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Le retour de la Fiancée

Paris
Palais Garnier
12/04/2010 -  et 7, 9, 13, 16, 20, 22, 25, 27 décembre 2010
Bedrich Smetana : Prodaná nevěsta
Oleg Bryjak (Krusina), Isabelle Vernet (Ludmila), Inva Mula (Marenka), Michael Druiett (Mícha), Marie-Thérèse Keller (Háta), Andreas Conrad (Vasek), Piotr Beczala*/Pavel Cernoch (Jeník), Jean-Philippe Lafont (Kecal), Heinz Zednik (le Maître de manège), Valérie Condoluci (Esmeralda), Ugo Rabec (l’Indien)
Orchestre et Chœur de l’Opéra national de Paris, Constantin Trinks (direction)
Gilbert Deflo (mise en scène)


(© Franck Ferville/Opéra national de Paris)


En octobre 2008, cette Fiancée vendue n’avait guère enthousiasmé, faute d’une mise en scène digne de ce nom, le travail de Gilbert Deflo péchant par sa discrétion, voire par son indigence. Il y a pourtant de quoi faire ici, entre les quiproquos typiques du genre bouffe, qui font passer du rire aux larmes, et les saveurs inimitables d’une musique sentant bon le terroir – la Polka du premier acte, le Furiant du deuxième, la Skocná du troisième. On ne reprochera pas au metteur en scène belge de tout situer dans un univers de baraques foraines et de cirque, que le troisième acte justifierait, et de se souvenir du coup de son Amour des trois oranges, sa seule production parisienne vraiment réussie. Ni de faire arriver l’entremetteur Kecal dans une voiture des années 1930. Cela vaut mieux, après tout, que du folklore de pacotille. Mais il passe à côté de la subtilité du comique, des raffinements ambigus du marivaudage, sans diriger vraiment les chanteurs : tout tombe à plat ou pèse des tonnes.


La musique sauve heureusement le spectacle, du moins en partie. Le jeune Constantin Trinks, plus raffiné et moins extraverti que Jirí Bělohlávek, restitue à la partition son parfum mozartien, quitte à la priver de son cachet d’authenticité, notamment dans les danses ou la redoutable Ouverture, dont le fugato endiablé reste impeccablement maîtrisé. Clarté des lignes, souplesse des phrasés, franchise des couleurs : rien ici ne freine ou n’empâte une musique qu’on a parfois tendance à « germaniser ». Manque seulement à cette direction analytique et un peu verte une once de poésie et de lyrisme, comme chez certains jeunes chefs « modernes » - il n’est pas sans rappeler, même physiquement, Philippe Jordan. Sur scène, c’est Piotr Beczala qui triomphe, phrasant son Jeník avec un legato mozartien, à la fois tendre et moqueur, timbre lumineux mais corsé, tessiture homogène comme rarement : l’air du deuxième acte est anthologique. On n’en dira pas autant de la Marenka d’Inva Mula, pourtant passionnée et frémissante, à la ligne soignée : le médium est trop modeste, la voix a perdu de sa fraîcheur, l’air du troisième acte nous rappelle Mimi là où l’on attend Pamina. Les ténors, décidément, font le prix de cette Fiancée : si Andreas Conrad sait faire le bègue, il chante son Vasek, toujours stylé, plus pitoyable que grotesque, double malheureux de Jeník. Jean-Philippe Lafont, en revanche, n’avait rien à faire dans cette galère : il a beau camper un Kecal d’une rustrerie truculente, il ne peut dissimuler la ruine d’une voix qui n’a jamais été la basse exigée par l’entremetteur, n’a plus de soutien, cherche ses extrêmes et sa justesse, s’empêtre dans le chant syllabique rapide. Le baryton français a bien mérité de l’opéra : il devrait maintenant, s’il veut prolonger sa carrière, choisir des rôles plus adaptés. Comme le vétéran Heinz Zednik : après avoir été Vasek, il endosse désormais les habits du Maître de manège, complétant ici une distribution très homogène dans les seconds rôles.


Cette production a donc ses faiblesses, à commencer par une mise en scène qu’on oubliera au plus vite. Mais elle nous rappelle que La Fiancée vendue est, musicalement, un régal.



Didier van Moere

 

 

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