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Patchwork pianistique

Paris
Théâtre de la Ville
12/13/2010 -  
Franz Schubert : Wanderer-Fantasie, D. 760
Robert Schumann : Etudes symphoniques, en forme de variations, opus 13
Frédéric Chopin : Vingt-quatre Préludes, opus 28

Alexander Melnikov (piano)


A. Melnikov


Tarifs très accessibles et belle affluence pour Alexander Melnikov (né en 1973), au Théâtre de la Ville: un interprète qu’on a davantage l’habitude d’entendre accompagner la violoniste Isabelle Faust (lire ici, ici, ici, ici, ici et ici). Ce ne sont pas les Tableaux d’une exposition que le pianiste russe a choisis pour son récital en solo, bien qu’il ait le privilège de se produire au beau milieu des intimidants décors – des répliques de grands formats du Louvre accrochées en hauteur dans la salle rouge d’un musée-cimetière – réalisés par Richard Peduzzi pour le spectacle de Patrice Chéreau (Un Rêve en automne de Jon Fosse, à l’affiche du théâtre jusqu’au 25 janvier). Point de Moussorgski donc, mais des partitions de Schubert, Schumann et Chopin placées sous le signe de la surprise et de la métamorphose.


Le moins que l’on puisse dire du piano de Melnikov est qu’il ne laisse pas indifférent. Ainsi d’une Wanderer-Fantasie qui semble fuir toute grandiloquence – aux antipodes de la version massive et finalement pesante d’Irakly Avaliani (proposée une semaine plus tôt au public parisien) – pour se concentrer sur la légèreté et le rythme. Un Schubert allégé, décanté, où la fantaisie est partout – même dans une fugue finale qu’on a rarement entendue aussi claire et légère. Optant pour des tempos très enlevés, fuyant l’excès de poids dans la frappe, le jeune interprète ramène son Schubert vers la lumière de Haydn et Mozart, diffusant légèreté et humour. S’il n’est pas aussi captivant, son Schumann n’est guère différent dans le ton. Les Etudes symphoniques respirent la même vivacité athlétique – où le sourire est fréquent et la légèreté omniprésente –, la badinerie du propos n’empêchant pas Melnikov de donner l’emphase nécessaire au grandiose crescendo de la Neuvième Variation ni d’occulter l’hypnotisme de passages abordés avec des moyens économes mais efficaces. On sent pourtant poindre l’univoque dans cette approche flirtant parfois avec l’hédonisme.


Au-delà, Alexander Melnikov est-il vraiment, comme nous incitent à le croire les notes de programme, ce «psychanalyste de la musique» sachant se glisser «dans la peau du créateur, sa technique superlative lui permettant d’oublier les contingences du clavier pour aller droit au cœur de la musique» et finalement «chez lui dans tous les répertoires»? On en doute fort en entendant ces tristes Préludes de Chopin donnés en seconde partie, petites miniatures indépendantes les unes des autres, ciselées à l’extrême mais dénuées d’affect. Si l’on est par moments interpelé par tel ou tel climat (la tendresse du Treizième Prélude, la neutralité inquiétante et presque obsessionnelle du Quinzième, l’intimidante immobilité d’un Vingtième Prélude murmuré, l’impressionnant travail d’étagement des voix dans le Vingt-deuxième), on reste globalement insensible – sinon irrité – par une approche glaciale et presque décharnée. Les tempos se veulent parfois insolites (un Sixième Prélude contemplatif, un Douzième brutalisé, un Vingt-quatrième désarticulé), mais le jeu est trop souvent anonyme et sans charme (la sécheresse des Dixième et Onzième Préludes, la fadeur des Seizième et Dix-septième, l’articulation sans saveur du Dix-neuvième). On perd vite de fil dans cette exécution hédoniste mais asséchée, ce patchwork disparate où l’on recherche en vain l’unité et la cohérence du tout. Quel contraste, en tout cas, avec l’interprétation de Maurizio Pollini six jours plus tôt sur la scène de Pleyel! Iconoclaste, le Chopin d’Alexander Melnikov paraît manquer de chair, ou tout simplement d’émotion.



Gilles d’Heyres

 

 

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