944) se déroule d’un seul tenant, pour une durée de près de vingt minutes: dense et véhémente, sérieuse et intense, l’œuvre frappe avant tout par le caractère élégiaque de sa section centrale. Précisément, le Quatuor Danel offre en bis une «Elégie», la première des Deux Pièces (1931) de Chostakovitch.


Le site du Quatuor Danel



Simon Corley

 

 

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